Les jeunes journalistes lancent le débat et appellent à un code de conduite que tous les médias seraient tenus de respecter Quel rôle doit jouer le journaliste face au terrorisme ? Où se limite la liberté d'expression par rapport au traitement médiatique du phénomène ? La question est d'autant plus complexe et compliquée que le journaliste se retrouve dans l'embarras du choix entre le devoir d'informer et le droit de réserve sur tout ce qui pourrait menacer la sécurité nationale. Autant d'interrogations qui ne cessent de préoccuper profondément les professionnels du secteur, au moment où les frappes terroristes aveugles ne font qu'alourdir le bilan des martyrs et des blessés parmi nos forces armées et de sécurité. En parallèle, certains médias, à l'instar de « Nessma TV », semblent, à tort ou à raison, tomber dans l'apologie et le blanchiment du terrorisme. Inadmissible de tolérer, sous n'importe quel prétexte que ce soit, tout appel à la haine et à la violence au nom de la liberté d'expression. Une chose est sûre : il n'y a pas d'impartialité ni d'objectivité dans la lutte contre cette « guerre sainte » dont tous les voyants révèlent un dessein diabolique attentatoire à la souveraineté du pays et à l'intégrité de ses institutions. Partant de ce constat, que doit faire le journaliste? Comment devrait-il agir face au flux d'informations provenant de partout, notamment des réseaux sociaux ? Comment réagir pour qu'il se pose en partie prenante militante contre tout danger terroriste ? La tâche, certes, ne serait pas facile, dans la mesure où l'information donnée pourrait être soumise à moult interprétations. Quitte à déraper au sens contraire. L'Association nationale des jeunes journalistes (Anjj) a interpellé hier, lors d'une rencontre de presse à Tunis, tous les protagonistes du secteur médiatique, les exhortant à faire la part des choses dans le traitement de la question du terrorisme. Abderraouf Bali, président de l'Anjj, n'a pas hésité à pointer du doigt les décideurs politiques, pris pour les premiers responsables de ce que se passe aujourd'hui au mont Chaâmbi et dans les forêts limitrophes où les groupes intégristes sont montés en puissance. Cela, selon lui, ne peut occulter, en aucun cas, l'absence d'une stratégie nationale de lutte bien définie. Et Bali d'aller plus loin, soulignant que le problème réside, en premier lieu, dans la décision politique et non dans le traitement journalistique du phénomène. De son côté, Fatma Karray, journaliste au quotidien arabophone « Chourouk », soutient que le combat du journaliste doit partir du terrain, son territoire de défense et de critique. Son cheval de bataille, a-t-elle ajouté, est le dévoilement de la vérité. Au sujet du terrorisme, en particulier, l'on ne peut se contenter de comptes rendus, mais plutôt aller dans l'analyse des faits, leurs tenants et aboutissants. «Car un journaliste qui n'a pas l'esprit critique et le discours de la méthode à la cartésienne n'est pas en mesure d'y voir plus clair». Elle a affirmé : « Etre journaliste, c'est être habité par le questionnement et le souci constant de la réflexion... ». Un tel profil a le mérite d'être de la partie dans la lutte contre le terrorisme. Cette rencontre de presse s'inscrit dans le prolongement de l'initiative prise récemment par le Snjt, lors de la causerie ramadanesque ayant réuni les différents responsables de la rédaction dans les entreprises médiatiques. Zied Dabbar, membre du Snjt, a indiqué que l'idéal est de parvenir à un code de conduite basé sur les règles déontologiques du métier et la manière de traiter la question terroriste. Car pareil sujet délicat mérite un traitement médiatique spécifique, a-t-il lancé, soulignant que la ligne de démarcation entre le média et le terrorisme demeure encore entourée d'un flou persistant. Mohamed Salah Laâbidi et Seifeddine El Amri, tous deux journalistes ayant beaucoup travaillé sur le sujet, ont abordé la question média et terrorisme sous plusieurs angles. Le premier intervenant a tenu à insister sur les distances à prendre entre la liberté d'expression et la sécurité nationale, tout en mettant l'accent sur l'importance des facteurs d'ordre rédactionnel, académique, politique, technique et de formation continue sur le phénomène. Quant au second, il a abordé le sujet d'un point de vue psychologique. Le terrorisme est un phénomène universel qu'il ne faut pas amplifier davantage. N'empêche, conclut-il, les médias sont appelés à changer de mode de traitement pour plus de réflexion et de critique. « En tout cas, ce phénomène n'est que la résultante des régimes dictatoriaux ayant régné dans le monde arabe. Mais, c'est aussi une industrie occidentale venant des Etats-Unis et financé par certains pays du Golfe.. », a-t-il dénoncé.