Lutte contre la criminalité et la spéculation : Saïed donne ses instructions    Le Chef de l'Etat reçoit le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l'étranger : Le front diplomatique au service de la libération nationale    Fonction publique et institutions : L'heure du tri et de la restructuration    L'Union européenne durcit son mécanisme de suspension de l'exemption de visa : Israël dans le viseur    Para-athlétisme : La Tunisie règne sur le Grand Prix de Tunis avec 24 médailles    Mondial des clubs : Al-Hilal arrache un nul historique face au Real Madrid    Un arrêté conjoint réforme le concours de résidence en pharmacie    ENI annonce de nouveaux investissements dans le secteur énergétique tunisien    3e anniversaire en prison : Chayma Issa et Dalila Msaddek rendent hommage à Jaouhar Ben Mbarek    Le CMF radie définitivement Hafedh Sebaa    149 traversées programmées par la CTN pour les Tunisiens de l'étranger    Coopération sanitaire tuniso-égyptienne : greffe, prévention et tourisme médical au menu    Le plan de développement 2026-2030 bientôt finalisé : Riadh Dridi livre des détails    Entre Israël et l'Iran, une autre guerre fait rage : celle des fake news    Skylight Garage Studio : Le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Alerte météo : le ministère appelle à la vigilance pour protéger les récoltes de céréales    France : Vers l'interdiction des mariages avec des sans-papiers    Salon international de la céramique contemporaine du 20 juin au 15 juillet 2025 à la médina de Tunis    Ons Jabeur bat Jasmine Paolini et se qualifie pour les quarts de finale du WTA 500 de Berlin    Fête de la musique - L'orchestre fête la musique: Pôle musique et Opéra    La CNSS dément l'existence d'une prime de 700 dinars et met en garde contre de faux liens    Caravane Soumoud : retour prévu en Tunisie les 18 et 19 juin 2025    Khamenei menace les Etats-Unis de "conséquences irréparables" en cas d'appui à l'entité sioniste    Tunisiens, protégez votre futur foyer : passez par la case bilan prénuptial    Electricité : des ventes presque inchangées en un an    Meurtre de Mongia Manaï : son fils capturé par Interpol en Allemagne    Sonia Dahmani visée par une nouvelle affaire sur la base du décret 54    Tensions en ligne entre Fatma Mseddi et Wael Naouar    Le festival d'Oudhna 2025 se tiendra du 26 juillet au 5 août et sera consacré aux arts populaires    Huile d'olive : 195 000 tonnes exportées vers plus de 60 pays    10 millions de dinars pour propulser l'Hôpital Charles Nicolle vers l'excellence médicale !    Mercato basket : Oussama Marnaoui s'engage avec le Club Africain !    Météo en Tunisie : températures en légère baisse    Tunisie : Fin officielle de la sous-traitance dans le secteur public et dissolution d'Itissalia Services    Il y un an Khémais Khayati nous quittait : la liberté à hauteur d'homme    L'Iran frappe avec les missiles Fattah : message clair à Tel-Aviv    Coupe du monde des clubs 2025 : sur quelle chaîne suivre Manchester City face au Wydad ?    Ridha Lamouri: Le galeriste passionné    Guerre israélo-iranienne : Ahmed Ounaies redoute un scénario à la George W. Bush    Récolte des céréales 2025 : des résultats prometteurs selon Salwa Zouari    Coupe du monde des clubs – L'EST s'incline face à Flamengo : Il fallait y croire dès le départ...    En vidéo : réception de 111 bus chinois au port de La Goulette    beIN MEDIA GROUP prolonge ses droits exclusifs de diffusion de la Premier League jusqu'en 2028    Kaoutar Boudarraja est toujours en vie, selon sa famille    KOTOUF Festival célèbre le patrimoine littéraire et l'UNESCO à Djerba    Ons Jabeur poursuit son parcours à Berlin en double et en simple    La Tunisie mobilise les soutiens en faveur de son candidat l'ambassadeur Sabri Bachtobji, à la tête de l'Organisation Internationale pour l'Interdiction des Armes Chimiques (OIAC)    Elyes Ghariani: L'alliance russo-chinoise au cœur du nouvel ordre mondial    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Du sang dans l'encre
«Vigilance» ausculte les formes du discours sur le terrorisme
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 07 - 2014

Quels types de discours tenir face au terrorisme? La question d'apparence simple posée par l'Association Vigilance, l'espace d'une rencontre, contient toute la complexité d'un phénomène qui se nourrit et grandit du spectacle dramatique et des failles du discours politique, médiatique et autres qu'il produit.
D'Al Qaïda à Daech (Etat islamique en Irak et au Levant), en passant par le groupe tunisien Ansar Echaria, le combat meurtrier visant l'installation de l'Etat religieux par la force des armes n'est pas viable sans les images et sans les discours développés face au désastre qu'il produit. Sa littérature abondante nous l'enseigne. Voilà des décennies qu'elle commençait à mettre du sang dans l'encre.
Comment le dire sans le glorifier ?
Alors, comment en informer sans le banaliser ou en faire l'éloge ? Comment le diagnostiquer sans le dramatiser? Comment en montrer les dégâts sans accorder à ses auteurs le satisfecit attendu ? Comment le dénoncer sans sacrifier la déontologie et la crédibilité au désarroi qui s'ensuit? Comment le gérer politiquement sans tomber dans l'instrumentalisation ou la négation? Comment concilier juridiquement entre le droit du terroriste présumé et le droit du peuple à la vie ?...
L'espace d'une journée de réflexion, l'Association Vigilance pour la démocratie et l'Etat civil s'attaquait, le week-end dernier à Tunis, à un débat de grande acuité jusque-là reporté devant les effets de tsunami provoqués par la vague terroriste.
«On pouvait débattre des futures élections si proches et si problématiques. Mais on a fait le pari risqué de s'attaquer aux différents types de discours développés autour du terrorisme en ce que ce sujet constitue la priorité des priorités : les élections ne mettront pas fin au terrorisme alors que celui-ci peut facilement les compromettre! « C'est à coups d'arguments forts que la présidente de Vigilance, Néziha Rjiba, alias Om Zied, ouvrait la rencontre, précisant que l'objectif de son association est moins d'en appeler à uniformiser ces discours qu'à les rationaliser et à trouver le juste ton entre ceux qui nient la gravité du terrorisme et ceux qui l'instrumentalisent.
Les versets confisqués
«Résistance, combat, jihad, sacrifice, martyr...». Pour Iqbal Gharbi, spécialiste en anthropologie des religions, les mots martelés par les groupes armés et les réseaux d'endoctrinement et de mobilisation sonnent comme autant d'appels irrésistibles auxquels les jeunes succombent systématiquement. « Ce discours savamment développé sur le mode de l'irrationnel porte en lui la négation de toute rationalité, de toute liberté et démocratie, voire de toute humanité : l'homme y perd sa valeur d'homme et s'y réduit à un simple instrument de violence programmé pour semer la mort et installer la terreur».
Sami Braham, spécialiste du salafisme jihadiste depuis 2005 et actuel chercheur à l'Institut tunisien des études stratégiques, précise : «La moitié du discours jihadiste vient du Coran. Ceux qui adhèrent à l'idéologie jihadiste ont dans le Coran de quoi nourrir leur pensée, justifier leurs actes et légitimer leurs guerres... « Le Coran est-il pour autant un texte producteur de terrorisme», questionne le chercheur affirmant aussitôt que la stratégie jihadiste procède par une lecture parcellaire et sélective du texte et une confiscation méthodique des versets qui peuvent l'avaliser. La solution serait pour lui de «libérer le sens confisqué et de combler le vide investi par le discours terroriste en diffusant sur le même terrain que celui des jihadistes la lecture d'un islam des lumières».
Face au terrorisme, le discours des hommes de la loi ne sonne pas moins péremptoire et moins crucial. Pour Kalthoum Kennou, magistrat, et pour Abdessattar Ben Moussa, avocat, président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, le traitement du terrorisme passe par une loi bien définie et bien dosée, par des avocats capables de garantir le droit de la défense en interaction avec les réalités du terrain, et des magistrats spécialisés en mesure de produire parallèlement aux sanctions un rôle de prévention et une interprétation des textes au cas par cas.
Les hommes d'Etat face aux destructeurs de l'Etat
Le terrorisme déroute le discours politique si éloquent sur d'autres questions. Entre ceux qui le justifient, ceux qui en nient la portée et ceux qui l'instrumentalisent, la cohérence continue à manquer aux acteurs de la transition.
«Comment l'homme d'Etat doit-il se comporter avec ceux qui ne croient pas à l'Etat et à la démocratie», questionne le député Yad Dahmani qui dénonce la proximité idéologique et le négationnisme de certains acteurs autant que la volonté d'autres de pousser vers l'approche répressive du tout sécuritaire. A mi-chemin, le député propose, face au caractère international de la menace, d'inscrire la lutte nationale dans un plan régional.
Le journaliste Youssef Oueslati, rédacteur en chef du journal Achaâb, a quant à lui interrogé les déclarations de cinq personnalités politiques à la recherche de l'unité, de l'harmonie ou de la cohérence introuvables contre ce qui devrait être un ennemi commun. Tous ont en commun de ne parler de terrorisme qu'occasionnellement et non dans une logique de vigilance et de suivi. Si le président de Nida Tounès, Béji Caïd Essebsi, en accuse la Troïka, Rached Ghannouchi l'instrumentalise dans le but de montrer qu'Ennahdha en est la principale victime et n'approche le phénomène que par le biais du préjudice politique qu'il porte à son mouvement et comme s'il n'avait aucune gravité en soi... Citant Hamma Hammami, Ahmed Nejib Chebbi et Moncef Marzouki, le journaliste conclut rapidement à l'absence de toute stratégie, tout diagnostic du réel et de toute volonté de traitement à travers leurs discours.
Un théâtre qui se souvient et des médias pris au dépourvu
De «Arab» en 1987 à «Tsunami» en 2013, en passant par «Khamsoun» qui mettait en scène un attentat-suicide dans une cour d'école et l'interrogatoire musclé qui s'ensuivait, l'actrice Jalila Baccar est venue avec un florilège de textes de pièces où le monstre nommé terrorisme s'est invité depuis la première heure. Avec cela d'émouvant et de passionnant qu'au fil des œuvres, le monstre s'est rapproché et les positions ont changé.
L'artiste engagée Amel Hamrouni relate ce même changement de position qui la fera renoncer à chanter aujourd'hui encore la résistance et la mort au combat. Notions naguère révolutionnaires et héroïques, elles sont désormais récupérées pour donner la mort à l'autre.
Autant le terrorisme a pu marquer le discours artistique, autant il semble surprendre les médias et les prendre au dépourvu. Néjiba Hamrouni, ex-prėsidente du Snjt, et Iheb Chaouch, journaliste à la chaîne de télévision publique, relèvent l'improvisation totale du discours médiatique autour du terrorisme et le gâchis qui s'ensuit, entre complicité élogieuse, inconscience et irresponsabilité.
Est-on si loin d'un discours sans failles face à la faille du siècle? Absence d'une définition précise du terrorisme, d'un discours cohérent et rationnel face au phénomène, d'une alternative éducative et culturelle au discours de la mort qui continue de rallier les jeunes, absence d'une stratégie politique et d'une stratégie médiatique... Ce constat long et pertinent des défaillances qui a marqué le débat général a toutefois grand mal à coller à la spécificité des médias. Parler de stratégie médiatique globale contre le terrorisme c'est ignorer cette spécificité qui ne supporte pas d'orchestration extérieure et requiert seulement une planification et une réflexion internes propres à chaque rédaction. Pour les journalistes, l'actualité du terrorisme fait certes partie des terrains les plus ardus. Toutefois, ni plus ni moins que d'autres sujets problématiques, elle exige juste de la rigueur, du professionnalisme, un bon usage du code déontologique, une vive conscience de l'intérêt public et des lignes rouges.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.