Par Khaled TEBOURBI Adoptée, enfin, la nouvelle loi de finances complémentaire. La députée Salma Baccar avait promis un «youyou», tant les débats furent longs et fastidieux. Mais le véritable «olé» devrait se faire entendre du côté des artistes et des gens de la culture. Eux n'ont peut-être pas complètement idée encore de ce que cette nouvelle loi complémentaire pourrait leur réserver comme surplus de moyens et, surtout, comme autonomie après les décennies passées sous la seule dépendance des budgets de l'Etat. Dès sa prise de fonction, il y a près de huit mois, le ministre de la Culture, Mourad Sakli, avait clairement annoncé que l'une des premières mesures structurelles (sinon la toute première) serait d'intégrer à ladite loi une législation propre au mécénat, prévoyant «une déduction des fonds accordés au titre d'activités de sponsoring aux entreprises, projets et créations à caractère culturel, de (soulignons bien!) l'assiette fiscale sur le revenu ou de l'impôt sur les entreprises». Simplement dit, les sponsors de la culture, les entrepreneurs désireux de se muer en mécènes vont désormais pouvoir y aller de leur argent sans craindre de dilapider des fonds en «pure perte». C'était le plus souvent le cas par le passé, lorsque les déductions en faveur des financeurs de la culture ne concernaient pas l'assiette fiscale, même sur le revenu ou l'impôt entier sur les entreprises, mais n'étaient que spécifiques au prorata de chaque opération. Résultat : il fallait que les mécènes fussent de vrais passionnés d'art pour oser de tels «financements». Et les donneurs passionnés d'art se comptaient sur les doigts d'une seule main, avouons-le. Là, désormais, deux autres paramètres entrent en jeu : - L'intérêt, en premier lieu : les mécènes auront probablement à gagner au change en bénéficiant de déductions de cet ordre. - Le prestige, ensuite : c'est une donnée importantissime dans la vie des entreprises. Le nom d'une grosse vedette, ou d'un méga-spectacle accolé à celui d'une société anonyme ou d'une banque d'affaires,peut redoubler indirectement les gains, sans compter l'avantage économique déjà acquis. Ce qui reste à faire maintenant que les textes sont une réalité ? - D'abord, inciter les artistes à ne pas montrer de la mauvaise volonté. La mentalité de «l'assistanat» perdure hélas encore dans l'esprit des opérateurs culturels. Il faudra s'en débarasser petit à petit et profiter de l'existence d'une législation pareille pour apprendre à compter sur soi-même et partir à la recherche de ses propres sources de financement. - Sensibiliser les entreprises ensuite, car il n'est pas sûr qu'elles vont d'emblée s'associer au projet. Un moment de mise en confiance demeure nécessaire. Le risque est, cependant, ailleurs : il faudra veiller aussi (discrètement, sans s'ingérer dans les choix du secteur privé) à ce que le nouveau mécénat ne profite pas à n'importe qui ou à n'importe quoi. Les «Lois culturelles» doivent servir d'abord à consolider le meilleur art et les meilleurs talents. Ce principe ne devrait en aucun cas être omis ou bradé.