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«Introduire des mesures alternatives à l'incarcération des enfants» Marie-Hélène Enderlin, chargée de programmes Justice Pénitentiaire et bonne gouvernance à la délégation de l'Union européenne en Tunisie
L'Union européenne appuie la Tunisie dans le processus de réforme de la justice. Comment se présente ce partenariat ? Le partenariat a été signé en 2012 avec un programme de 25 millions d'euros ciblant trois objectifs : l'amélioration de l'indépendance de la justice et son efficacité, l'accès à la justice et aux droits et, troisièmement, la réforme du système judiciaire. Pour le premier objectif, il s'agit de simplifier les procédures, accélérer le traitement des dossiers, appuyer les institutions et renforcer les capacités en équipements et infrastructures. On prévoit à ce titre la rénovation de trois tribunaux (Nabeul, Sfax et Gabès). Le deuxième objectif touche le renforcement des professions juridiques, comme les avocats, la mise en place de mécanismes alternatifs des contentieux, comme la médiation. Ce deuxième volet vise également l'accès à la justice pour les enfants. L'Unicef a attiré l'attention sur les difficultés existantes dans les familles, dans les centres de défense sociale et dans les services de protection de l'enfance. A ce titre, nous avons consacré un projet de 4 MD pour faire participer tous les intervenants dans le domaine de l'enfance, en particulier l'enfance en conflit avec la loi (Garde nationale, police, travailleurs sociaux, établissements pénitentiaires...). Le but est de réduire les délais dans les milieux fermés et, surtout, de faire bénéficier les enfants d'une formation au cours de cette période de détention dans le cadre d'un programme de réinsertion qui commence dès que l'enfant est enfermé. Chaque année, cent mille enfants sont déscolarisés. Certains deviennent des délinquants. Il faut encadrer ces jeunes qui ne doivent pas être traités comme des adultes. Une garde à vue de 6 jours, c'est trop long pour un enfant. La réforme du système judiciaire concernera l'organisation interne des institutions pénitentiaires. Il est prévu de rénover totalement deux bâtiments, celui de Gabès et de Sousse-Messaâdine. En octobre prochain, un deuxième programme de 15 Millions d'Euros sera lancé pour la réforme de la procédure et du code pénal, à partir de l'étape de l'arrestation jusqu'à celle de l'incarcération en passant par la détention préventive. Ceci pour traduire les garanties constitutionnelles dans la pratique (projets de loi et textes d'application). C'est un travail de longue haleine et au niveau de l'UE, nous venons de prolonger la durée de la mise en œuvre jusqu'à 2018. Le Parj comprend une composante «justice juvénile»: pourquoi cet intérêt pour les enfants et quelles sont les attentes de l'UE par rapport à ce projet ? Les experts disent que le système judiciaire tunisien est bon, mais qu'il souffre d'un manque de mécanismes de mise en œuvre. Par exemple, la Constitution prévoit la présence d'un avocat pendant la garde à vue. Le texte juridique doit donc être harmonisé avec la Constitution. En matière de consommation de drogue, on souhaiterait aussi qu'il y ait dépénalisation dans certaines affaires. Dans ces cas là, on peut tolérer des sanctions alternatives comme le travail d'intérêt général, par exemple. Il y a 5.000 détenus pour ce genre d'affaires sur un total de 23 mille détenus. C'est beaucoup, alors que la détention n'est pas un remède à la toxicomanie. Il s'agit là d'un problème de santé qui a besoin d'une prévention sociale. Par ailleurs, les mesures alternatives coûtent beaucoup moins cher à l'Etat que l'emprisonnement, qui a un coût économique et social très élevé. De plus, il faut savoir qu'il y a un problème au niveau de l'organisation des juridictions qui comptent à peine un magistrat pour 2.000 détenus. L'objectif de l'UE c'est cela : introduire des mécanismes alternatifs et des mesures de substitution à l'incarcération pour les enfants en conflit avec la loi. Nous constatons qu'il y a une très grande volonté d'aller de l'avant malgré très peu de moyens. L'administration pénitentiaire est très ouverte à toutes les propositions. Ils savent que la population carcérale doit être accompagnée et ceci dans le cadre du respect des droits de l'Homme. Au-delà de 2018, quelles sont les perspectives de coopération avec la Tunisie ? L'Union européenne soutient la Tunisie en permanence avec des aides accordées à l'Etat. La justice est une infime partie de l'aide annuelle versée à l'Etat tunisien. La justice représente 15% de cette aide. Il faut aussi savoir que l'aide européenne représente 1% du budget de l'Etat tunisien.