Le film donne la parole aux oubliés et lésés de la «révolution», ceux-là mêmes qui y ont principalement contribué. Après son avant-première mondiale qui a eu lieu, le 28 mars 2014, au cinéma Le Nouveau Latina à Paris, organisée par le festival Cinéma du Réel, le documentaire «Controlling and punishment» (contrôle et punition) de Ridha Tlili et Ayten Mutlu Saray a été enfin présenté au public tunisien, samedi dernier dans la salle Alhambra-Zéphyr à La Marsa, dans le cadre de la 21e édition des Journées du Cinéma européen. Ridha Tlili, connu sous le pseudo "Ayan Ken" (titre de son premier court métrage réalisé en 2007, Prix de la réalisation au Festival de Taghit 2008, en Algérie), a collaboré, pour la réalisation de ce documentaire avec Ayten Mutlu Saray, une artiste suisse, qui a réalisé des films d'art indépendants en Chine, en Afrique (Sénégal et Maghreb) et au Moyen-Orient (Iran, Irak, Kurdistan). Natif de Baten El Agaag (entre Gafsa et Sidi Bouzid), le réalisateur est allé voir, justement, du côté de cette région. Les deux auteurs nous y présentent une image autre de Sidi Bouzid, différente de celle véhiculée par les médias après la révolution. Sidi Bouzid, trois ans après la «révolution» Le film nous confirme, justement, que les guillemets sont plus que justifiés. Jeunes ou moins jeunes, lycéens, étudiants, personnalités juridiques et administratives , société civile, syndicalistes et autres artistes qui ont pris part, d'une manière ou d'une autre, au mouvement de révolte de 2010, (avorté en cours de route après le départ de Ben Ali) s'accordent à le dire. L'on se rappelle tous, d'ailleurs, les deux grands sit-in de La kasbah, le premier surtout où l'on a fini par chasser violemment ces personnes venues des autres régions du pays. On s'est même vite empressé d'effacer la trace de leur passage taguée sur les murs de La Kasbah. Trois ans après, à Sidi Bouzid, et comme nous le renvoie la caméra, la haine entre le pouvoir central et les habitants de la région est plus que palpable et complètement justifié dans le film. Le constat est lourd et le discours est amer: arrestations arbitraires, pressions et harcèlements. L'on s'acharne sur ceux qui sont sortis dans les rues, bravant les balles assassines. «Circulez, la révolution est déjà passée!» semblent leur dire violemment les autorités. Les esprits restent pourtant éveillés et l'on apprend à inventer une nouvelle culture de la résistance où l'art et la culture y prennent une grande part. Le film donne la parole aux oubliés et lésés de la «révolution», ceux-là mêmes qui y ont principalement contribué. Leur message est clair, jusque-là mal transmis par les médias, heureusement que le cinéma est là pour raconter autrement les faits. L'histoire se répète comme on dit, dans le documentaire de Ridha Telili, le rapprochement est clair avec le sort infligés, jadis, aux Fellagha comme Lazhar Chraiti, dont la veuve témoigne dans le film. Une histoire qui se répète à travers le calvaire vécu par ces révolutionnaires qui continuent à revendiquer plus que jamais une vraie justice sociale. L'espoir est, malgré tout, là, tenace véhiculé par une nouvelle culture de la résistance qui commence à mûrir.