De cette superposition de vécus, de strates, de cette confrontation d'univers, Selmen a tiré une certaine façon de voir les choses Il a le regard candide, et le tatouage agressif, 27ans d'âge et une vieille âme. Il est né à Siliana, a grandi à Hay Ettadhamen, fréquenté l'école à El Menzah, suivi ses amis à Carthage, étudié à Paris. De cette superposition de vécus, de strates, de cette confrontation d'univers, Selmen a tiré une certaine façon de voir les choses. Et avant tout, une curiosité intense, le goût du « tout de suite ». Reçu au concours d'entrée à l'Ecole des Beaux-Arts, il refuse d'intégrer, et se lance dans un autre domaine, plus en phase avec une actualité qui bouge : il fait du design, de la pub, du maquillage artistique, travaille pour le cinéma, les effets spéciaux, découvre les faux-semblants, la matière et le trompe-l'œil. Tout en n'arrêtant jamais de peindre cependant. Comme beaucoup d'autres, lui qui dit avoir besoin d'un déclencheur pour évoluer, la révolution le ramène à Tunis. Il reste et commence à s'exprimer, d'une façon nouvelle pour lui, mais dans l'air du temps. Il poste des caricatures sur les réseaux sociaux, rencontre des artistes émergents, participe à des actions de groupe, à un livre, au fameux évènement Tamac, au carnaval des cultures du monde à Berlin où la Tunisie est représentée pour la première fois, à une exposition au Palais Kheireddine. Mais la caricature n'a été qu'un passe-temps pour lui. Aujourd'hui, il présente à la galerie Ghaya une exposition d'œuvres dont on devine qu'une femme aurait été le déclencheur, ce fameux moteur qui le fait avancer. Lui, sourit mystérieusement quand on lui pose la question, noie le poisson, «une ou plusieurs». Peu importe, le thème est féminin, un peu mélancolique, un peu triste, un peu trash, quelquefois désespéré, et malgré tout, toujours dans l'attente. «Pour peindre, il faut que je vive un moment de rupture, et à ce moment-là, mon travail est un exorcisme, quelque chose qui me pousse à sortir de moi. Mais c'est aussi quelque chose qui transforme le négatif en positif, qui exalte les sentiments, les émotions. En fait, cela est l'essence même de ma démarche personnelle : bien sûr qu'il y a des problèmes, mais je veux croire qu'il n'y a que des solutions». Alors, avec passion, humilité, et toujours espoir, Selmen peint, dans une technique toute personnelle : acrylique, spatule, jets de peinture, lavage à l'eau de pluie, tout dépend de son humeur du jour.