Par M'hamed JAIBI Au lendemain d'une joute électorale qui a fixé les idées quant à la distribution du nouvel échiquier politique, avec deux grands pôles et des percées spécifiques, la présidentielle se présente normalement sous un balisage décrypté facilitant le positionnement de chacun. Et notamment celui des si nombreux candidats qui croyaient utile de s'affubler du label d'«indépendant». En fait d'indépendance, sur les 25 candidats restants, trop peu peuvent y prétendre au vu de leur CV. Et c'est tant mieux ! Car l'heure est au pluripartisme et à l'engagement. Dans une nouvelle République des institutions équilibrées, de la libre expression et du droit à la différence, pourquoi avancer masqué et se prétendre «sans étiquette», en bons termes avec la chose et son contraire. Le choix d'un président de la République est sans conteste un choix de société, il ne saurait se faire en catimini entre des personnages surmaquillés. L'idée de Mustapha Ben Jaâfar de mettre en avant le «social-démocratisme» respecte mieux la règle du jeu politique. Même si c'est, depuis le recul du marxisme «centraliste» et collectiviste, un créneau très porteur auquel se raccrochent plusieurs de nos partis, trop pour que l'on puisse en faire commerce. Le seul à pouvoir s'en réclamer preuve à l'appui est incontestablement Ettakatol, en sa qualité de membre de l'Internationale socialiste, au lieu et place de son unique prédécesseur tunisien, le défunt RCD. Y adjoindre Al-Jomhouri et l'Alliance démocratique peut tenir la route, peut-être aussi le parti des Abbou, à la limite, mais qu'y viennent faire Wafa et le CPR ? Il aurait été plus logique de faire appel à Nida Tounès et Al-Massar Tout cela pour dire que l'échiquier politique impose des attitudes cohérentes pouvant contrarier les desiderata électoraux. De même que l'historique des luttes et prises de position impose des attitudes logiques. Revenons au sit-in du Bardo, qui a marqué un tournant dans l'histoire de la transition démocratique tunisienne, ouvrant la voie à une Constitution honorable et au gouvernement Jomâa. Ce mouvement, mené par le «Front du salut national», groupait le Front populaire, Nida Tounès, l'Alliance démocratique et Afek Tounès, mais a été implicitement et décisivement rejoint par Ettakatol, lorsque Ben Jaâfar a suspendu les travaux de l'Assemblée. Cette configuration de fait surclasse toute vision volontariste de notre échiquier politique et conditionne normalement le positionnement de chacun des acteurs politiques. Ceux qui se sont dressés contre la dérive euphorique de la Constituante devraient se retrouver dans un même camp pour la présidentielle. Ce qui ne veut nullement dire qu'ils doivent tous soutenir Béji Caïd Essebsi, mais qu'ils doivent mettre en avant leurs convictions profondes et leurs réelles appréhensions quant à l'avenir du pays et au projet de société, et défendre leurs idées et leurs vues dans ce cadre. C'est cette logique de l'échiquier politique, cette cohérence du positionnement des différents acteurs, qui font aujourd'hui terriblement défaut. On peut être d'accord sur les objectifs et militer pour un autre présidentiable. Mais il faut le dire comme cela à l'électeur. Le peuple aime qu'on lui dise la vérité.