Le chapelet de propos hostiles et les appels à la haine, voire à la scission du pays entre le Nord et le Sud, se multiplient. Les camps et les sympathisants de Béji Caïd Essebsi et Moncef Marzouki, les deux candidats en lice au second tour de la présidentielle, n'y vont pas de main morte. Samir Taïeb, porte-parole de l'UPT, Mohamed Abbou, président du Courant démocratique, et Lazhar Akremi, dirigeant de Nida Tounès, jugent la situation et expriment leur opinion La campagne présidentielle pour le second tour a déjà, semble-t-il, démarré dans une ambiance délétère et tendue où la violence verbale le dispute aux appels à la haine et à la discorde de la part aussi bien d'hommes politiques que d'internautes. Les derniers propos des deux candidats en lice ont suscité des réactions de mécontentement et de colère du côté des deux camps : les Cpéristes et les Nidaistes ainsi que de leurs sympathisants. Les Nidaistes se sont sérieusement fâchés quand Moncef Marzouki a déclaré, il y a deux jours, sur France 24, que «la victoire de Béji Caïd Essebsi entraînera le pays dans une phase d'instabilité où il traversera une période terrible» tout en déplorant que son adversaire «cherche à diviser le peuple entre islamistes et mécréants». Quand de son côté Béji Caïd Essebsi qualifie les électeurs de Marzouki «de partisans d'Ennahdha, d'islamistes jihadistes et de milices des LPR», les partis qui soutiennent le Dr Marzouki et ses sympathisants, notamment dans les régions du Sud, crient à «la division, au régionalisme et à l'incitation à la haine entre les Tunisiens». D'où les appels à manifester par des membres du CPR et autres sympathisants de Marzouki, bien que le directeur de campagne de Marzouki, Adnen Mansar, ait démenti dans un post sur Facebook tout appel à manifester et exhorte ses «troupes» à éviter «toute action qui attiserait la tension durant cette période délicate». La manifestation a eu quand même lieu, jeudi dernier, à Médenine dans une ambiance chauffée à blanc. Outre que chacun des deux candidats accuse l'autre «d'avoir lâché ses milices». Mais le plus dangereux c'est ce qui se passe sur les réseaux sociaux dont Facebook : les appels à la haine et à la violence et même à la tuerie sont légion. Aussi, il y a trois jours, un certain Ahmed Ouerghemmi, ancien salafiste extrémiste résidant en France, a-t-il appelé dans un post sur Facebook «les citoyens du Sud à tuer les chiens destouriens de Bourguiba» et a attaqué les habitants du Nord et du Sahel et à soutenir le candidat M. Marzouki, le seul à même de libérer le pays des bandes rcédistes et du sioniste Béji Caïd Essebsi...». Violence verbale Face à cette atmosphère de haine et de friction, nous avons approché des militants de partis qui ont émis leur opinion sur ces tiraillements et ce climat malsain qui prévalent actuellement. Samir Taïeb, président d'Al Massar et porte-parole de l'UPT, qui soutient le candidat Béji Caïd Essebsi, n'y va pas de main morte : «Moncef Marzouki n'a fait que diviser les Tunisiens, ce qui se concrétise avec l'action de groupuscules extrémistes qui incitent à la haine et à la guerre. Mais je pense que tout le monde doit calmer le jeu et le candidat Moncef Marzouki doit monter au créneau pour dire qu'il ne s'agit pas d'une guerre mais juste d'un combat démocratique. Or sa tendance au discours anarchique risque de semer la zizanie et la discorde. Voilà ce qui nous attend si Moncef Marzouki est élu». Mohamed Abbou, président du Courant démocratique qui soutient le candidat Moncef Marzouki, explique que certains posts sur Facebook, tel celui de Ahmed Ouerghemmi, sont peu crédibles. D'ailleurs, «ce dernier est un dérangé de l'esprit complètement irresponsable». Et d'affirmer que «la déclaration de B.C. Essebsi à propos des électeurs du Dr Marzouki au premier tour de la présidentielle est dangereuse et donne une image négative du pays à l'extérieur et surtout aux étrangers, notamment les Européens qui résident en Tunisie et qui auraient une modeste connaissance de la situation dans le pays. Car le discours d'Essebsi insinue qu'une grande partie de la société tunisienne est extrémiste, BCE a sollicité l'empathie de l'Occident. Or, un candidat tunisien doit convaincre d'abord ses compatriotes avant les Occidentaux. Mais tout cela ne justifie pas les réactions violentes de certains. Au Courant démocratique, en tant que partie prenante dans la campagne de Marzouki, nous estimons que l'idéal pour les Nidaistes serait d'œuvrer à la réussite de leur candidat au second tour de la présidentielle et non pas d'adopter un discours violent. Car la démocratie se construit à travers les urnes. Nous avons l'occasion de réussir cette fois-ci et de ne pas commettre les erreurs comme suite aux élections de 2011, quand la partie adverse a refusé le résultat du scrutin et quand plusieurs usines ont fermé et que les grèves se sont mutlipliées. Sachez que Adnen Mansar s'est excusé à propos du terme «taghout», utilisé par M. Marzouki de manière maladroite dans un contexte précis, mais il faut dire aussi que les Nidaistes ne lâchent rien et exploitent tous les manquements et lapsus de Marzouki, alors que nous avons laissé dire et passé un chapelet d'erreurs commises par leur candidat qui a accusé Marzouki d'être un «mécréant». Maintenant, qu'on cesse de compter et d'exploiter les bourdes et de veiller à ce que la campagne se déroule dans un climat serein loin de toute haine et violence. Le peuple est vigilant et saura dénoncer et arrêter tout agenda en dehors de la loi et contraire à la Constitution. De son côté, Lazhar Akremi, porte-parole de Nida Tounès, souligne : «D'abord dans son intervention sur RMC, notre candidat Béji Caïd Essebsi n'a jamais dit que l'électorat de Marzouki est composé de gens du Sud, mais a juste qualifié politiquement cet électorat en notant qu'il est composé de cadres d'Ennahdha, d'islamistes, de salafistes jihadistes et de partisans violents des LPR...». Il déplore le fait que Marzouki attise les passions et multiplie les menaces sur les dangers que connaîtra le pays si B.C. Essebsi est élu. Et de calmer ensuite le jeu en appelant les citoyens à être vigilants et à ne pas céder à la vague de violence verbale, aux tiraillements et à la désunion. Voilà qui est bien dit.