«Ce n'est ni la flexibilité, ni la productivité, ni les rencontres qui vont faire baisser le chômage. Ce sont les entrepreneurs qui doivent retrousser les manches et investir» (S.G. de l'Ugtt) Un face-à-face, pour ne pas dire un duel, entre la patronne des patrons, Mme Ouided Bouchemaoui, et le secrétaire général de l'organisation syndicale, M. Hassine Abassi, a porté sur la flexibilité du travail, lors d'un débat tenu lors des Journées de l'entreprise. Une thématique qui divise les deux figures de proue du Dialogue national, symbole du consensus, et dont le rapprochement, entre les deux organisations patronale et syndicale, ne semble pas suffisant pour apporter des débuts d'entente. Flexibilité : sécurité pour l'entreprise La présidente de l'organisation patronale a défendu bec et ongles un nouveau concept «flexi-sécurité», présenté dans une vidéo avant le lancement du débat. Le changement des processus de travail et du matériel s'accompagne, nécessairement, par un changement de l'organisation du travail, selon Bouchemaoui, qui rappelle, à cet égard, l'impact patent des technologies nouvelles sur toutes les activités, à commencer par le train de vie quotidien. Dans cette perspective, nous exigeons de la productivité et de la discipline au travail, soutient la patronne des patrons, en vue de préserver la compétitivité des entreprises tunisiennes. Toutefois, il n'est pas permis aux chefs d'entreprise qui n'instaurent pas un climat social favorable dans leurs sociétés de réclamer quoi que ce soit. «Nous ne défendons que les entreprises responsables», souligne-t-elle. La flexibilité du travail, «flexi-sécurité», est la clé de voûte du développement des entreprises et du renforcement de la compétitivité. «Une entreprise de taille limitée (PME) fera appel à une main-d'œuvre supplémentaire pour répondre à des commandes spontanées négociées lors d'une participation à un salon», explique-t-elle, autrement, elle sera condamnée à ne plus se développer. Dans cette configuration, l'entreprise aura la possibilité de se développer et offrir plus d'emplois. «Pour les employés, ceux qui ont fait leurs preuves ont toujours leur place dans l'entreprise», rassure-t-elle, faisant allusion à la composante sécurité dans le concept «flexi-sécurité». Dans un cadre plus large, les relations entre employeurs et employés devraient se baser sur des valeurs, à savoir «la confiance, la transparence et le dialogue», conclut Bouchemaoui. Flexibilité : vulnérabilité des employés Mettant son discours de côté, Abassi déplore, d'emblée, le manque de concertation dans l'organisation de ce débat, notamment avec l'organisation ouvrière, faisant allusion à la possibilité d'affiner les thématiques des Journées de l'entreprise. Catégorique, Abassi assimile la flexibilité à la vulnérabilité, pointant du doigt un changement de paradigme tout en conservant les mêmes objectifs. Des objectifs fixés, selon le SG de l'Ugtt, par les barons de la finance et les bailleurs de fonds à une échelle mondiale, dans le cadre d'une économie de plus en plus globalisée et financiarisée. Ceux qui tirent les ficelles de l'économie se cachent derrière la carte de la compétitivité de l'entreprise pour mettre en œuvre des plans qui favorisent les intérêts des capitalistes au détriment des dimensions sociales et ouvrières. Cette stratégie, appliquée par Ben Ali, rappelle-t-il, a généré des protestations, des grèves et une révolution. Et les mêmes causes mèneraient aux mêmes conséquences, prévient-il. «L'Italie verra sa première grève générale le 12 du mois courant», note-t-il, en vue de justifier sa thèse. Revenant à l'échelle nationale, il estime que l'actuel code du travail offre un niveau de flexibilité de travail suffisante pour les entreprises. « C'est une exception inscrite dans l'article 6 du code du travail mais qui est devenue la règle », critique-t-il, insistant sur la déformation de cette disposition légale par les entreprises qui recrutent et qui ne font que perdurer la vulnérabilité des travailleurs. «Le flexi-sécurité ouvre grandes les portes de la flexibilité tout court», note-t-il. Ce qui risque de fragiliser les liens sociaux dans les entreprises, selon M. Abassi. S'attaquant à la thèse avancée par la présidente de l'Utica dans ce débat, le SG de l'organisation ouvrière insiste sur le fait que «la productivité n'est pas le seul déterminant de la compétitivité des entreprises», en avançant d'autres éléments, à savoir la qualité des matières premières et consommables, la formation des compétences, les stratégies commerciales... Réagissant à ces propos, Bouchemaoui a donné la réplique de la manière la plus simple, en lui posant une question : «Dites-nous comment faire pour réduire le taux de chômage». «Ce n'est ni la flexibilité, ni la productivité, ni les rencontres qui vont faire baisser le chômage», a-t-il répondu. Et de renchérir : «Ce sont les entrepreneurs qui doivent retrousser les manches et investir». «La flexibilité est là et aucun dialogue ne portera sur cela !», conclut-il.