Le documentaire Our terrible country, coréalisé par les Syriens Mohammed Ali Attassi et Ziad Homsi (en compétition officielle des JCC), projeté à la maison de la culture Ibn-Rachiq, est un road-movie au cœur de l'horreur de la guerre en Syrie. A guichets fermés et devant une salle comble, Mohammed Ali Attassi, journaliste et documentariste syrien, s'est exprimé à propos de son film documentaire en compétition officielle aux JCC avant la séance de projection : «Au-delà des infos sur la guerre en Syrie, des attaques et des bombardements, il y a des gens qui sont là et qui y vivent. On a essayé de leur donner la parole, de raconter leurs histoires. Malheureusement, la révolution en Syrie a pris un autre tournant, le régime d'un côté et le nouveau groupe de «l'Etat islamique» (Daech) de l'autre. Ce documentaire est un road movie, une odyssée au cœur de notre «Horrible country», terrible dans le bon sens, c'est qu'on l'aime terriblement !», confirme-t-il. En effet, Our terrible country de Mohammed Ali Attassi et Ziad Homsi est un documentaire où s'entrelacent le politique et le social. Si le film prend position — du côté des rebelles contre le régime de Bachar El Assad —, sa forme n'est jamais dogmatique. Eprouvant et salutaire. L'une des forces du documentaire est de montrer la réalité telle qu'elle est vécue et de représenter en vrai ce qui n'est souvent qu'une entité lexicale abstraite employée de manière mécanique par les différents médias. Le documentaire donne la parole aux concernés, ceux qui vivent sous les bombardements et dans la terreur de la guerre. La guerre elle-même est montrée sous diverses formes : destruction, saleté, terreur et coups de feu... Mais aussi la détermination des activistes, leurs déchirements, leurs doutes et leurs espoirs. «C'est quoi derrière ce tournage?», demande le protagoniste filmé. Réponse à l'intéressé par Ziad Homsi, hors champ, jeune photographe: «Au départ, un documentaire sur Yassine Haj Salah, son déplacement de Damas, ses observations, son expérience, sa vie... ». Le documentaire offre bien plus et plonge le spectateur au cœur de la guerre en Syrie. Le réalisateur ici accompagne plutôt qu'il ne dirige, capte plutôt qu'il n'organise au sein de l'espace, attendant patiemment l'irruption du moment de grâce (émouvante scène, ou rencontre improbable, etc.) sans forcer le potentiel bouleversant de son dispositif. La caméra se déplace en compagnie de Yassine Haj Salah, un intellectuel et opposant qui a passé 16 ans dans les geôles du régime, elle le suit entre Damas où il a vécu clandestinement après les évènements de 2011 et Douma, dans la banlieue de Damas, où il a préféré rester avec sa femme Samira Al-Khalil et les autres activistes. Enfin, elle filme son départ vers Raqqa, au nord de la Syrie, à la recherche de ses deux frères enlevés par Daech, un itinéraire parsemé de dangers, puis vers un refuge forcé, avant l'exil inéluctable en Turquie. Ziad Homsi accompagne Yassine derrière la caméra tout au long de ce trajet, il nous fait partager ses commentaires, ses réflexions, ses doutes et sa déception progressive face à l'étendue de la destruction et aux souffrances dans lesquelles sombrent désormais la Syrie et tout son peuple. Au cours du tournage, Ziad Homsi, lui-même à la recherche de son père enlevé également, est fait prisonnier par Daech, puis en réchappe. La compagne de Yassine, Samira Khalil, et son amie activiste sont enlevées à leur tour par Daech. Notre terrible pays est un film poignant qui laisse chez le spectateur un sentiment de grande amertume et de remords face à l'impasse dans laquelle se trouve actuellement la révolution syrienne.