Les réfugiés du Nil Bleu et des Monts Nouba se sont rangés du côté de la vie... Dans la compétition documentaire, le public des JCC a pu découvrir, à l'occasion de deux projections, le film Beats of the Antonov du Soudanais Hajooj Kuka. Invité du festival, le réalisateur a également tenu un débat autour de son œuvre. Pendant la projection, les présents étaient peu nombreux, préférant des séances où les films sont précédés de leur réputation. C'est là le dilemme du cinéphile à chaque festival, ne sachant s'il faut saisir l'occasion pour voir sur grand écran les films primés et ceux des grands réalisateurs, ou plutôt découvrir des cinémas d'ailleurs, que l'on a rarement la chance de voir sur nos écrans. Beats of the Antonov fait partie de la deuxième catégorie, tout en étant inscrit dans la compétition officielle. Son réalisateur a filmé pendant deux ans des réfugiés des régions du Nil Bleu et des Monts Nouba, victimes de la guerre qu'a déclarée le Soudan du Nord à ces régions. Vivant sous des tentes, en pleine nature, cette communauté s'organise autrement, s'invente de nouveaux moyens de survie, dont l'art fait partie intégrante. Sous les bombardements, la pluie ou le vent, hommes, femmes et enfants chantent en chœur, en suivant leurs artistes locaux, jouant sur un instrument qu'ils fabriquent désormais avec les matériaux disponibles, comme les ustensiles de cuisine. S'attacher à leur culture ancestrale, jugée païenne par le Nord du Soudan, est un symbole de résistance pour ce peuple. Une leçon de vie que partagent grands et petits dans leur quotidien. La survie face à leur difficile condition de réfugiés semble futile devant leurs célébrations de la vie. Tout en eux, accoutrements, accessoires et cheveux, alimente le paysage de leur culture où les festivités sont des rituels essentiels. Ces réfugiés sont conscients qu'ils sont opprimés à cause de ce qu'ils sont, de leur identité, et ils font de cette dernière la source de leur force. Hajooj Kuka rend hommage à ce peuple envers qui sa caméra témoigne d'un grand respect. Etant reporter de guerre, sa manière de filmer reste influencée par ce genre. En effet, et malgré les propos tellement différents de ce que diffusent les médias sur le conflit au Soudan, l'image tombe parfois dans le même registre et la même forme. Cependant, la démarche du réalisateur, qui a suivi ces réfugiés pendant des mois, lui a permis de saisir le film de l'humanité qui les lie à lui. Prenant position jusqu'au bout pour ce peuple et leur culture, Hajooj en expose tous les aspects, des plus merveilleux au plus problématiques. Beats of the Antonov n'est sans doute pas le meilleur de ce qu'offre la compétition documentaire des JCC, mais c'est un véritable coup de cœur pour la simple découverte des gens qu'il filme. Leur message au monde est poignant, mais peu sont à l'écoute, empêchés par l'écran des médias de voir en ce peuple, jugé primaire et tribal, la pointe du civisme et de l'humanité.