Les contrôleurs publics se rebiffent et décident de ne plus se taire sur les dossiers de corruption et de malversation relégués aux oubliettes par les gouvernements de la Troïka I et II et de Mehdi Jomâa. Ils menacent de débrayer si leurs revendications ne sont pas satisfaites Les contrôleurs publics sont en colère. Ils en ont ras-le-bol du silence observé par le gouvernement face à leurs revendications, dont la principale consiste «à revaloriser (leur) fonction dans la lutte contre la corruption et la malversation, à prêter une oreille attentive à (leurs) propositions et à (leur) donner les moyens d'agir concrètement contre les apôtres de la corruption», confie à La Presse Michael Berrabeh, secrétaire général du Syndicat de base des contrôleurs publics (relevant de l'Ugtt). Dans une motion adressée au chef du gouvernement, au ministre de l'Economie et des Finances et au secrétaire d'Etat chargé des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières, le syndicat appelle le gouvernement «à un dialogue sérieux et responsable en vue de résoudre les problème posés» et menace «d'observer une grève d'une journée dont la date sera décidée dans les prochains jours». Personne ne nous écoute Mais en quoi consistent les problèmes qu'affrontent les contrôleurs publics les empêchant d'exercer leur fonction comme ils l'entendent et comme la communauté nationale l'attend d'eux ? Dans sa réponse à cette question, Michael Berrabeh est clair et précis : «Nous nous trouvons actuellement dans une situation étrange : nous effectuons des missions de contrôle, nous découvrons des dépassements et des abus dont la sanction peut rapporter des milliards et des milliards au budget de l'Etat. Malheureusement, nos rapports restent dans les tiroirs et personne ne donne suite à nos propositions. Pire encore, ces rapports ne sont pas publiés. Avec la révolution, on s'attendait à ce que les choses changent. Ni les gouvernements de la Troïka I et de la Troïka II ni celui des compétences apolitiques sous la présidence de Mehdi Jomaâ n'ont accordé l'importance requise à nos revendications. Et la revendication la plus importante est bien celle de faire bénéficier les contrôleurs publics du droit à l'autosaisine. En plus clair, nous ne voulons plus attendre les ordres de nos supérieurs pour aller contrôler les petites entreprises dont les dépassements ou les abus ne représentent rien face aux gros dossiers de corruption et de malversation qui sont toujours fermés. Notre deuxième demande concerne l'unification du corps des contrôleurs publics dispersés actuellement entre trois institutions : la présidence du gouvernement, le ministère de l'Economie et des Finances et le secrétariat d'Etat aux domaines de l'Etat et aux affaires foncières». Qu'en est-il de la valorisation de la fonction de contrôleur public? «Nous avons apporté une contribution conséquente en tant qu'investigateurs aux travaux de la commission d'investigation sur la corruption et la malversation présidée par feu Adelfattah Amor. Aujourd'hui, Samir Annabi qui préside l'Instance de lutte contre la corruption (qui deviendra prochainement une instance constitutionnelle) nous ignore, refuse de traiter avec nous et parle de formation de compétences dans le domaine comme si notre corps, constitué de quelque 150 contrôleurs, n'existait pas», précise M. Ben Rabah. Il revient, d'autre part, à la stratégie nationale de lutte contre la corruption dont on parle à longueur de journée sans que personne ne sache son contenu, en soulignant «vivement la lutte contre la corruption à long terme mais qu'on commence, dans l'attente de l'adoption de la loi instaurant l'Instance, par le traitement des dossiers urgents dans les domaines où la corruption fait rage, là où on se trouve obligé de payer des pots-de-vin pour ne pas voir son dossier bloqué. Ce sont la douane, les recettes des finances et les municipalités qui constituent les domaines prioritaires. D'ailleurs, une liste de ces secteurs a été dressée par le secrétariat d'Etat à la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption et elle a été rangée dans un tiroir quelconque», ajoute-t-il. Mais, que peuvent faire 150 contrôleurs publics répartis entre trois institutions de l'Etat pour imposer à un gouvernement qui prépare ses valises de réviser les compétences qui leur sont accordées et de leur donner les moyens de démasquer les professionnels de la corruption ? «Nous sommes conscients de la nécessité absolue de sauver le secteur des contrôleurs publics. Nous nous adresserons au nouveau gouvernement pour que les choses changent. En attendant, il ne nous reste que la grève en vue d'alerter l'opinion publique et montrer aux Tunisiens que les contrôleurs publics ne se tairont plus», conclut Michael Berrabeh.