Dans une enquête réalisée par le ministère de la Santé sur la consommation de substances licites et illicites, de jeunes adolescents, âgés entre 15 et 17 ans, évoquent leur «première fois» L'adolescence est une période importante dans la vie des jeunes, au cours de laquelle ils expérimentent toutes sortes de substances licites et illicites pour s'affirmer face au regard des autres ou pour fuir un quotidien rude et ingérable pour certains. Après la révolution, la consommation de drogues a connu un pic inquiétant surtout dans les quartiers populaires. De jeunes désœuvrés fragiles, des adolescents à problèmes, de jeunes chômeurs en consomment régulièrement pour "oublier" leurs problèmes. Afin de mesurer le niveau d'addiction chez cette population, notamment chez les jeunes âgés de 15 à 17 ans, le ministère de la Santé a réalisé en novembre 2013 une enquête, en questionnant des lycéens de cette tranche d'âge, inscrits en première et deuxième années secondaire dans des lycées du gouvernorat du Grand- Tunis. Interrogés sur leur consommation de tabac, d'alcool et de divers types de produits psychoactifs, ces derniers ont évoqué leur "première fois", apportant des informations intéressantes sur la fréquence d'utilisation de ces substances, ce qui a permis aux enquêteurs d'établir un rapport de cause à effet entre la prévalence d'usage des substances licites et illicites et les facteurs déclencheurs (addiction plus élevée chez les uns que chez les autres, conditions socioéconomiques difficiles, manque d'encadrement, grande vulnérabilité...). Consommation tabagique plus élevée chez les garçons que chez les filles 58% des interrogés ont déclaré que la consommation de tabac est fréquente au sein de la famille. 22% des jeunes interrogés ont fumé au moins une fois dans leur vie une cigarette ou le narguilé, calquant généralement leur comportement sur celui de leurs parents ou de leurs frères et sœurs fumeurs. La consommation tabagique est beaucoup plus élevée chez les garçons que chez les filles avec 47% contre 10%. L'enquête qui a, par ailleurs, établi une corrélation entre l'appartenance géographique et la prévalence de la consommation de tabac a montré qu'on fume plus dans les régions du Grand-Tunis et celles du centre-ouest et du sud-ouest. Beaucoup ont bu leur premier verre d'alcool à un âge très jeune. C'est ce que révèle cette enquête qui a montré que parmi les 5% des jeunes questionnés qui ont affirmé avoir consommé de l'alcool au moins une fois dans leur vie, 32% ont consommé de l'alcool pour la première fois entre 10 et 15 ans contre 69% entre 15 et 17ans. Les jeunes consomment, par ailleurs, de plus en plus de substances psychoactives. C'est dans les cercles d'amis que les adolescents expérimentent pour la première fois la drogue. C'est par curiosité ou par défi, « pour se montrer devant les camarades » que les adolescents « sniffent ». La sensation de bien-être ressentie les pousse à recommencer, générant progressivement une dépendance vis-à-vis de ces substances. 1,4% des jeunes âgés entre 15 et 17 ans ont au moins une fois consommé du cannabis (zatla).Par contre, la proportion des jeunes ayant consommé au moins une fois de la cocaïne et de l'ectasy est plus faible et ne dépasse pas 1% de l'échantillon interrogé. Hausse de la consommation du Subutex La nature des substances psychoactives consommées par les jeunes a changé au cours des années. Après l'indépendance, le "takrouri", très consommé dans toutes les couches sociales, est progressivement remplacé par le cannabis dans les années 80 et 90. A partir du début des années 2000, ce sont les psychotropes, qui ont la cote auprès des jeunes qui arrivent à se les procurer sans prescription médicale. L'un de ces psychotropes le plus connu est le Subutex une substance injectée par les voies nasale et intraveineuse. La consommation de cette substance est en constante hausse. Dans certaines régions, on note même un abus de l'usage de ce psychotrope, très apprécié pour son effet « tête dans les nuages ». Dans son exposé présenté lors du dernier cercle de la population organisé par l'Office national de la population et de la famille, Houyem Boukassoula, psychologue clinicienne, a observé que cette augmentation de la consommation de psychotropes s'explique notamment par un dérèglement des structures sociales (absence du père) ce qui, négativement, impacte la composition psychique de l'individu, entraînant sa vulnérabilité. Les résultats de cette enquête qui a fait la lumière sur l'usage du tabac, de l'alcool et des divers types de drogues chez les adolescents serviront à définir et élaborer des stratégies pour limiter la consommation de ces substances chez cette frange vulnérable de la société.