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Les Tunisiens découvrent la démocratie et l'exercent
PRESIDENTIELLE - SECOND TOUR - Les quartiers el Manar et el Menzah
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 01 - 2000

Il ne fait aucun doute que les Tunisiens se souviendront longtemps de cette période difficile qu'ils ont eu à passer. Il ne fait aucun doute que les attentes sont grandes, aussi grandes que les chantiers déployés à ciel ouvert dans le pays.
Il ne fait aucun doute qu'il y a du travail à faire à l'endroit des jeunes.
Le second tour de la présidentielle, c'était hier, 21 décembre. Le dernier jour de la transition, c'était hier aussi. Comment a été vécu cet ultime rendez-vous du processus transitionnel observé par le monde entier ? Comme un jour historique qui couronne une mandature provisoire ou bien comme un dimanche ordinaire d'élection ?
On pencherait plutôt pour la deuxième hypothèse, compte tenu de plusieurs éléments objectifs, tels le taux de participation et les heures d'affluence. Et c'est là où réside toute la différence avec les rendez-vous électoraux précédents. Contrairement aux autres fois, les Tunisiens ne se sont pas levés tôt pour d'abord aller voter, et faire autre chose après. Mais ils ont pris le temps de se réveiller, de prendre le café chez eux, chacun à son rythme, et en sortant faire les courses ou prendre un deuxième café dehors, ils sont passés par le bureau de vote. En lieu et place donc de la passion agitée, il planait hier dans les rues et aux alentours des bureaux de vote une certaine forme de tranquillité. C'est un euphémisme.
C'est ce qui explique la cadence timide du flux des votants à l'ouverture des urnes, allant crescendo à partir de 10h30. Le constat est le même dans les quatre bureaux visités aux quartiers Manar et Menzah. Les gens venaient tranquillement en famille accompagnés de leurs enfants, ou entre amis, très souvent des femmes sont venues seules. Point de foule, ni de queue, ni de temps d'attente, sinon de quelques minutes, pour tremper son index dans cet enduit mauve et cocher ensuite la case de son élu. Ce rituel devenu si familier aux Tunisiens, désormais l'un des peuples les plus électeurs de la planète, convoqués aux urnes en moins de deux mois, trois fois de suite !
Les uns et les autres
Malgré le manque d'entrain ambiant, beaucoup de gens ont tenu à venir s'exprimer. C'est le cas de Mme Moufida Abbes. La soixantaine bien portée, dynamique et d'un abord facile, elle venait de voter. Le regard pétillant, elle répond sans façon à notre interpellation, « Oui je suis venue pour la troisième fois, je n'ai raté aucun rendez-vous, je prie pour que Dieu protège notre pays. Il faut qu'on redevienne unis et solidaires ». Comment avez-vous vécu ces trois années ? « Je les ai passées dans la souffrance « Marrara » franchement. J'ai eu peur pour la Tunisie et pour les enfants, non pas mes enfants à moi seulement, mais les enfants du pays. Depuis les premiers attentats, c'était devenu insupportable. Il faut qu'on se retrouve, implore la dame, on nous a séparés. Je suis du quartier de Bab Mnara, bon j'habite ici, à El Manar, c'est la vie, mais je veux qu'on retrouve notre vie d'antan ». Quelles sont vos attentes ? « La vie est devenue trop chère, d'un autre côté, je veux comprendre ces jeunes gens et jeunes filles qui partent en Syrie, qui ont subi un lavage de cerveau ? Ce n'est pas bien ce qu'ils font, Dieu ne tolère pas ça, ce n'est pas admis. Et qu'est-ce qu'ils veulent d'autre ? Quatre femmes ? Moi je dis que les hommes de nos jours, s'ils s'assument avec une seule, c'est très bien ! Mais je suis confiante en l'avenir ». Nous avons remercié la dame, qui avait terminé ainsi son mini-speech pragmatique par une note d'espoir.
Dans un autre bureau, nous avons rencontré un jeune, Ahmed Jeridi, étudiant en marketing à l'ISG, il a 23 ans. Très étonnée de le voir relativement tôt, et seul, on lui pose la question, qu'est-ce qui vous motive ? « Je suis venu faire mon devoir, comme ça je ne risque pas de regretter après ». Comment avez-vous vécu ces trois années ? « J'ai eu peur pour le pays, pour mes études, j'ai pensé partir à l'étranger » Et là, vous restez ? « Oui », dit-il souriant. Vous n'avez pas pu influencer vos amis pour qu'ils viennent voter eux aussi ? « Ils vont venir mais ils font la grasse matinée », un autre sourire... Pourquoi les jeunes boycottent-ils les élections ? « Les jeunes ne viennent pas parce qu'ils ne sont pas représentés dans les partis politiques, ils se sentent écartés » Et vous ? « Je n'en pense pas moins, mais j'ai décidé de voter pour ne pas regretter de ne pas l'avoir fait ».
Cette exquise angoisse
Dans un des bureaux de vote d'El Menzah, nous croisons une jeune fille, médecin rééducateur, 29 ans, Najla. Elle aussi venait tout juste de voter. A notre question habituelle qui concerne les motivations, elle répond : « Bien sûr c'est un devoir national, c'est un devoir civique. Personne ne doit choisir à ma place, mon vote est parmi des milliers, voire des millions. Mais, je ne veux pas que quelqu'un d'autre prenne la décision à ma place ». Vous êtes confiante ? « Je suis optimiste, confiante, j'ai eu peur, j'ai encore peur, mais j'ai refusé de vivre dans la terreur. Nous avons résisté ». Comment cela ? « On est exceptionnel, on est original, on est un peuple unique qui a une sorte de folie positive, des spécificités psychologiques, je compare avec les voisins les plus proches. On est toujours optimistes, ça nous a aidés à tenir le coup ».
Il ne fait aucun doute que les Tunisiens se souviendront longtemps de cette période difficile qu'ils ont eu à passer. Il ne fait aucun doute que les attentes sont grandes, aussi grandes que les chantiers déployés à ciel ouvert dans le pays. Il ne faut aucun doute qu'il y a du travail à faire à l'endroit des jeunes, même si, y compris dans les démocraties, le champ politique semble être réservé aux adultes chevronnés et les durs à cuire.
Au moment où nous mettions sous presse, les bureaux de vote venaient à peine de fermer, mais les dés sont jetés. Cette angoisse des résultats est exquise, alors qu'avant, il n'y avait ni angoisse, ni la moindre surprise. Cela s'appelle découvrir la démocratie et l'exercer. En un mot, grandir. En deux, devenir adulte.


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