Mauvais hébergement, deux blessures pesantes, adversaires motivés et pression, l'équipe de Tunisie doit savoir se surpasser. Nous avons parlé et nous parlons encore trop «tactique» et «technique» avant le début de la CAN. Ça ne va pas s'arrêter, et chacun a le droit d'émettre un avis sur la manière et l'organisation du jeu, sur les choix à faire à partir du match de demain face au Cap-Vert. Tout cela, on le comprend. Mais on parle peu du côté mental, de la préparation psychologique à un pareil tournoi et tout simplement de la manière dont Leekens et ses joueurs vont gérer les trois premiers matches du premier tour. Nous ne parlons pas «tactique», mais «extra-tactique», c'est-à-dire la motivation, l'ambiance et l'approche mentale. Ce qui constitue aujourd'hui un contenu riche pour les entraîneurs de clubs et les sélectionneurs également. Vous avez beau mettre les meilleurs joueurs ensemble, vous avez beau concevoir les meilleurs plans de jeu, vous avez beau avoir l'expérience de remporter les titres, une seule chose peut vous condamner : c'est quand la tête ne suit pas. Gérer les vestiaires, gérer les «relations» entre les joueurs et jouer sur la motivation peuvent parfois vous être beaucoup plus utiles qu'un paradigme tactique. Un staff, pas un sélectionneur On a eu l'habitude de citer uniquement le nom de Leekens en parlant du staff technique. Or, le Belge a un staff technique riche avec une donnée fondamentale : Maher Kanzari vient de débarquer aux côtés de Missaoui et Zouita. Staff assez costaud, mais au-delà des considérations techniques, ce staff est-il homogène? Kanzari a-t-il trouvé ses repères pour former un maillon fort et pas un maillon faible de la sélection ? Réussir une CAN, c'est également bien diriger la sélection. Dans le monde entier, le sélectionneur à lui seul n'est plus l'homme par qui tout passe. Le staff est celui qui détermine les chances de réussite d'une sélection. S'il est proche des joueurs, s'il sait les motiver, s'il est uni (pas de distorsion), les têtes et les jambes des joueurs répliquent aussi vite. Un staff, c'est aussi le côté «médical» et là, la sélection est «compétitive». Dr Souheïl Chemli, médecin de la sélection, fait un énorme boulot qui passe inaperçu. Mais soyez sûrs que du côté des joueurs, cela est bien perçu. Nous comptons beaucoup sur l'unité au staff de la sélection et sur sa complémentarité pour passer un message positif aux joueurs. Souvenez-vous des éditions 1994, 2002, 2010, entres autres, où la fragilité du staff et la pression autour et à l'intérieur nous ont coûté très cher. Courage et personnalité Mauvais hébergement (eau et électricité coupées à l'arrivée de la délégation tunisienne, voyage long et pénible, chambres mal équipées...) et conditions difficiles, les échos émanant d'«Ebebiyin» témoignent d'inconfort incontestable. Les interventions de Wadi Jari auprès du comité d'organisation ont résolu une partie du problème. Mais soit cette sélection peut-elle résister et oublier pour deux semaines le «luxe» et le «5 étoiles» auxquels elle est habituée ? La force mentale d'une équipe, c'est sa capacité à s'adapter à toute mauvaise condition, à tout imprévu et à aller au-delà de toutes les contraintes les plus austères. Et pour cela, il faut des joueurs non seulement doués, mais aussi forts dans leur tête et prêts à puiser dans leur courage pour faire plaisir à leur public. Leekens a bien réussi lors des éliminatoires dans le chapitre mental en compensant «le déficit technique» par une unité du groupe et un engagement qui nous ont permis de terminer à la première place. Relations entre joueurs Les vestiaires d'une sélection, c‘est un monde tabou et des histoires dont presque rien ne filtre. Des sélections de grande valeur ont craqué sur le terrain à cause de ce qui se passe dans les vestiaires. Notre sélection en a bien connu des histoires dramatiques dans ses vestiaires depuis les années 70. L'actuelle sélection paraît unie et surtout organisée. Il y a des joueurs-cadres qui tirent les ficelles et qui gouvernent sans qu'il y ait de fortes tensions. Le seul qui a enfreint cette loi, c'est Hamdi Harbaoui qui souffre encore du veto des vestiaires. Autre point qui nous paraît essentiel : la relation entre expatriés et locaux (dossier qui a explosé la sélection dans le passé). Cette relation est, a priori, forte et amicale. Les locaux n'envient rien aux expatriés, ces derniers n'ont pas un droit de veto ou un traitement de faveur. L'équipe est soudée d'après ce qu'on a vu jusqu'ici, mais attendons cette CAN pour y avoir plus clair.