La dernière grève des transports a laissé de très mauvais souvenirs chez les usagers. La page ne doit pas être tournée sans que les enseignements n'en soient tirés Les conducteurs de métro n'en sont pas à leur première grève. Mais la dernière déclenchée inopinément le 12 janvier 2015 dernier a laissé des stigmates. Quatre jours durant, les usagers ont dû subir les retombées de cette grève (à laquelle se sont jointes d'autres sociétés régionales). Cet épisode constitue une des longues séries de mésaventures vécues au quotidien par les voyageurs. Il montre, aussi, la fragilité du secteur face aux caprices de quelques-uns qui, du jour au lendemain, peuvent causer de graves préjudices à l'économie tunisienne et aux citoyens. Cela nous amène à parler de la capacité des Tunisiens à réagir, dorénavant, devant de tels actes irresponsables. Faut-il se croiser les bras et se résigner jusqu'à ce que ces grévistes reviennent à la raison et consentent à reprendre leur travail ? Faut-il, aussi, vilipender ces gens et leur reprocher leurs actes ? Ou doit-on se constituer en associations d'usagers des transports et porter plainte contre les auteurs de ces perturbations ? Y-a-t-il d'autres moyens de faire face à ces imprévus ? Le consommateur est-il condamné à rester toujours à la merci de la première personne venue ? Usagers solidaires Ce qui est sûr, c'est que la réponse ne peut pas venir d'un seul côté. Le rôle des autorités reste toujours primordial. Mais la participation des intéressés eux-mêmes est vivement souhaitée. La solidarité a, quand même, joué. Nous avons pu mesurer le sens aigu du patriotisme chez beaucoup de nos concitoyens qui, malgré les contraintes et les dangers (pour les jeunes filles et les femmes), ont bravé les difficultés et essayé de rejoindre leurs lieux de travail. Si on passe en revue les problèmes professionnels engendrés pour chacun au cours de ces quatre jours, on pourrait constituer autant de dossiers à présenter à la justice pour demander réparation. Que de conflits avec les chefs et les patrons à cause des absences ! Que d'argent perdu pour payer les taxis et les bus privés ! Que de drames parce qu'on n'a pas pu rejoindre un hôpital ou un centre de dialyse ! Que d'examens et de cours ratés ! Comment peut-on être insensible à ces souffrances et à ces sacrifices ? Franchement, les usagers se sont comportés de façon, plutôt, digne. Ceux qui le pouvaient ont sorti leurs voitures. D'autres leurs deux roues. D'autres, encore, ont préféré partager la voiture des voisins ou des camarades ou des collègues. D'autres, enfin, n'ont pas hésité à faire plusieurs kilomètres à pied à l'aller comme au retour. Une bonne partie a opté pour le transport privé ou clandestin. Et ces deux secteurs ont bien profité du cadeau offert par les agents grévistes. Des centaines de millions de dinars de pertes pour la Transtu et autant de gagnées par les clandestins et les privés. Le créneau est largement porteur ! Ces transporteurs doivent une fière chandelle à leurs alliés objectifs, auteurs de ces grèves anarchiques. Rendre des comptes Dorénavant, les usagers ne devraient plus se laisser faire et exigeront des comptes si on les prend au dépourvu comme on vient de le faire. Ils ne doivent plus subir les évènements et faire comme si de rien n'était. Des associations sont appelées à prendre la défense des usagers des transports publics et faire endosser la responsabilité des fautes et des torts qui pourraient leur nuire. Certes il y a, déjà, l'ODC qui peut faire plus. Mais il serait plus utile d'avoir une association ou une organisation des utilisateurs pour mieux préparer les dossiers dans de pareils cas. Il n'est plus possible d'accepter de tels dépassements sans rien faire. Si les agents ont des droits à faire valoir, les usagers eux aussi ont des droits qu'ils vont perdre à cause des grèves et, notamment, celles qui sont déclenchées sans préavis. Car il faut faire attention ! Des dossiers très dangereux pourraient être présentés devant la justice même par des personnes à titre individuel. Les retombées de la dernière grève ont été telles que beaucoup de plaintes pourraient être intentées. Comment se déplacent nos concitoyens ? A Tunis, par exemple, on utilise à raison de 59% la voiture particulière VP, 39% le transport public TC et, uniquement, 2% les deux roues 2R. A Sousse le taux est de 55% VP, 33% TC et 12% 2R. À Sfax le taux est de 54% VP, 28% TC et 18% 2R. Le reste pratique la marche à pied. Les modes de transport du Tunisien méritent d'être passés en revue aujourd'hui. La question est d'une grande actualité. Ce que nous constatons c'est que le Tunisien utilise, en grande partie, le transport en commun (TC). La Transtu accapare la plus grande part de marché avec près de 500 millions de voyageurs/an. Les 4 autres opérateurs privés n'arrivent pas à décrocher 5 % de parts du marché. Pourtant moins de 40 lignes sont offertes par ces sociétés. Les spécialistes du transport remarquent qu'il n'y a aucune coordination entre les opérateurs privés eux-mêmes (bus, taxis collectifs...) et l'opérateur public. Les ponts sont totalement coupés entre ces différents intervenants tant au niveau des dessertes, des tarifs, des horaires, etc. Il est temps de penser de façon sérieuse à instaurer cette coordination. On ne peut plus continuer à travailler sans se consulter et sans échanger les expériences et les projets. Des instances de pilotage pourraient être créées afin de synchroniser les actions et donner plus d'efficacité au domaine du transport en milieu urbain. De plus, le secteur est en train de subir l'invasion des transporteurs clandestins. Le seuil de la catastrophe est atteint (selon certains). Une prise en main du secteur s'impose et des mesures énergiques doivent être prises. Car, au niveau du ministère, on a vu des décisions qui n'ont jamais été appliquées comme celle consistant à déplacer les taxis collectifs hors du centre-ville. Le contrôle des véhicules clandestins est embryonnaire et sporadique. Le fléau est en train de proliférer à un rythme soutenu et menace les professionnels qui n'ont, jusqu'ici, trouvé aucun vis-à-vis pour exposer leurs doléances et propositions.