Aussi bien automobilistes que piétons ou autres usagers de la route ont des motifs de se plaindre de ces taxis dits «collectifs» qui ont envahi le paysage et imposé un nouveau mode de conduite. Autorisés depuis près de dix ans, ils ont essaimé ces dernières années. A l'origine, l'idée était destinée aux régions de l'intérieur souffrant d'un déficit de couverture de transport terrestre. C'est ainsi que des véhicules de transport collectif ont vu le jour partout dans les différents gouvernorats pour assurer des dessertes difficiles d'accès ou non assurées par le réseau national. Les fameuses « 404 bâchées » avaient, alors, ouvert le bal pour laisser petit à petit la place aux voitures de marque asiatique. Les autorités régionales puis nationales ont constaté depuis une bonne dizaine d'années que le phénomène du transport clandestin prenait des proportions alarmantes. Les citoyens de certaines zones du Grand-Tunis empruntaient ces moyens au mépris de tous les risques. Il s'agissait, pour eux, de trouver une solution provisoire à leurs problèmes de déplacements quotidiens. Cela a poussé les autorités à réagir et à essayer de maîtriser la situation en accordant des permissions de façon progressive tout en veillant à réglementer le secteur. Abus et anarchie Logiquement, les mesures ne pouvaient être que positives. Le Tunisien avait, de cette façon, une nouvelle possibilité de choix de son mode de transport. Actuellement, il semble que l'évolution soit en train d'aller dans le mauvais sens. En effet, ces transporteurs se comportent d'une manière tout à fait opposée aux exigences d'un transport qui respecte les normes et les règles en usage. Pis encore, des traditions sont en train de voir le jour dans cette nouvelle corporation qui inquiètent tous les usagers de la route. Des comportements défiant tout bon sens sont constatés par tous. Ces véhicules sont commandés par les recettes qu'ils doivent assurer chaque jour et, par conséquent, les conducteurs font tout pour réaliser le plus grand nombre de courses sans penser à la sécurité des clients. L'itinéraire est plus ou moins respecté (parce que cette corporation semble avoir les moyens de dissuader quiconque a l'idée d'enfreindre le compromis). La liste des infractions est longue (le fait de griller les feux rouges, les dépassements interdits, les arrêts intempestifs, les stationnements dans des zones non autorisées, l'occupation d'espaces, la gêne de la circulation à l'intérieur de la capitale, etc.). Ces abus sont devenus monnaie courante. Il y a quelques années la question ne se posait pas de la même manière. C'est la multiplication des effectifs de ces véhicules qui a tout chamboulé. Actuellement, le nombre de ces taxis a quasiment doublé ces deux dernières années dans la capitale. On ne serait pas loin de la centaine. Il en serait de même pour le gouvernorat de l'Ariana et pour le gouvernorat de Ben Arous avec environ 70 voitures. Les zones autour des stations Le Passage, Bab El Khadra, Bab El Assel... sont, elles, bien fréquentées par les taxis collectifs clandestins. Deux moyens de transport qui proposent le même service dans des conditions totalement différentes. Les bus jaunes de la Transtu, pour leur part, s'enfoncent tranquillement dans leur train-train des retards et des surcharges. Les bus privés : le meilleur choix De l'autre côté, pourtant, un autre mode de transport continue son bonhomme de chemin plus ou moins bien. C'est le transport par bus privés. Cette expérience a débuté avant la prolifération des taxis collectifs. Elle a connu, à ses débuts, un succès certain. Mais l'apparition de ces nouveaux moyens a faussé la donne. La nouvelle conjoncture a pris de court les transporteurs de ces compagnies. Une étude poussée de la demande et de sa répartition aurait permis de préserver les acquis de ces sociétés. Quand on sait, par exemple, que les Tunisiens effectuent plus de 860 millions de déplacements urbains et régionaux par an, on peut envisager la réponse à cette demande dans le temps et dans l'espace. Cela n'a pas été fait dans le cas d'espèce. Le fait d'avoir « lâché » un si grand nombre de voitures capables de transporter 8 personnes par navette aux dépens des bus qui peuvent offrir une cinquantaine de sièges au moins serait une erreur. Les taxis collectifs créent un grand encombrement par le nombre et par la fréquence des navettes à l'intérieur de la capitale. Or, un bus privé (tout comme les bus de la Transtu) cause moins de gêne. D'ailleurs, ce transport privé, dont le parc est de près de 200 bus, assure de grands services puisqu'il dessert 35 lignes à travers le Grand-Tunis et couvre un réseau de 1.142 km. Par contre, avec ces taxis collectifs, même la création d'emplois n'est pas évidente. Pour chaque véhicule, il y a un poste. Le bus exige un conducteur et un receveur. Et derrière il y a une société et des employés. On cite l'exemple d'une de ces sociétés sans la nommer. Cette société emploie plus de 500 cadres et employés et assure chaque année le transport de 10 millions de personnes. Mieux encore, le personnel de ces sociétés est relativement plus discipliné au niveau de la conduite. On n'est pas dans la jungle des taxis collectifs. Le risque pour les personnes transportées est moins important. Le respect des itinéraires, des arrêts, des clients... est plus évident. Le ministère du Transport devrait prendre en considération ces paramètres et repenser profondément la poursuite de la délivrance de ces autorisations de transport collectif. Du moins pour le Grand-Tunis. Il faudrait, avant d'aller encore plus loin, organiser méthodiquement ce qui existe et faire un bilan de tous les problèmes avec la corporation. Car la qualité des services n'est pas celle que le Tunisien espère. Le personnel opérant dans ce domaine doit être pris en charge et suivre un cycle de formation, notamment pour les chauffeurs de taxis collectifs. Le secteur doit s'organiser et les représentants de cette profession doivent admettre qu'il existe des dépassements qui, à la longue, finissent par être inadmissibles. Tout un chacun voit ce qui se passe dans les artères de la ville et le comportement de ces gens ne laisse personne indifférent. Gagner leur pain est un droit. Mais il y a des règles et des normes à respecter. Il y a une forte sensibilisation à entreprendre avec cette catégorie pour, enfin, arriver à rationaliser ce secteur et remettre un peu d'ordre dans la ville.