De l'anodin, du commun, du familier... Un regard décalé et des paysages recomposés. Les limites entre réel, réalité et imaginaire s'estompent et s'entremêlent à la fois... Des «fatchata» (s) plein la vue vous en aurez ! Faces ou façades, c'est comme vous l'entendez, le terme est ici valable dans les deux sens. C'est ce que nous propose, en effet, la galerie Ammar-Farhat qui accueille, depuis le 15 février, les œuvres de Nadia Jelassi. Une série photographique qui rend compte de notre espace urbain d'une manière décalée. «Fatchata», c'est par ce vocable dialectal que l'artiste a baptisé sa nouvelle exposition personnelle. Des photomontages augmentés de bois et de métal, pour donner du relief et peut-être bien, ajouter une « autre dimension». Les images ont été prises dans différentes villes du pays, Tunis, Bizerte, Sousse, Gafsa et bien d'autres. L'objectif a été fixé sur les murs extérieurs, les portes, les fenêtres, les vitrines des boutiques, mais aussi sur des citoyens lambdas, des objets et des animaux. Que de l'anodin, que du commun. Rien d'exceptionnel...à première vue. Mais... Hautes en couleur, les œuvres juxtaposent des portions de territoires éloignés, accolent des « apparences » antinomiques et semblables. Dès lors, les limites entre réel, réalité et imaginaire s'estompent et s'entremêlent à la fois. Nadia Jelassi a saisi des bribes de la vie d'en dehors, des signes iconiques et textuels familiers que quiconque pourrait voir tous les jours, ici et là, un peu partout, sans leur donner, trop souvent, grande importance. Elle a puisé dans une matière première visuelle, riche, abondante, un ensemble d'«œuvres» à ciel ouvert et à l'état pur, s'adonnant à qui voudrait les voir. Elle a recomposé notre espace urbain, «jouant de la disproportion et abusant de l'exubérance». Kitsch, désordonné, difforme, usé, bigarré, sale, cassé, illégal...De cette supposée laideur naquit une esthétique d'un certain Beau. A travers «Fatchata», Nadia Jelassi, plasticienne, mais aussi universitaire, nous lance en pleine figure ce que nous voyons, mais que nous ne voulons peut-être pas voir. Elle nous pousse à voir et à réfléchir au-delà de ces façades. Une réflexion qui appelle le plastique, le social, le culturel, l'économique et le politique. Une réflexion qui convoque le passé, le présent et même le futur. Il faudrait voir pour comprendre ! L'exposition se poursuit justement jusqu'au 10 mars 2015.