L'exposition, qui se tient actuellement à la maison des arts du Belvédère, aurait pu s'intituler aussi « La Tunisie vue par… ». Une génération de photographes chasseurs d'instants pris sur le vif ou d'autres metteurs en scène de situations saisies dans une Tunisie post-révolution. 17 photographes en majorité des femmes s'expriment sur leur environnement métamorphosé. Un grand nombre de photos est en noir et blanc, mais cela n'exclue pas l'existence d'œuvres en couleurs. Réalisées en numérique, les photos abordent des thématiques différentes où l'univers de la femme prend le dessus. Le niveau de l'exposition est inégal. Certaines œuvres sont d'une banalité consternante alors que d'autres sont beaucoup plus expressive à l'instar de cet « Olivier » solitaire entre ciel et terre signé Marianne Catzaras. Dans un tout autre registre, résolument féministe, le « diptyque de Mouna Karray. Deux clichés identiques où seul le personnage féminin change. Dora Dhouib pour son « Just for fun » dévoile l'intimité d'une chambre d'une superbe femme noire dont la robe longue occupe la photo. Elle est coincée entre un grand lit et une machine à coudre, outil ayant réalisé le costume d'apparat. « Boujmal » de Nicène Kossentini, un photomontage d'un paysage marin presque lunaire à travers lequel apparaît le portrait de l'absent, sans doute un marin disparu derrière les flots. Elle signe encore quatre autres œuvres intitulées « J'ai vu le ciel » en contre-plongée. Portrait d'un enfant observant l'horizon, le minaret d'une mosquée, les cheminées d'usines et l'antenne d'une télévision illustrent un milieu urbain dominant. Patricia Triki s'offre une installation vortex mettant en valeur une femme aux prises avec une structure en métal. « Mémoire aveugle » de Fadoua Dagdoug fait ressortir les contrastes de la lumière et de l'ombre qui se dégagent d'une structure abstraite. Sana Tamzini a visité le fond d'une mine pour en extraire le cliché d'un « Piocheur » dont le visage a été éclipsé par la lumière émanant de la torche fixée sur sa tête. L'artiste souligne particulièrement le mouvement effectué par le mineur avec une pioche. Marwane Trabelsi se situe au cœur de l'actualité. « Résistance », son œuvre très réussie montre un enfant essayant de franchir un barbelé. Le jeu de l'ombre renvoie un sens fort à une situation que beaucoup de jeunes ont vécue lors de la révolution du 14 janvier. La révolte traverse également le cliché de Nadia Wamani « Révolte » qui représente la main gantée d'une mariée. Elle donne l'impression qu'elle est prisonnière dans cet accoutrement traditionnel qui dissimule une certaine forme de violence. Faten Gaddes s'est abstenue de donner un titre à sa photo très significative par ailleurs. Une photo en couleur représentant l'envers d'un logis en construction au dessus des toits et met en relief la statue équestre de Bourguiba située à l'entrée de la Goulette. A la fois simple et forte, elle dit tout de la condition modeste des gens. « Absences » de Hela Ammar, en couleur, est dans le non dits. Elle donne à voir une femme de dos et derrière elle un parterre de chaussures d'homme. Nadia Zouari a une toute autre approche plus symbolique pour son photo-collage. Sur un mur, vestige du passé, sont incrustés des paysages d'un village marin qui ressemble à Ghar El Meleh, haut lieu où était organisé, il n'y a pas si longtemps, le festival international de la photographie. C'est toute une histoire que raconte sans palabre l'artiste.