Anis Klibi et son violon, pour la première soirée de la compétition officielle des JMC. Lorsque le violon de Ridha Kalaï s'était tu au début des années quatre-vingt, vingt ans avant qu'il ne quittât ce bas monde, on était en droit de se poser des questions quant à la relève, malgré l'existence de bon nombre de violonistes à cette époque. Il était considéré comme «le plus grand violoniste du XXe siècle» ! (Mustapha Chelbi : La musique en Tunisie). C'est grâce aux instituts supérieurs de musique que des générations de surdoués ont vu le jour. Aux Journées musicales de Carthage, on en aura la preuve d'autant plus que les manifestations précédentes ont eu leurs lots de grandes découvertes. Anis Klibi, au premier soir de la compétition, a placé la barre assez haut, dans une représentation unique de 35 minutes qui nous a donné beaucoup de joie. Un archet, un talent et un tempérament Les violonistes sont des artistes aussi libres que divers. Le tempérament guide le jeu. Ainsi, si Yehudi Menuhin était connu pour ses interprétations souvent enflammées, André Rieu, lui, est plutôt un adepte de la musique de variétés. Chez nous, Kalaï était «un romantique authentique, une nature aimante et généreuse» (notre article : La Presse du 8.5.2008 ). Quant à Anis Klibi, nous dirons qu'il a une âme joyeuse, qu'il aime la scène et qu'il est constamment heureux de jouer. Dimanche soir, il a encore prouvé son talent en interprétant cinq morceaux succulents de sa propre composition. Accompagné de deux percussions, d'une batterie, d'un cello, d'une flûte et de deux orgues, il s'est baladé dans tout ce grand espace scénique avec une maîtrise absolue. «Sur les ailes de son violon» amplifié, il nous a emmenés en voyage partout où ses cordes pouvaient vibrer. Ses compositions enracinées dans le mhayer sika tunisien vont chercher des sources turques, occidentales, tziganes... Les rythmes sont dansants parfois et langoureux d'autres fois. «La balade des gens heureux» s'étale d'Orient en Occident, joyeuse et gaie. Anis est aux anges, s'amusant à la fin en jouant une polka merveilleuse, mais termine son voyage, le nôtre, en atterrissant en Tunisie, empruntant au passage un air bien sfaxien. Un retour aux sources, somme toute, mérité. Son bonheur, il le tire de sa conviction que c'est un violoniste de talent et qu'il a des arguments de compositeur. Cela nous a donné l'idée qu'il serait génial de tisser des mots sur ces notes de musique agréablement agencées. Au fait, rappelons que notre oreille est, depuis toujours, habituée plutôt au chant qu'à l'écoute de la musique pure. Lundi soir, l'artiste n'a pas eu besoin de paroles... L'écoute était bonne et le public qui n'occupait le Théâtre de la Ville de Tunis que partiellement, s'est laissé entraîner,... Il n'en reste pas moins vrai qu'on peut noter quelques redondances et un aspect quelque peu répétitif comme si le compositeur était fier (et il l'était) de certaines phrases musicales, mais cela ne déplaisait pas toujours. Anis, dans son costume traditionnel, élégant et raffiné, quitta la scène, fier et rassuré. Il aurait pu jouer toute la nuit, planant dans son monde et quittant sa tour d'ivoire, emporté «sur les ailes de ses cordes»...en attendant le verdict de samedi prochain. Nous sommes convaincus que la partie sera rude avec certains compétiteurs. Nous pensons notamment aux frères Gharbi. Mais il n'y aura pas qu'eux. Attendons de découvrir ce que cache la déclaration en aparté de notre ami et star nationale fraîchement décorée à Cannes Amine Bouhafa, membre du comité de sélection qui avait promis de belles surprises. Bonne chance à Anis et aux autres.