Le domaine agricole consomme, à lui seul, pas moins de 3.500 tonnes de pesticides par an. Les scientifiques et les experts sont unanimes quant aux répercussions néfastes, aussi bien à court, à moyen qu'à long terme, de l'usage abusif des pesticides. Les pesticides ou encore les substances actives (SA) sont considérés par les agriculteurs, les responsables de l'hygiène sanitaire publique ainsi que par les responsables de l'entretien de l'infrastructure routière et ferroviaire comme étant des produits incontournables; un mal nécessaire qui, en dépit de ses effets redoutables sur la santé et sur l'écosystème, reste inéluctable. Utilisés pour la protection des plantes dans le domaine agricole, ils finissent par affecter l'environnement, fragiliser la terre et menacer la santé de l'Homme et de l'animal. Selon les données fournies par l'Agence nationale de contrôle sanitaire et environnemental des produits (Ancsep), et d'après les indicateurs publiés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les pesticides provoquent annuellement jusqu'à trois millions d'intoxications jugées comme graves. Ils constituent la cause de la mortalité annuelle de près de 220 mille personnes dans le monde. Des intoxications stimulées par la consommation des résidus chimiques contenus dans les produits agro-alimentaires ou encore par le contact direct et perpétuel des usagers des pesticides avec ces substances actives. Aussi, des maladies chroniques respiratoires, neurotoxiques, cardiovasculaires, endocriniennes, gastro-intestinales, rénales, allergiques et cancéreuses sont-elles favorisées par l'usage des substances actives. Et malgré les intentions signifiées quant à la rationalisation de l'utilisation des pesticides, notamment dans le domaine agricole, cette technique persiste au détriment de la santé publique mais aussi d'une exportation plus prometteuse des produits agroalimentaires tunisiens vers les marchés internationaux. En effet, le domaine agricole consomme, à lui seul, pas moins de 3.500 tonnes de substances actives par an. La liste desdites substances homologuées par le ministère de l'Agriculture, de la Pêche et des Ressources hydriques compte 260 SA (soit 73 insecticides, 111 fongicides, 50 herbicides, 6 nématicides, 3 rodenticides, et 17 substances actives à usage divers). Quant aux pesticides à usage sanitaire, ils sont au nombre de 99 insecticides et raticides. Implication multisectorielle Certes, ces listes sont bien définies et homologuées par les parties de tutelle. Cependant, multiples sont les écarts perpétrés par les utilisateurs, notamment les agriculteurs qui, soucieux de fertiliser au mieux le sol et maximaliser les chances d'une bonne récolte, recourent à l'usage excessif de ces pesticides. Ce qui multiplie le taux des résidus chimiques résultant des substances actives et, par conséquent, des risques d'intoxication et de détérioration environnementale et écologique. La lutte pour la rationalisation de l'usage des pesticides et l'instauration d'une vision à la fois de prévention et de suivi rigoureux repose sur deux principaux volets : le renforcement de la réglementation et la consolidation des actions de contrôle et de vigilance. Pesticides et santé publique Pour ce qui est du cadre réglementaire, l'Ancsep chapeaute un comité multisectoriel, comptant des représentants des ministères de la Santé, du Commerce, de l'Energie et des mines, de l'Equipement, de l'Aménagement du territoire et du Développement durable, de l'Industrie et de l'Agriculture, de la pêche et des ressources hydriques. Ce comité a pour mission de déterminer les listes des LMR ( ou des limites maximales de résidus chimiques des pesticides ) contenus dans les aliments destinés à l'Homme et ceux à l'animal. Le comité se charge, en outre, de la fixation des méthodologies opérées dans les actions de prélèvement des échantillons, de l'analyse et du contrôle des LMR. D'un autre côté, l'Ancsep s'applique à la création d'un système national de vigilance pour la maîtrise des risques dus aux pesticides. Ce système qui s'inscrit dans le cadre d'une stratégie préventive, qui a pour finalité d'analyser les répercussions des pesticides sur la santé, notamment sur la morbidité et sur la mortalité. Il est à souligner que le système rejoint l'optique internationale et africaine plus précisément quant à la lutte contre la mauvaise gestion des pesticides. Ayant adhéré, en 2002, au Programme africain sur la diminution des stocks de pesticides obsolètes, la Tunisie s'engage donc dans cette initiative internationale et continentale, soutenue, d'ailleurs, par les organisations internationales. Le système national de vigilance pour la maîtrise des risques liés aux pesticides a bénéficié, en effet, d'une subvention de la part du Programme africain afin d'élaborer une étude préliminaire sur la maîtrise des risques, le renforcement de la logistique via des outils informatiques ainsi que la vulgarisation de l'information à travers l'organisation de cinq ateliers interrégionaux.