Joindre l'utile à l'agréable, el oula est aussi une manière de faire intelligemment de l'économie en toute chose La cuisine tunisienne est connue par sa richesse, la variété de ses produits de terroir et la qualité des aliments. Elle est basée, depuis l'antiquité, sur l'huile d'olive et les épices. Avant l'existence du réfrigérateur, les femmes tunisiennes préparaient el oula. Il s'agit des provisions alimentaires nécessaires pour l'année suivante. Autrefois, chaque famille tunisienne aménageait dans la maison une pièce appelée Bit el mouna. Cet endroit est consacré au stockage des denrées alimentaires. «Dans la maison de ma grand-mère, un sorte de dehliz a été réservé au stockage des aliments. En pénétrant dans cette pièce, on découvrait des saveurs et des odeurs très variées. On y trouvait l'huile d'olive stockée dans de grandes jarres. D'autres plus petites ont été réservées au couscous chamsi ou diari, au mahamess, au borghol et aux légumes secs comme les fèves, les pois chiches et les lentilles», a expliqué Mme Fatma, la quarantaine, une fonctionnaire. Aujourd'hui, cette tradition est en train de disparaître. Les nouveaux couples préfèrent acheter les paquets des épices et des denrées alimentaires proposés dans les grandes surfaces. Une communion, une vraie fête Certaines régions du Sahel et de Sfax résistent encore. Les femmes continuent à préparer el oula. Mme Nozha, la cinquantaine, est une femme sfaxienne. Chaque année et pendant cette période de l'année, elle invite les cousines et les voisines pour préparer les provisions de l'année. «Je me suis habituée à consommer les denrées alimentaires diari. Je n'ai jamais accepté d'acheter les aliments vendus dans les épiceries. Je me rappelais les jours où ma mère faisait sa oula. La maison vivait une vraie fête. Les femmes arrivent très tôt le matin pour aider ma mère. Au patio de la maison, l'ambiance était bon enfant. Les femmes chantaient et lançaient des youyous. J'étais toujours fascinée par cette ambiance. Donc, j'ai essayé de garder les traditions». Mme Nozha a commencé par la préparation du couscous chamsi. Les femmes mouillent la semoule. A l'aide des ghorbel, tamis, elles séparent les grandes graines ( barkoukech) des petites. Dans un grand couscoussier, on met les petites graines qui seront cuites à la vapeur. Ensuite, le couscous sera séché au soleil sur le toit de la maison (stah). «Dans ma maison, je n'ai pas aménagé une Bit el mouna. Mes provisions sont stockées dans les placards de la cuisine. J'ai programmé une autre journée pour la préparation du borghol, dchich et hlalem. Ces denrées alimentaires seront consommées au mois de Ramadan et en hiver. J'ai déjà préparé mes provisions de pois chiches et de fêves», ajoute Mme Nozha. Dans la même ville sfaxienne, Mme Salwa est très occupée ces jours par la préparation des épices. Elle a acheté les épices fraîches comme le cumin, l'aneth, le poivre, le piment, la cannelle, la coriande, la menthe et autres. En pénétrant dans sa maison, on découvre un paysage exceptionnel. Sur les deux vérandas de sa maison, elle a étalé des draps blancs. Elle les utilise pour sécher les épices fraîches. «Séchées, ces épices seront moulues au moulin. Les quantités achetées sont suffisantes pour une année.Autrefois, ces épices étaient moulues dans le R'ha ou pilées à l'aide du mehresse. Le temps change», précise Mme Salwa. Jadis, nos grands-mères préparaient, également, le kadid ( viande séchée), la chriha (figue séchée), l'ail, la menthe, le laurier et autres. Elles distillaient l'eau des fleurs d'oranger, l'eau des roses, du géranium (aterchia). Ces provisions étaient très utiles pendant l'hiver.