A l'heure des tournages et de la mise en boîte des séries et des feuilletons ramadanesques, nous avons entrepris de faire un voyage au pays de la fiction pour mieux connaître les genres et pour savoir ce que nous consommons, et ce pourquoi nous le consommons. Comme nous l'avons déjà montré dans une série d'articles parus dans cette même page au début de ce mois, le scénario est cette région de la création télévisuelle ou cinématographique qui est souvent occultée au profit de l'image et de son organisation formelle. Chez certains, le texte, l'histoire ou l'écrit menacent la spécificité de l'art de l'image. Alors qu'en réalité, le script a une place centrale dans le dispositif de création. Il est la fondation même de la fiction. C'est le scénario ou le warak (le papier), comme on l'appelle dans l'industrie audiovisuelle égyptienne, qui permet de transmuter les mots en images. Mais comment fonctionne cette délicate alchimie ? Quels sont les mécanismes de cette écriture pas tout à fait comme les autres et qui sont ces scénaristes, ces raconteurs d'histoires? Tout est «histoire», qu'il s'agisse de cinéma, de télévision, de bande dessinée, de multimédia, de publicité ou encore de journalisme d'investigation. Une histoire, ou story, est l'ensemble des événements et des situations considérés en eux-mêmes, abstraction faite du médium qui nous en donne connaissance. Le récit désigne le discours oral ou écrit qui assume la relation de ces événements et de ces situations, discours que l'on nommera narratif. Plus simplement, Jean-Paul Torok ( historien du cinéma, scénariste, réalisateur et professeur de narratologie) redéfinit l'histoire ainsi : c'est l'ensemble des événements racontés. Le récit est le discours oral ou écrit qui le raconte, et la narration est l'acte qui produit ce discours, c'est-à-dire le fait même de raconter, l'acte narratif producteur du récit. Mais il faut d'abord trouver les premiers mots d'une histoire à venir, et comme nous inventons toujours les mêmes histoires, les dramaturges se posent toujours cette question : comment les raconter ? A quel endroit de l'histoire imaginée par le scénariste va-t-on commencer le récit ou le traitement dramatique? Dans son article paru dans la revue Synopsis et intitulé «Scénario, par où commencer?», Marie-France Briselance assure qu'il n' y a pas de modèles à reproduire ni de recettes à appliquer, puisque tous les films que le scénariste a vus et étudiés, si parfaits soient-ils, ne lui donnent que les multiples exemples d'un choix qui revient à son auteur et à lui seul. Car l'auteur, ajoute-t-elle, est le maître absolu et le créateur de toutes choses. Ses possibilités sont infinies. «Il a autant de pouvoir que Dieu pendant les six jours de la création du monde». Il faut alors se souvenir de ce qu'affirmait Hitchcock dans ses entretiens avec Truffaut : «Si, dans les documentaires qui filment le réel, c'est Dieu le réalisateur, pour les fictions qui sont des œuvres d'imagination, c'est le réalisateur qui est Dieu. Et j'ajoute : avec le scénariste».