Morts ou vivants ? Qui le sait ? Le doute plane encore sur le sort de Soufiène Chourabi et Nadhir Ktari, disparus en Libye depuis huit mois. Les dernières déclarations du ministre de la Justice libyen (gouvernement de Tobrouk), faisant état de l'assassinat des deux journalistes par des terroristes, actuellement arrêtés en Libye et interrogés, ont semé davantage le doute au lieu d'éclairer la lanterne de l'opinion tunisienne et permettre à leurs familles de connaître la vérité quelle qu'elle soit. Paradoxalement, ces déclarations controversées ont accentué le doute et permis d'espérer que Soufiène et Nadhir soient encore vivants. Aujourd'hui, à Paris, des associations tunisiennes et maghrébines ainsi que des représentants en France de partis politiques tunisiens organisent un rassemblement à la Place de la République pour réclamer la vérité sur le sort des deux journalistes tunisiens. Avec l'enlisement de l'affaire éclaboussée par plusieurs contradictions et contre-vérités, les organisateurs du rassemblement interpellent la société civile tunisienne et internationale pour se mobiliser et exiger du gouvernement tunisien et des autorités libyennes (gouvernement de Tobrouk) de prendre les mesures urgentes qui s'imposent pour faire éclater la vérité et rien que la vérité. Dans un communiqué, ces partis politiques et associations expliquent d'ailleurs que ce mouvement a été décidé suite aux déclarations contradictoires du ministère de la Justice libyen du gouvernement de Tobrouk au sujet de l'assassinat présumé des deux journalistes. Aucune information sur la visite du juge d'instruction en Libye Des contradictions et des contre-vérités ont, en effet, été relevées dans les propos de la partie libyenne par des proches des journalistes disparus, des confrères et amis. Certaines soi-disant révélations des terroristes ne coïncident pas avec la réalité comme la date de leur enlèvement ou encore les autorités libyennes sont incapables, ou refusent, de fournir des preuves de ce qu'elles avancent au sujet de l'assassinat. Constat qui aurait gêné voire fâché les officiels libyens de Tobrouk. Pis encore. Aucune information officielle n'a encore filtré du déplacement du juge d'instruction tunisien dépêché en Libye depuis samedi dernier pour interroger ces terroristes, en vertu d'un accord bilatéral, et s'assurer de la véracité de leurs «aveux». Notre confrère Naji Zaïri, rédacteur en chef à Mosaïque-FM, avance à partir de sa propre investigation (Midi show du 8 mai) des éléments d'informations selon lesquels «le juge n'a pu rencontrer les présumés assassins de Sofiène et Nadhir que mercredi dernier, soit cinq jours après son arrivée en Libye, et, de surcroît, sans pouvoir les interroger lui-même, il aurait seulement assisté en spectateur à leur interrogatoire». Notre juge d'instruction aurait attendu le retour du ministre de la Justice libyen en voyage en Egypte. Incapacité à découvrir ou à révéler la vérité L'affaire du journaliste et du cameraman tunisiens disparus en Libye commence à sentir le roussi, en raison de l'ambiguïté et du flou qui pèsent sur les propos venant du côté libyen et de la confusion qui se dégage de l'attitude de la partie officielle tunisienne. Malgré sa mise en doute des déclarations libyennes justifiée par l'absence de preuves matérielles de vérification, le gouvernement tunisien n'a pas pu encore lever le voile sur le sort des deux ressortissants tunisiens, laissant ainsi courir des accusations d'incapacité et d'incompétence et, plus grave encore, des rumeurs selon lesquelles le gouvernement actuel cache la vérité amère de la mort (depuis des mois) des deux journalistes pour ne pas en subir le revers familial et populaire. Au fil des jours, et par certains de ses aspects, cette mise en doute commence sérieusement à se justifier et un bon nombre de Tunisiens ne croient même pas à la revendication, en janvier dernier, par la branche libyenne de Daech de l'exécution des deux hommes. Ce qui ouvre la voie à des hypothèses et des accusations encore plus périlleuses, celles du risque de manipulation politique des autorités libyennes qui seraient derrière l'orchestration de l'affaire Chourabi-Ktari. Ainsi, les officiels libyens maintiendraient en haleine le gouvernement et le peuple tunisiens et pourraient ainsi maintenir les frontières sud ouvertes indéfiniment. Force est de constater, en effet, que des voies ont commencé à s'élever en Tunisie appelant à la fermeture de la frontière sud du pays pour mettre un terme aux nombreux dangers issus de la contrebande de toute sorte de marchandises, y compris les armes, et des infiltrations de terroristes.