Entre le silence suspect et la peur de la vérité, le sort des deux journalistes tunisiens, Soufiène Chourabi et Nadhir Ktari, enlevés en Libye, reste aux mains tremblantes et douteuses de la rumeur et de la contingence. Les informations ne sont toujours pas confirmées.Tout le monde nage en pleine opacité. Quelque part, le devoir de vérité cède le pas à la peur bleue. Quelque part, il y a manipulation et provocation. Guerre de communiqués et quête de désengagement. Ni confirmation ni démenti de l'effroyable nouvelle. Le chaos ambiant enveloppant l'affaire suggère que la vérité est à notre porte mais pas à notre portée et que peut-être la peur d'en annoncer les insoutenables termes plombe les ailes de toute enquête fouillée et inhibe justement la recherche de la vérité. Que vaut la confession des assassins épinglés par les autorités judiciaires libyennes ? Peut-on se fier aux aveux de terroristes ? Quel crédit donner à la déclaration du porte-parole du gouvernement provisoire libyen confirmant l'assassinat de nos deux concitoyens? Quel est l'intérêt de ce dernier d'en annoncer la mort s'il n'a pas de certitude ? Y aurait-il volonté d'instrumentaliser une information aussi grave et lourde de conséquences ? Tout autant de question auxquelles personne, à Tunis comme ailleurs, n'est en mesure jusqu'ici de répondre. La confusion règne plus que jamais. Jusqu'à la présentation de preuves irréfutables sur le double crime ou le rapatriement des deux corps, le cas échéant, l'affaire reste empêtrée dans la récupération politique, l'intoxication, voire même la pure désinformation. Depuis plus de huit mois, la vérité peine à éclater et les familles concernées ne cessent de se cogner sur l'effroyable mur de l'incertitude. Peut-être que le juge d'instruction, chargée de l'affaire après l'ouverture d'une information judiciaire en Janvier 2015, et dépêchée en Libye, dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, sera en mesure d'y faire toute la lumière et surtout de ramener des certitudes, et ce quelle qu'en soit la nature.