Entre les années 70, 80 et même 90 et aujourd'hui, le niveau n'est plus le même La plupart des systèmes politiques corrompus visent l'éducation en premier lieu. Etant une source de réflexion, de pensée critique et de lucidité, l'éducation a toujours été perçue comme une menace pour les dictatures et leurs systèmes politiques caractérisés par le dogmatisme et l'oppression. Après 50 ans de dictature, la Tunisie en est un exemple pertinent. Après la révolution, notre pays a nécessairement besoin d'une révolution qui touche directement le volet éducatif. En effet, le système éducatif devrait être plus adapté aux vrais besoins spécifiques de la société tunisienne dans l'objectif de pousser les jeunes à participer pleinement à la chose publique et réussir la transition politique de leur pays. Aujourd'hui, la plupart des adultes tunisiens éduqués sont d'accord sur un fait : le niveau de l'éducation actuellement n'est pas celui des années 70, 80 et même 90. En effet, révolu est le temps où l'éducation était bâtie sur des bases solides et marquée par la discipline aussi bien des élèves que des étudiants. C'est que la politique menée par le régime déchu consistait à faire réussir le plus grand nombre d'élèves et d'étudiants au détriment du niveau d'instruction. M. Touhami Chaïeb, inspecteur de la jeunesse et de l'enfance, nous rappelle que «tout a commencé avec Hedi Nouira, et ensuite Mohamed Mzali, qui ont créé l'homme machine. Ils ont favorisé un système éducatif où, à titre d'exemple, un étudiant en physique n'a pas à étudier les sciences humaines. De leur côté, les sections scientifiques ne comprennent pas des matières de sciences humaines. L'instauration de ce système a débuté avec la révolution des étudiants, des élèves et des enseignants en 1972. Pour se débarrasser de toute source de dérangement et d'opposition politique, le gouvernement de l'époque a commencé à rabaisser le niveau d'éducation. Selon M. Chaieb, «l'arabisation de la philosophie a eu des effets néfastes sur le système scolaire tunisien, car l'arabisation sans traduction appropriée et bien étudiée des idées philosophiques et universelles est inutile. C'est pour cela que les étudiants en philosophie de nos jours ne disposent pas d'un esprit critique». Il propose ainsi de «former les enseignants pédagogiquement. En effet, une formation approfondie en sciences de l'éducation est plus que nécessaire. Un professeur de mathématiques, à titre d'exemple, devrait avoir les connaissances pédagogiques nécessaires pour enseigner. Une formation continue en sciences de l'éducation est plutôt obligatoire pour tous les enseignants du pays» La dimension expérimentale est quasi inexistante Mohamed Kochkar, docteur en didactique, précise : «Le corps ne s'exprime pas, durant le parcours scolaire il est quasi inactif. En fait, l'enseignement est presque virtuel car le théorique surpasse la pratique. On ne voit plus des idées différentes, des valeurs différentes, ou des personnalités variées. En effet, tous les élèves se ressemblent. Un manque d'originalité s'est installé depuis plusieurs années. Le système scolaire ignore l‘importance des travaux pratiques. C'est un système de troupeaux». De son côté, Chadha Laâmeri, enseignante au primaire, a souligné que «le gouvernement devrait accorder plus d'importance à l'infrastructure des institutions scolaires et surtout aux établissements de l'enseignement primaire. Car les enfants ont vraiment besoin d'un minimum de confort pour pouvoir apprendre et progresser». Sur ce plan, nous devrions nous rappeler la célèbre citation du psychologue américain Fitzhugh Dodson: «Tout se joue avant six ans». Pour sa part, Oumaima Tizaoui, élève en terminale section lettres, a déclaré : «On est face à beaucoup de problèmes. En ce qui concerne le programme, en tant qu'élève en sections lettres, les documents ne sont pas d'actualité, on n'apprend rien de nouveau. Ce n'est pas de la recherche que nous faisons. En histoire, par exemple, c'est le même programme que celui de 12 ans. Lire quelques livres d'Aboul Ala Al-Maâri et de Mahmoud Messaâdi a changé ma vision de la vie. Mais la plupart de mes camarades se contentent de lire quelques extraits et des résumés pour réussir leur année. L'école teste notre mémoire, rien de plus». Il est clair que le système éducatif tunisien a besoin d'une réforme à laquelle participent tous les acteurs concernés. Un changement qui vise à réaliser du progrès et à acquérir les compétences nécessaires à un pays qui passe par une période de transition très délicate. L'école devrait participer pleinement à l'instruction des jeunes et leur donner les outils à travers lesquels ils pourront accomplir leurs propres projets. L'école devrait être la clé de la réussite de chaque personne, et comme l'a dit la pédagogue italienne Maria Montessori : «Apprends-moi à faire seul».