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Molière s'inquiète !
Enseignement du français en Tunisie
Publié dans Le Temps le 11 - 12 - 2011

• Pour une rénovation des approches et des pratiques pédagogiques
Les élèves au primaire, au collège ou au lycée ne maîtrisent pas le français, la langue de Molière, ce qui est un minimum et un préalable indispensable à l'ensemble des apprentissages. Force est de constater que ces élèves non seulement ne connaissent pas les règles élémentaires d'orthographe, mais que, bien plus grave, ils n'ont même pas conscience des mots et encore moins de la syntaxe. La conjugaison leur est aussi complètement étrangère.
La nomenclature grammaticale leur fait défaut. Bref, à voir les copies des élèves, il y a de quoi s'inquiéter sur l'avenir du français dans nos écoles. Ce phénomène n'est pas propre à la Tunisie, mais il existe un peu partout dans les pays francophones, y compris la France où un cri d'alarme est lancé pour sauver la langue française. Les inspecteurs de français réunis au cours d'un séminaire le 7 et 8 décembre sur l'enseignement du français en Tunisie à la direction régionale de l'enseignement de Nabeul ont tiré la sonnette d'alarme et ont appelé à une rénovation des approches et des pratiques pédagogiques dans l'enseignement du français dans notre pays
Trois motivations nous ont conduits à organiser ce séminaire explique Lotfi Souab inspecteur de français au secondaire « Tout d'abord un séminaire est toujours un événement de par le dynamique d'échange qu'il instaure. C'est un moment de partage, de rencontre et d'écoute. La réflexion que nous proposons d'engager émane d'un constat inquiétant partagé par tous : la nette dégradation du niveau linguistique des élèves voire même la dégradation de l'intellect. Nous décelons également un certain déficit de formation chez les enseignants. Ce manque génère un recul des performances dans les établissements scolaires. La mise en œuvre d'approches pertinentes se heurte à certains obstacles à une certaine réticence. Cet état nous interpelle tous et nous pousse à pointer les difficultés, à construire des démarches cohérentes pour aboutir à un bon rendement de l'acte pédagogique. Ce séminaire est l'occasion aussi de prendre du recul par rapport à ce que nous faisons. Il ne s'agit pas d'apporter des réponses mais de susciter des interrogations, les vraies interrogations à partir d'une démarche lucide. La problématique de l'enseignement des langues en particulier est une question complexe, une affaire nationale par excellence surtout au moment où tous les acteurs se penchent sur l'avenir du pays. C'est une façon pour nous d'assumer nos responsabilités en tant qu'inspecteurs à un moment crucial où des acquis et les finalités de l'enseignement des langues ne semblent pas être évidentes. Quoiqu'il en soit, la question de la langue n'est pas négociable parce qu'elle est le lieu de la formation de l'esprit du citoyen.
Le niveau des élèves sous les projecteurs
Le français est la première langue étrangère étudiée par les élèves tunisiens. Sa maîtrise par les jeunes représente à la fois un objectif et un défi. Elle bénéficie d'horaires assez importants (8 à 10 heures hebdomadaires dans le primaire, 4 à 5 au niveau des collèges et des lycées) « Cette langue comme le confirme l'inspecteur Mohamed Seddik Ghazouani apparait souvent dans notre pays comme une langue malmenée, parfois difficile et rebutante. D'une manière générale et si on prend l'exemple des collèges, les professeurs ont tendance à rejeter la responsabilité su déficit sur leurs collègues du primaire. Or, les instituteurs interrogés sur les compétences limitées des élèves au travers d'une enquête réalisée auprès de plus de 50.000 instituteurs sur leur explication des raisons de la détérioration des élèves donnent évidemment d'autres raisons. L'écrasante majorité estime que le passage automatique dans le primaire tire vers le bas le niveau général des classes et des études et qu'il est impératif de tenir compte du critère du mérite lors du passage d'un niveau à l'autre. La même enquête a préconisé l'annulation de l'examen de la quatrième qui est jugé prématuré pour l'évaluation du niveau des acquis chez les élèves. Elle a proposé de retourner à l'examen de la sixième pour boucler le premier cycle de l'enseignement de base, censé permettre aux élèves d'apprendre à lire, écrire et compter. Un examen national à la fin de cette étape permettait d'avoir une idée globale sur le niveau général de tous les élèves en Tunisie et de déceler les éventuels déséquilibres régionaux et , même , les difficultés liées à certaines matières. Aussi une circulaire du ministère de l'Education avait –elle déjà annoncé dès le début de l'année scolaire 2009-201 certaines de mesures, notamment, l'annulation de l'examen de la quatrième et le retour aux moyennes pour le passage d'un niveau scolaire à un autre au niveau de l'enseignement de base. Mais le ministère s'est ensuite rétracté et en avait reporté l'application » Cette réalité de déficit est perçue autrement par l'institution, certains organismes ou même les inspecteurs. M Mohamed Seddik Ghazouani avance plusieurs raisons « programmes difficiles inadaptés et contenus peu motivants, des flottements entre différentes approches pédagogiques (par objectifs, par compétences) des facteurs pédagogiques dont la faiblesse des systèmes de formation des formateurs, l'insuffisance de formation spécifique d'un nombre important d'enseignants en français, des pratiques tendant vers une certaine rigidité pédagogique dans le fonctionnement des classes, une hétérogénéité du corps enseignant et disparité des contextes socioculturels où un tiers au moins des enseignants souvent de jeunes stagiaires , sont peu préparés au métier, exercent dans des conditions difficiles et reçoivent des élèves de milieu rural socialement et culturellement très défavorisés. Ceci sans oublier une formation continue sentie le plus souvent comme une contrainte, un choix peu judicieux des formateurs et une absence d'un environnement francophone favorable aux activités parascolaires. Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves vient de publier les résultats de son enquête opérée en 2009 dans 65 pays appartenant à l'OCDE ou partenaires de l'organisation. La dernière enquête a, essentiellement, porté sur la compréhension de l'écrit mais, aussi, sur les mathématiques et les sciences. La Tunisie a été partout classée 40ème c'est-à-dire la dernière avec un score de 375 points. Il s'agit de mesurer le niveau de lecture des élèves, ainsi que leur capacité à aller plus loin, à utiliser leurs connaissances, à réfléchir sur des sujets. Même chose en maths ou en sciences, où l'on teste les capacités à tirer des conclusions sur des choses qu'ils découvrent. Sur les 65 pays, la Tunisie a été classée 56ème avec 401 points en matière de compréhension de l'écrit. La moyenne des pays de l'OCDE étant de 493 points.
Doit-on continuer alors à enseigner la littérature au lycée ?
L'enseignement de la littérature pose problème dans nos lycées comme l'ont démontré Les deux universitaires Béchir Garbouj et Kamel Gaha lors d'une table ronde animée par Lotfi Souab. Un professeur de lycée est amené à étudier des textes littéraires avec ses élèves. Outre les difficultés de lecture d'un très grand nombre d'élèves, le professeur ébahi constate que pour entrer dans un texte littéraire, même simple, il lui faut procéder à un véritable travail de traduction : le vocabulaire de la plupart des élèves est tellement pauvre que des mots même très courants leur sont inconnus et leur interdisent tout accès aux textes. « Il y a un vrai déchet et un gâchis énorme estiment Pr Garbouj et Gaha . La faute incombe à nous tous notamment au système d'orientation, au profil des enseignants et à leur formation mais surtout au niveau de nos élèves. Certes les œuvres littéraires sont difficiles mais derrière ce déficit il y a des problèmes essentiels au niveau de la compréhension linguistique et la lecture. Les élèves ont, pour la plupart, du mal à suivre les cours de français, car ils n'ont pas les pré-requis nécessaires poury suivre leur apprentissage. Certains ne parviennent même pas à déchiffrer les mots. La majorité des élèves venus du collège n'ont pas la base linguistique nécessaire pour continuer leurs études dans ce cycle. Le plaisir de lire est ainsi évacué. Les enseignants ne cachent pas leur sentiment d'amertume devant cette situation où ils se sentent impuissants. D'autre part, les textes étudiés sont loin de la réalité des élèves qui ne lisent pas, disent les enseignants ; puis les élèves ne manifestent pas un grand un intérêt. Ils ne peuvent plus entrer dans le texte. Ce constat d'indifférence est, bien entendu, un phénomène général. La littérature est concurrencée par les textes documentaires, par l'internet, la face book. Il y a une véritable crise de la lecture. Les gens ne veulent plus souffrir. Ils veulent consommer. Le livre n'intéresse plus l'élève. Le texte littéraire n'est plus motivant. Doit-on continuer alors à enseigner la littérature. Bien des enseignants interrogés n'apprécient pas l'étude des textes littéraires et souhaitent un retour au français fonctionnel ou à des textes qui renvoient à la réalité des apprenants. Faut-il supprimer le texte littéraire ? Non avoue le philosophe et historien français Tzvetan Todorov « la littérature peut nous tendre la main quand nous sommes profondément déprimés, nous conduire vers les autres humains autour de nous, nous faire mieux comprendre le monde et nous aider à mieux vivre. »
Formation ponctuelle, épisodique et occasionnelle des enseignants
Toute politique éducative se doit de se servir de la formation initiale ou continue des professeurs comme d'un levier de professionnalisation du métier : du recrutement du personnel, à la gestion des carrières et à l'évolution des potentiels. En Tunisie souligne Fathi Ben Ayèche inspecteur de français à la direction régionale d'enseignement Tunis 2la formation des enseignants s'avère un enjeu crucial et décisif au vu du nouveau contexte social, culturel et politique résultant des mutations qu'a connues le pays et surtout en regard des difficultés pédagogiques et relationnelles avec les élèves. « Il serait dit –il judicieux donc que soit repensée la formation des enseignants et il conviendrait, dans le cadre de cette réforme, de proposer des contenus de formation qui pourvoient ceux-ci des outils nécessaires à leur adaptation à ces mutations et d'insuffler un dynamisme renouvelé dans les pratiques. En analysant la réalité tunisienne, nous relevons tout d'abord l'absence d'un cadre de références pour la formation des enseignants. La formation reste ponctuelle, épisodique et occasionnelle. Nous estimons, en outre, que l'exploitation des modules produits par le CENAFFE reste très imitée. Nous remarquons aussi l''absence de structure assurant une mise à niveau et une qualification des professeurs formateurs ; ce qui pose le problème du renouvellement du vivier de formateurs qualifiés. La décision de renoncer au corps des conseillers pédagogiques me semble hâtive et inopportune surtout pour l'encadrement des stagiaires des première et deuxième années. A cela s'ajoute non seulement le constat que la formation initiale des nouvelles recrues est pour la plupart lacunaire mais aussi nous sommes frappés par l'absence de cycles de qualification des étudiants pour l'exercice du métier d'enseignant. On ne peut que déplorer l'absence de synergie entre les aspects académiques et les aspects pédagogiques. En effet, doter l'étudiant d'un savoir académique est insuffisant pour développer potentiellement chez lui des aptitudes à l'enseignement d'une discipline. La démotivation des enseignants est évidente : la formation rime avec contrainte et l'absence d'une adhésion effective des enseignants discrédite toute initiative de mise à niveau. Or selon la loi d'orientation de l'éducation et de l'enseignement scolaire, la formation continue est pour tout enseignant titulaire, à la fois un droit et un devoir. Elle constitue une nécessité dictée par les mutations qui affectent le savoir et la société et par dévolution les métiers.
Pour une formation signifiante
Les principes généraux de cette formation signifiante affirme Pr Ben Ayèche sont La pertinence c'est-à-dire une adéquation entre le contenu de la formation et les grandes orientations du système éducatif et aussi avec les besoins identifiés, la négociation ou La contractualisation qui est une implication effective des enseignants et une consultation portant sur le contenu, les modalités, la périodicité. Ceci sans oublier la responsabilisation c'est à dire la valorisation de la formation auprès du corps professoral qui exige un consensus de toutes les parties impliquées dans une logique de collaboration et de partenariat et enfin la finalisation car tout acte de formation devrait aboutir à la production d'un document en vue de doter les enseignants d'outils didactiques validés. La mise en œuvre d'une action de formation exige la prospection du terrain. En effet, les actions de formation sont élaborées à partir d'une analyse fine des besoins en vue de réactualiser les connaissances en lien avec les évolutions de la recherche et échapper ainsi à toute forme de reconduction automatique des données figurant dans les manuels scolaires ou autre document de travail. Elle exige la conception d'un projet de formation, la planification, l'Identification des intervenants et du public cible, la préparation des documents de référence, la mise en œuvre et le dispositif d'évaluation/régulation. Les actions de formation sont systématiquement accompagnées d'une évaluation propre à permettre d'ajuster l'offre aux besoins de formation. Ne nous limitons pas à des évaluations post formation permettant de mesurer l'impact des actions de formation sur les pratiques professionnelles et la qualité des enseignements mais prévoyons aussi des évaluations/régulations.
La formation se doit, par conséquent, d'échapper à toute forme de reconduction automatique, de répondre aux demandes et d'œuvrer pour une réactualisation des connaissances des enseignants en lien avec les évolutions de la recherche. Elle permet ainsi non seulement des évolutions de carrière et mais elle concourt avant tout à l'amélioration de la qualité de l'enseignement dispensé en classe. De ce fait, une réforme du recrutement et de la formation des enseignants s'impose et devrait conduire à mieux articuler formation initiale et formation continue dans un continuum de formation professionnelle de manière à ancrer le métier dans un parcours professionnel. Une formation, signifiante, exige dans cette optique un consensus de toutes les parties impliquées, la prise en compte du principe de collaboration, de partenariat et de responsabilisation des enseignants. Ce dispositif, négocié, génère la valorisation de la formation continue auprès du corps professoral. De telles actions de formation seraient systématiquement accompagnées d'une évaluation propre à permettre d'ajuster l'offre aux besoins et à mesurer l'impact des actions de formation sur les pratiques professionnelles et la qualité des enseignements ».


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