Béji Caïd Essebsi a surpris son monde en annonçant lundi soir sur NessmaTV, sa candidature aux élections présidentielles d'autant plus que dans quelques jours, l'ANC discutera du projet de loi relatif à l'immunisation de la révolution, fait sur-mesure pour le président de Nidaa Tounès. Sauf coup de théâtre, le projet de loi sera voté. A quoi, il faudra ajouter la troisième mouture de la constitution qui fixe à 75 ans l'âge limite des candidats à la magistrature suprême. Un article également malvenu pour Si Béji qui en est à son 86e printemps. La cause paraît donc entendue, sauf pour BCE qui n'en a cure. S'agissant du projet de loi, il espère que la raison finira par l'emporter, car « il risque d'écorner durablement l'image de la Tunisie » au cas où il serait adopté. A propos de l'article limitant l'âge des postulants à la présidence, il écarte l'objection de son interviewer d'un revers de main. Il ne reprend pas sa phrase favorite quand on lui « reproche » son âge « l'âge n'est pas tant un état civil qu'un état d'esprit », mais rappelle le cas de Georgio Napolitano, le président italien, un nonagénaire qui s'apprête à entamer un second septennat. Et puis ajoute-t-il, « la santé mentale compte beaucoup aussi ». Un message codé dont on devine le destinataire. Comment expliquer cette force tranquille qui se dégage de Béji Caïed Essebsi et son ton décidé malgré les impedimenta dressés sur son chemin ? Peut-être par la haute idée qu'il se fait de la mission qu'il entend mener à bien dans la Tunisie post-révolution : équilibrer le paysage politique pour empêcher Ennahdha de reproduire le système RCD, avec un parti dominant et « une opposition de sa majesté » qui lui sert d'alibi démocratique. Se défendant même de chercher à éliminer Ennahdha «devenue une composante essentielle de la société tunisienne», il se dit même prêt à une coalition entre ce parti et Nidaa Tounès au lendemain des élections si les résultats du scrutin l'imposent. En annonçant sa décision de briguer la présidence de la république, BCE cherche aussi à s'imposer comme le chef de file de l'opposition centriste en coupant l'herbe sous les pieds des autres dirigeants de cette mouvance qui nourrissent des ambitions nationales comme Najib Chabbi. Grand seigneur, il reconnaît quand même des qualités d'homme d'Etat à son rival qu'il voit bien à la tête du gouvernement. Il cherche à rallier à lui tous ceux qui se sont montrés sceptiques quant à sa volonté d'aller jusqu'au bout dans sa course au palais de Carthage. Il prend à témoin, au delà des partis, l'opinion publique, au cas où la troika conduite par le parti islamiste chercherait à l'éliminer de la scène politique. S'ils persévèrent dans cette voie, il aurait beau jeu de montrer le peu de cas qu'ils font du jeu démocratique. C'est aussi un message rassurant qu'il envoie aux militants de son parti, en proie au doute, faute d'objectifs clairs et une invite à resserrer les rangs dans la perspective des prochaines élections, reléguant ainsi au second plan, les divergences à propos du Congrès de Nidaa Tounès. Hédi
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