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Abdelwahab Meddeb: de Weld El 15 à Mandela
Publié dans Leaders le 06 - 12 - 2013

Jeudi 5 décembre: deux événements ont soulevé en nous les mots de l'indignation ou de la révérence. De Hammamet à Soweto, c'est la liberté et la dignité des humains qui ont été sollicités. De Weld El 15, jeune chanteur/poète de 25 ans à Nelson Mandela, le sage de 95 ans, l'Afrique de sa base à son sommet a tremblé. D'écho en écho, de midi à minuit, une vaste rumeur a résonné de la prison à laquelle a été conduit le jeune homme insoumis à la tombe qui recueillera la dépouille de celui qui a gagné son combat pour la liberté, l'égalité et la dignité en jugulant et en différant l'usage de la violence.
1. Weld El 15 a été condamné jeudi 5 décembre à quatre mois de prison ferme. Pour une chanson. Cette décision entre dans le répertoire déjà dense des atteintes aux libertés fondamentales en Tunisie. C'est inacceptable, intolérable. Protestons, disons notre indignation, notre refus de ce verdict inique. On jette dans les ténèbres infectes nos enfants. Et les criminels courent libres, comme ceux qui ont tué Chokri Belaïd et Mohammed Brahmi. Weld El 15 a la pureté de l'ange et la fragilité du moineau. C'est ainsi que je l'ai perçu dans sa dignité blessée la semaine dernière, caché dans son refuge lorsqu'il était en cavale, il a besoin de la liberté pour s'épanouir. Et le voilà qui passe ses dernières nuits dans l'étroitesse et l'humidité et l'obscurité du cachot. On veut transformer les anges en démons. On veut briser les ailes des jeunes créateurs qui, par leur critique acérée du nouvel ordre qu'on s'acharne à imposer à une société rétive, font voler au-dessus de nos têtes des mots qui parviennent à combler nos oreilles inassouvies. Ces gens qui sont au pouvoir sont maléfiques, ils sont en train de semer la ruine dans le pays et de généraliser la déprime. Jusqu'à quand ?
2. Mandela, l'immense, s'est envolé, évaporé, cela a été annoncé une minute avant minuit ce même jeudi 5 décembre. "La négritude est un humanisme", disait Aimé Césaire. Mandela l'incarnait, lui, l'homme qui a sorti son pays de l'abominable Apartheid, ce système, cette idéologie qui hiérarchise radicalement l'ordre social selon le critère racial qui donne priorité absolue à l'humanité blanche de genèse européenne, réalisation à l'échelle de toute une communauté des théories les plus abjectes du racisme, de Gobineau à Hitler.
Et c'est par ce qui a été appelé "Justice et réconciliation" que cette sortie de l'Apartheid a eu lieu en empruntant une voie pacifique. Ce dispositif pulvérise la vengeance et la violence non dans le déni de l'horreur mais dans son instruction rendue publique par la théâtralisation de l'évènement passé qui met en scène la victime et son bourreau qui est appelé "perpétrateur". Néologisme qui évite le mot péjoré afin d'aménager place à la réconciliation avec la victime de celui qui reconnait le crime qu'il a perpétré et qui, d'une manière ténue ou intense, entache sa conscience. Ainsi le pardon ne s'accorde pas dans l'oubli ou la négligence de l'infamie subie ou perpétrée mais il est offert au vif de la mémoire qui entretient la vérité du mal accompli pour tous les acteurs, actifs et passifs ensemble. Dans la réconciliation reconnue socialement demeure au fond des coeurs la part de l'irréconciliable. Quelle belle leçon d'humanité et d'humanisme conçue par l'esprit de Mandela et par son alter ego le Révérend Desmond Tutu. Leçon si mal appliquée par nos compatriotes maghrébins. Leçon escamotée dans l'absolution des islamistes terroristes en Algérie, suite au pardon accordé par décret présidentiel sans instruction des crimes ni confrontation entre victime et "perpétrateurs", sans théâtralisation, sans passage de l'événement vécu par la fiction, sans transmutation du réel par l'imaginaire et le symbolique, transmutation qui accorde une scène publique à la catharsis, laquelle lave les consciences en représentant le crime. Leçon superficiellement imitée au Maroc pour se délester du poids des années de plomb qui pesait sur la conscience nationale. Leçon à retenir pour la future réconciliation judéo-arabe, israélo-palestinienne. Serons-nous capables d'épurer tous nos contentieux non par l'occultation mais par l'instruction, non par l'oubli mais par la mémoire, non par le refoulement mais en regardant le mal en face ? Serons-nous capables de nous réconcilier avec l'ennemi qui loge dans la communauté à laquelle nous appartenons pour rendre possible la cohabitation nécessaire sans avoir à oblitérer l'irréconciliable qui continue de charger les coeurs ? Aurons-nous les moyens de pardonner à l'horizon d'une justice à laquelle jamais ne se substituera la vengeance ? Or, sachez-le, il n'est de pardon que celui qui pardonne l'impardonnable (Jacques Derrida). Telle est la ligne de crête de l'éthique qui gouverne le pardon. Il faut être fort, souverain, inentamé pour l'assumer et l'assurer. Tel l'immense Mandela dans sa stricte humanité, d'une humanité humaine, trop humaine mais ô combien sublime et salvatrice.
Mandela est intervenu en 1995 auprès du président tunisien au temps de la dictature pour réclamer la libération de Moncef Marzouki jeté en prison pour son combat en faveur des droits humains méprisés, en faveur de la liberté et de la dignité, celles-là même pour lesquelles se trouvent aujourd'hui en prison tant de jeunes, liste dont le premier nom est Jabeur Mejri et dont le dernier s'appelle Weld El 15. L'ancienne victime dort sous les mêmes ors qui éblouissaient son perpétrateur. M. Marzouki est-il à ce point amnésique ? Acceptera-t-il d'être assimilé au perpétrateur, lui, l'ancienne victime ? Que ne fait-il pour rétablir la liberté et la dignité bafouées à travers la personne de Weld El 15, à travers celle de Jabeur Mejri, dont le corps est corrodé par la gale si prospère dans nos geôles?
Abdelwahab Meddeb
Tags : Abdelwahab Meddeb Weld El 15 Chokri Belaïd Mohammed Brahmi Nelson Mandela


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