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Réformer Harakatou al-Nahdha,peut-on parier sur cette hypothèse ?
Publié dans Leaders le 02 - 03 - 2015

Lors de son dernier congrès, tenu en juillet 2012, al-Nahdha n'a pas jugé bon de se consacrer uniquement à l'action politique et de renoncer à la prédication. Tout se passe comme si les nahdhaoui tout autant que les salafistes jihadistes se considèrent dans un pays non-musulman, à islamiser... Selon les officiels du mouvement, le report de l'aggiornamento est dû à l'absence de consensus autour de cette question épineuse.
Selon les officiels du mouvement, le report de l'aggiornamento est dû à l'absence de consensus autour de cette question épineuse.
Depuis, et à de multiples reprises, Rached al-Ghannouchi et Hammadi Jébali ont laissé entendre que la création d'un nouveau parti politique est envisagée. En creux, ces annonces suggèreraient l'hypothèse que Harakatou al-Nahdha poursuivra la prédication tandis-que le parti, dont la création est envisagée, se consacrera à l'action politique. Après avoir abdiqué de son poste de Secrétariat général du mouvement en mars 2014, Hammadi Jébali donne sa « démission irrévocable » de Harakatou al-Nahdha, en décembre de la même année. Quel crédit accorder à cette dernière annonce ? Va-t-il venir grossir le rang des technocrates recyclables dans l'espace politique, sous l'étiquette « d'indépendant » ? En fin, est-il concevable que les Frères musulmans, fussent-ils Tunisiens, envisagent de séparer le politique du religieux ?
Un retour sur les écrits de la mouvance frériste et aux travaux qui leur ont été consacrés nous laisse pour le moins dubitatifs.
Une organisation initiatique
Harakatou al-Nahdha est une organisation initiatique et comme telle, c'est par le truchement de la cooptation que s'entrouvre la porte de son « temple » sacré et secret aux nouveaux venus.
Il faudra quatre ans, au minimum, à celui qui est coopté, pour devenir membre de plein droit, c'est-à-dire accéder au grade de joundi (soldat). Il est à souligner par ailleurs que, tous les cooptés n'accèdent pas d'office à ce grade ; il est même possible qu'ils n'y accèdent jamais.
Ce n'est qu'à partir du moment où vous êtes admis joundi que vous prendrez part aux votes et que vous deviendrez éligible à l'endossement des responsabilités organiques. Lors des quatre ou cinq années d'instruction, vous êtes observé, épié dans vos faits et gestes, vous faites l'objet de rapports réguliers sur votre assiduité, votre discipline et promptitude à l'exécution des tâches qui vous sont assignées, votre disposition à l'obéissance, votre abnégation et votre confiance sans faille en votre chef. Le cursus initiatique inclut des veillées et des retraites religieuses mais aussi des excursions et des exercices physiques et sportifs au cours desquels se renforcent les liens et les solidarités affectives et matérielles qui cimentent le groupe. De votre succès aux « épreuves » auxquelles vous êtes soumis et de la satisfaction de votre instructeur dépendra votre admission au grade de joundi.
La bay‘a ou le serment
Cette admission se fait dans le cadre d'une cérémonie lors de laquelle le postulant prête le serment d'allégeance. Nous en reprenons ci-après l'énoncé tel qu'il figure dans Lawayah wa Kawanin al-Ikhwan al-Moslimine mina al-Taasis Hatta al-Intichar. Paru en 2012 au Caire, aux éditions I‘kra, ces textes ont été réunis par M. Abdou Mustafa Dsou‘ki.
« A Dieu Tout puissant je promets :
* de m'attacher aux commandements de l'Islam, de pratiquer le jihad à son profit,
* de respecter les conditions d'adhésion à Jama‘atou al-ikhwan al moslimine, de m'acquitter des tâches dictées par cette adhésion, de faire preuve de disponibilité et d'obéissance à la direction, autant que je peux et quel que soit mon état physique, pourvu que les tâches qui me sont assignées ne constituent pas une désobéissance aux commandements de l'Islam ;
Tel est mon serment d'allégeance, Allah est garant (wakil) de mon engagement. ».
Comme on peut le constater, le joundi prend Dieu à témoin et invoque Sa Garantie. Le serment va revêtir un caractère indélébile et sacré. Une équivalence se trouve établie entre la soumission aux commandements de l'Islam, le respect des conditions d'adhésion à Jama‘atou al-ikhwan al moslimine et à l'obéissance à la direction de la confrérie.
La bay‘a qui consacre l'adhésion à la Jama‘a ainsi que les objectifs de cette dernière obéissent aux directives de Hassan al-Banna, énoncés dans une épître datée de juillet 1938 et portant le titre de ta‘âalim. Du point de vue frériste ces ta‘âalim constituent un socle fondamental de l'Islam. Par conséquent, quitter la Jama‘a équivaut pour un nahdhaoui, (joundi) à un acte d'apostasie.
C'est la raison pour laquelle les Frères ne quittent pas la Jama‘a, c'est elle qui les exclue en cas de faute grave, comme la désobéissance caractérisée, par exemple.
Partant de là, on peut s'interroger sur l'authenticité et le sens de la « démission » de M. Hammadi Jébali de Harakatou al-Nahdha. Et son intention de créer un nouveau parti politique, ne vise-t-elle pas à mettre en place un leurre destiné à récupérer les 600 000 électeurs que Harakatou al-Nahdha a perdu entre octobre 2011 et octobre 2014 ?
Harakatou al-Nahdha, une Jama‘a différente ?
Le discours politique de Harakatou al-Nahdha dénote une grande capacité d'adaptation aux situations nouvelles. Ce sens aigu du politique est interprété par un grand nombre d'analystes et d'acteurs du politique comme l'entrée de la Haraka dans un processus de sécularisation ou de « réforme ». Il faut noter cependant qu'il existe un malentendu entre les Frères musulmans et les sociétés sur lesquelles ils tentent de se greffer. Ce malentendu ne sera levé que si nous arrivons, eux et le reste de la société, à donner le même sens aux mots que nous avons en partage ou si l'élite politique et intellectuelle joue pleinement son rôle d'éclaireur dans le domaine du savoir et de la connaissance. Les dialogues de sourds peuvent se poursuivre indéfiniment, entre eux et le reste de la société, car leur langage est définitivement inintelligible aux non-initiés
Pourtant, la « pierre de rosette » qui permet de percer les secrets et mystères du « sabir » utilisé par la jama‘a est disponible dans les bibliothèques des universités du monde, dans les librairies… Elle attend tout simplement les curieux pour leur livrer les clés du « temple ». Une très riche bibliographie est disponible pour ceux qui souhaitent connaitre et comprendre les Frères musulmans, leur pensée, leur mode d'organisation et de fonctionnement. Outre les travaux d'universitaires du Nord et du Sud, nous disposons de ce qu'ils ont eux-mêmes publié mais aussi des témoignages écrits de quelques exclus de leurs propres rangs…
Je me contenterai dans ce court article à me référer à trois livres parus, à Tunis en 2014.
* Dans « Harakatou al-Nahdha Bayna al-Ikhwan wa al-Taounasa » (Harakatou al-Nahdha entre Frères musulmans et Tunisianité), l'auteur et universitaire, Amal Moussa, conclue son analyse des discours et des bases doctrinales de Harakatou al-Nahdha ainsi que des étapes historiques par lesquelles est passée cette organisation, par une note plutôt sceptique sur la supposée réforme de la pensée de cette organisation. Si évolution il y a, elle se situe essentiellement sur le plan formel.
* Dans « D‘aawatou Rached al-Ghannouchi ila Aslamatou al-Moslimine » (L'Appel de Rached al-Ghannouchi à l'Islamisation des Musulmans). Ce livre prend la forme d'une interview virtuelle et donne au texte un caractère vivant et captivant. Aux questions posées par l'auteur et universitaire Afif al-Bonni, les réponses de M. Rached al-Ghannouchi sont puisées dans l'ouvrage du cheikh, publié à Tunis en 2011 et intitulé : Al Horriyat al-‘Aamma fi al-Dawla al-Islamiyya (Les Libertés Publiques dans l'Etat Islamique) De ce texte, il ressort que la pensée de M. Rached al-Ghannouchi mêle allègrement le politique au religieux et instrumentalise le sacré en vue de justifier la restriction des libertés publiques et privées…
* Dans « Al-Khasayes al-Tan‘dhimiyya Wal Haykaliyya lil Haraka al-Islamiyya fi Tounes » (Les Spécificités Organisationnelles et Structurelles du Courant Islamiste en Tunisie), l'auteur et docteur en médecine, M. Jalal Eddine Rouis nous convie à une mini visite guidée à l'intérieur d'une organisation où, membre de Majles al-Choura, il occupe la prestigieuse fonction de président de la Commission idéologie, éducation et société. L'éditeur nous apprend en page 4 que cet ouvrage a bénéficié du soutien du Ministère de la culture. C'est qu'il a probablement été jugé d'utilité publique.
On y découvre les bases doctrinales de Harakatou al-Nahdha et la nature des enseignements prodigués à ses disciples. Ces enseignements reprennent les idées des Hassan al-Banna et de Sayyed Qotb. On y découvre, ici et là, des éléments doctrinaux du takfir et de la « légitimation » du terrorisme. Plus précisément, en page 93, l'auteur recommande aux adeptes de sa confrérie la pratique « des sports utiles » et le maniement des armes de combat, y compris les armes lourdes : avions et chars… Pourquoi ?
Le retour au pouvoir suppose des garanties
Lors des deux tours de l'élection présidentielle, la machine électorale nahdhaoui a fonctionné à plein régime en faveur du candidat Moncef Marzouki alors même que M. Ghannouchi et Majles al-Choura nous jouaient la berceuse intitulée « La neutralité de Harakatou al-Nahdha ». Une fois de plus, nous avons pu constater que le discours public de la Jama‘a diffère complètement de ce qui se décide dans son arrière-boutique.
Tout au long de ces dernières semaines, les hauts responsables de Harakatou al-Nahdha ont revendiqué la participation au prochain gouvernement au prétexte que le pays qui passe par d'immenses difficultés économiques, sociales, sécuritaires a besoin du concours de toutes ses composantes nationales et du soutien international pour redresser la barre et aller de l'avant. L'argument et l'intention sont indiscutables.
Très graves et très sérieuses sont les menaces terroristes, intérieures et régionales, qui visent notre pays. Cela exige des acteurs politiques nationaux, le renoncement aux discours et aux pratiques répréhensibles qui favorisent ce phénomène. Ceux qui éduquent leurs partisans sur la base des idées et des pratiques décrites dans « Al-Khasayes al-Tan‘dhimiyya Wal Haykaliyya lil Haraka al-Islamiyya fi Tounes » sont-ils habiliter à lutter efficacement contre le terrorisme ?
Harakatou al-Nahdha devrait rassurer les citoyens en procédant à des révisions doctrinales qui arrêteraient de faire douter de la foi des Tunisiens et qui banniraient le recours à la violence. Ces révisions sont indispensables à la réconciliation nationale et à la consolidation du processus démocratique dans notre pays.
Lors du siècle écoulé, les partis communistes ont entamé une réflexion politique qui les a conduits à renoncer à la violence armée comme moyen d'accession au pouvoir, puis au concept de dictature du prolétariat et enfin au « centralisme démocratique » comme mode de fonctionnement restreignant la vie démocratique du parti. Peut-on espérer que Harakatou al-Nahdha suive une démarche l'amenant à dissocier le politique du religieux, à rompre avec l'organisation des Frères musulmans les dogmes qui les structurent ? Peut-on espérer que Harakatou al-Nahdha admette la neutralité des appareils de l'Etat et renonce à la prise de leur contrôle ? Ces questions méritent d'être posées. Mais, quand même existerait cette volonté (existe-t-elle ?), le processus qui y mène ne peut s'inscrire que dans la durée.


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