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Sami Zaoui: L'insécurité, le désœuvrement des jeunes et la tension dans le Sud et l'Ouest tunisiens (Vidéo)
Publié dans Leaders le 09 - 09 - 2015

Quels sont les trois dossiers qui risquent de miner la rentrée ? Quels enjeux représentent-ils ? Et quelles solutions appropriées proposer ? Dans sa dernière livraison (N°52) de septembre 2015, le magazine Leaders a sollicité les analyses de figures tunisiennes marquantes. Leurs avis variés offrent aux décisionnaires des éléments dont les décisionnaires peuvent faire leur profit. Ci-après l'analyse de Sami Zaoui.


Sur le plan de la sécurité, l'année 2015 est l'année la plus sanglante qu'ait connue la Tunisie au cours des trente dernières années. Or, l'insécurité physique agit sur les personnes comme un frein au développement personnel et à l'épanouissement, limitant ainsi la prise d'initiative et la confiance en l'avenir. Concernant les entreprises, elle agit comme une barrière à l'investissement, du fait de l'incertitude forte sur la pérennité de cet investissement. En un mot, l'insécurité est un facteur important de blocage de la société. J'ai préféré évoquer le désœuvrement des jeunes, plutôt que la situation de chômage qu'ils subissent, notamment ceux qui sont diplômés. Imaginez l'impact psychologique négatif que peuvent avoir sur tout individu, a fortiori s'il est jeune, les heures, les journées, les mois qui passent sans que sa situation professionnelle ne connaisse la moindre évolution. Cette situation peut-elle perdurer ? Je ne le crois pas et il serait dangereux d'accepter cette situation comme une fatalité.
La tension est vive dans de nombreuses régions de la Tunisie, qui correspondent, sans surprise, aux régions intérieures. Tensions sécuritaires ou sociales certes, mais également tension généralisée, du fait d'un sentiment largement répandu auprès des habitants de ces régions qu'ils sont des citoyennes et des citoyens de second rang. Là aussi, des réponses fortes doivent être apportées à cette situation. Je souhaiterais appréhender les enjeux sous un angle qualitatif.

La Tunisie fait face aujourd'hui à trois défis majeurs, et il va falloir relever ces défis très rapidement car ils sont potentiellement fortement déstabilisateurs pour la Tunisie. Le premier enjeu est la restauration de l'Etat dans ses prérogatives et la réhabilitation de son image auprès des Tunisiens. Sans Etat, c'est l'anarchie assurée ! Il y a beaucoup de signes qui montrent qu'aujourd'hui, l'Etat n'est plus suffisamment respecté en Tunisie. Le développement phénoménal de la contrebande, du marché parallèle, de la fraude fiscale, sont des signes que l'Etat n'est plus perçu, par de nombreuses personnes, comme l'entité qui régit les relations entre les citoyens, régule, arbitre, sanctionne. La contestation (parfois violente) de la moindre réforme envisagée par nos gouvernants est un autre signe inquiétant : pourtant, nous avons choisi nos députés et nos dirigeants de façon libre et à travers un processus démocratique. Laissons-les donc légiférer et gouverner ! Or, de trop nombreuses initiatives sont contestées par des groupes de personnes et des organisations qui affichent leur refus de telles réformes, souvent avec de l'insolence et de la désinvolture. Le second enjeu porte sur l'unité du pays.

Aujourd'hui, trop de Tunisiennes et de Tunisiens ont le sentiment de ne pas être entendus, voire, disons-le, d'être abandonnés. Ce sentiment d'abandon est réel et nous voyons se développer des lignes de démarcation entre différents groupes de citoyens: Nord/Sud ; régions de l'intérieur/côte ; jeunes/moins jeunes ; travailleurs/chômeurs ; riches/pauvres. Il est difficile de préserver l'unité du pays si une trop grande partie de la population estime appartenir à une catégorie négligée ou défavorisée. La confiance en l'avenir est le troisième enjeu auquel fait face la Tunisie. Aujourd'hui, pour de très nombreux Tunisiens qui souffrent, le principal moteur de la vie est de croire que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. Il est capital que cette confiance en l'avenir soit maintenue, voire renforcée.
Il est bien entendu encore plus capital qu'elle trouve sa traduction dans les faits, et que la situation personnelle, familiale, professionnelle des Tunisiens ne se dégrade plus et prenne le chemin de l'amélioration. L'énergie de tous, citoyens, société civile, partis politiques, parlement, gouvernement, structures de l'Etat … doit aujourd'hui être orientée de manière à répondre à ces enjeux.
Dix programmes-solutions
Quand un malade a une fièvre à 40 degrés, le médecin se doit de traiter en parallèle le symptôme (la fièvre) et l'origine du mal. Aujourd'hui, les solutions à mettre en œuvre en Tunisie doivent traiter la fièvre, à travers des réponses à court terme, et bien entendu le mal, à travers des solutions structurelles. La fièvre, ce sont le désœuvrement des jeunes, le sentiment d'exclusion de nos concitoyens des régions intérieures, le manque de respect des institutions de l'Etat… Quelles solutions dites-vous ? En voici quelques-unes, sous forme de dix programmes, qui peuvent être enclenchées au cours des tout prochains mois. Avec proposition de financement à la clé. Certains programmes pourraient vous paraître difficiles à mettre en œuvre, mais croyez-moi, les Tunisiens ont aujourd'hui besoin de rêver puis de voir leurs rêves se réaliser. Alors, sachons surmonter les difficultés de mise en œuvre et être à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Programme 1 : le recensement de l'ensemble des immeubles et terrains en zones urbaines. Ce programme se déroulerait sur 3 ans et consisterait à recenser, ville par ville, quartier par quartier, rue par rue, l'ensemble des terrains, maisons, appartements, bureaux, commerces … Les résultats de ce recensement seraient informatisés, et les résultats seraient alors exploités, notamment pour assurer une meilleure perception des taxes municipales.
Le financement pourrait être assuré exclusivement au niveau local : recouvrement effectif des taxes municipales, augmentation du montant des taxes municipales (savez-vous que certaines taxes n'ont pas été augmentées depuis plus de quinze ans ?), perception des droits d'occupation des trottoirs par les cafés et les commerçants …

Programme 2 : la réhabilitation des villes. Si le Tunisien vit aujourd'hui dans des quartiers à l'esthétique douteuse (je ne parle pas d'hygiène, c'est un autre sujet), c'est à contrecœur. Pourquoi ne pas lancer un programme de réhabilitation sur trois ans de l'ensemble des villes de Tunisie ? Réparation ou création de trottoirs, aménagement d'espaces verts, plantation d'arbres, harmonisation de la signalétique, clôture des terrains non bâtis, peinture des immeubles et clôtures … Ce programme pourrait occuper plusieurs milliers de personnes et pourrait être financé par les mêmes fonds que le programme précédent.
Programme 3 : de Tunis vers le «hors Tunis». Aujourd'hui, la capitale concentre la totalité des agences et offices de l'Etat ainsi que la totalité des sièges des entreprises publiques. Serait-il aberrant d'envisager que le siège de l'Office du tourisme soit à Hammamet ? Et celui de l'Office de l'huile à Mahdia ? Et celui de l'Office des céréales à Béja ? Et les sièges ou services centraux des entreprises publiques à proximité des lieux de production? Bien entendu, il s'agit d'un changement qui bouscule de nombreuses habitudes et dont la difficulté de mise en œuvre est parfois élevée. Mais un tel projet reste tout à fait en ligne avec la volonté affichée par tous d'un meilleur équilibrage régional. Le financement pourrait être assuré par la vente des terrains et bureaux situés dans la capitale.

Programme 4 : des «quick wins» pour l'administration électronique, autrement dit, des actions concrètes dont les résultats sont perçus très rapidement. Des sites web dynamiques pourraient être développés pour l'ensemble des ministères et agences publiques, à travers lesquels tout usager pourrait déposer électroniquement sa demande et suivre l'avancement du traitement de son dossier. Des accès directs pourraient également être accordés aux usagers pour éditer des documents administratifs. Un programme d'amélioration des applications de télédéclarations pourrait également être lancé. Ces quick wins permettraient d'employer des centaines de personnes (informaticiens et non informaticiens) et seraient auto- financés (à terme) car les services d'administration électronique seraient payants et coûteront bien moins cher que le temps et les dépenses d'un déplacement physique !

Programme 5 : 18 mois pour désengorger les tribunaux. Aujourd'hui, la Justice tunisienne souffre d'un véritable engorgement, qui se traduit par des retards à tous les niveaux. Pourquoi ne pas lancer une opération « coup de poing » de rattrapage de ces retards, pour le bien de tous : citoyens, magistrats, avocats et agents ? Je ne viens de citer que quelques exemples de programmes à forte employabilité. La numérisation du fonds documentaire de la Bibliothèque nationale, la numérisation de la carte foncière de la Tunisie, la numérisation de la Conservation foncière, la Conservation des eaux et des sols, autant de programmes qui seraient également éligibles. Leur mise en œuvre nécessiterait le recours à des sociétés privées, qui bénéficieraient d'une commande publique pour la réalisation de missions clairement définies.
Certains pourraient objecter que les ressources financières n'existent pas. Je répondrai que certains programmes seront autofinancés. Je répondrai également qu'un budget de 600 millions de dinars (soit 2% du budget de l'Etat) permettrait de verser un salaire de 500 dinars par mois à 100 000 personnes. Je dis bien salaire, c'est-à-dire la contrepartie d'un travail effectif !

Programme 6 : 1 stagiaire pour 10 employés. Pourquoi ne pas revenir à l'esprit de solidarité que nous avions connu en 2011 ? Les entreprises privées pourraient alors, à titre volontaire bien entendu, recruter des stagiaires, en sus des recrutements qu'elles prévoient déjà de réaliser dans le cadre normal de leur activité. Au cours des 18 mois qu'il passerait dans l'entreprise, le stagiaire bénéficierait d'une première expérience dans son domaine d'études (comptabilité, gestion des stocks, gestion de la production…), expérience qui sera son passeport pour poursuivre sa vie professionnelle.

Programme 7 : plus que des procédures administratives utiles et intelligentes. Un travail approfondi de simplification des procédures administratives devrait être finalisé, avec pour objectif de supprimer toute autorisation ou procédure ou encore contrainte administrative non justifiée. Croyez-moi, son impact sur le lancement de projets ou sur la vie des entreprises et des citoyens serait direct. Il semblerait que ce travail de simplification a déjà été entamé. Pourquoi donc s'est-il enlisé ?

Programme 8 : la réforme de l'administration centrale. La structure de l'administration centrale actuelle est le prolongement de l'administration qui a été mise en œuvre post-indépendance. C'est une réalité que nous devons reconnaître et qui doit nous interpeller. Le monde a-t-il à ce point peu changé pour justifier un tel immobilisme ? Certainement pas.
Un tel projet permettrait de procéder à des recrutements là où les besoins existent (notamment dans la santé) et à des diminutions d'effectifs (notamment en ayant recours à des redéploiements de personnels ou pré-retraites) dans les cas de sureffectifs.

Programme 9 : la mise en œuvre de la décentralisation prévue dans la Constitution de 2014. Rien que montrer que le processus de mise en œuvre est lancé, notamment en déclinant les grands axes de la réforme, serait interprété favorablement par les régions qui souffrent de l'excès de centralisation du système actuel.

Programme 10 : la refonte des relations de travail. Trop d'anomalies continuent à régir les relations de travail en Tunisie. J'en citerai deux pour illustrer mon propos. Dans de nombreux secteurs ou entreprises, les droits des salariés ne sont pas respectés, notamment au niveau de la couverture sociale.
Par ailleurs, le contrat à durée indéterminée dans sa conception actuelle est dépassé. N'est-il pas temps de réfléchir sérieusement à un meilleur équilibre entre droits du salarié et flexibilité du travail ? Les partenaires sociaux ont aujourd'hui une belle carte à jouer pour redonner un message d'espoir. Je ne souhaiterais terminer sans évoquer un sujet qui mérite la plus grande attention. Le 26 janvier 2014, jour du vote de la Constitution de la deuxième République, a été un moment fort pour des millions de Tunisiennes et de Tunisiens.
Probablement parce que nous étions nombreux à croire que la Tunisie tournait la page de la dictature et du mépris et que s'ouvrait celle du respect des citoyens et du droit. Cette Loi fondamentale qu'est la Constitution est un socle sur lequel va se construire la Tunisie des prochaines décennies. Que tous, représentants du peuple, gouvernants, société civile, citoyennes et citoyens, s'engagent à respecter l'esprit et le texte de la Constitution. C'est une des conditions de la réussite de la Révolution.
Sami Zaoui
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