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La banalité du mal ou le devenir monstre!
Publié dans Leaders le 14 - 12 - 2015

Ma grand mère répondant à mon frère à propos de l'existence d'ogres monstrueux qui mange les enfants disait: "Dans le monde le seul monstre que je connaisse c'est l'homme! Il mange les plantes, les poissons qu'i cherche dans les fonds marins, les oiseaux dans les cieux, les animaux dociles ou sauvages qu'il chasse dans les savanes et les montagnes....il est le plus féroce des êtres "
C'est dans l'ordre des choses dira le sens commun. Toutefois notre bon sens est perturbé quand on s'attaque à autrui et quand l'ampleur et l'atrocité du crime dépassent notre entendement! Y a-t-il une frontière entre comportement normal, anormal, irrationnel, rationnel et pourquoi l'irrationnel ne peut-il pas faire partie du quotidien?
L'homme ne peut supporter le "non sens" d'un comportement, il cherche à trouver des explications de n'importe quelle manière! Le démon, le diable, les monstres meublent les contes, l'esprit et la mentalité de nos enfants et même de nos adultes!
Ce qui se passe ces dernières années nous interpelle à plus d'un titre! Des jeunes voire des adolescents qui se font exploser pour tuer le maximum de personnes? c'est comme si on s'aperçoit de plus en plus d'une banalisation de la cruauté! Il est alors légitime de se demander où va le monde? Où sont nos références! nos valeurs! notre humanité! Sommes nous devenus fous? Qu'est ce qui nous protège de la folie?
De la banalité du mal
Hannah Arendt dans les origines du totalitarisme a produit cette notion si polémique de la banalité du mal. Le 17 aout 1946, Hannah Arendt traitant des crimes nazis, écrit à son maître de psychiatre, «ces crimes me semblent horribles qu' ils ne peuvent plus être abordés juridiquement en raison de leur monstruosité, il n'y a plus des options adapté à ces crimes au de là du crime et de l'innocence, on ne peut effectivement plus reconnaitre aucun juge terrestre» et ce maître lui répond deux mois plus tard «votre conception m'inquiète du fait que la faute qui dépasse toute faute criminelle acquiert inévitablement une certaine grandeur «une grandeur satanique . A mon avis il faut voir les choses dans toute leur banalité et dans leur prosaïque nullité..» et Hanah Arendt dira dans "les origines du totalitarisme " «c'est dans la vide de la pensée que s'inscrit le mal».
Le psychiatres décrivent des configurations ,des processus et se gardent évidement de porter des jugements de valeur (mal ou bien) .Mais pour que le mal soit banal, il faut bien que le psychisme le permette, et ce sont ces mécanismes psychiques "facilitateurs" qu'il convient de comprendre et d'expliciter pour effleurer ce qui se présente comme scandaleux. Comment des hommes ordinaires peuvent-ils commettre des telles erreurs en pensant aux tueurs de masses, aux terroristes. Autrement dit, pour nous, psychiatres, quelles sont les conditions psychiques et les processus transformatifs qui peuvent conduire l'homme "normal" à commettre le plus banalement des actes monstrueux?
La pratique de la psychiatrie légale nous amène, évidement, à de telles questions et de la nécessité de les esquiver! Avec la tentation de réduire l'acte à un trait de personnalité! C'était d'ailleurs l'une des critiques pertinentes de Michel Foucaud qui souligne que «Ce n'est pas la folie de l'acte qui fait que son auteur soit fou». Le violeur serait pervers! Le violent serait impulsif... Il faut faire très attention quand on fait de la psychiatrie légale on peut très vite être amené à catégoriser les actes en fonction des traits de personnalité.
Dans l'imaginaire populaire, le psychiatre c'est celui pour qui tout monde est fou! Un homme qui avait violé 8 fois, avait été considéré comme normal par le psychiatre expert aux assises. Et l'avocat, pour faire de l'effet, rétorqua "Monsieur l'expert à partir de combien de viols estimez-vous que l'homme est tout à fait normal ? " Par exemple, pour pouvoir découper un cadavre après un crime, il faudrait être un grand pervers ou un grand psychotique penseriez-vous!
Ces personnes sont des monstres! Or Hanna Arendt écrivait « sauf exception, ce n'était pas un, monstre il avait notre visage! » Pour nous, psychiatres , nous insistons, à chaque fois, sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un monstre!
Zagury rapporte "Au fur et à mesure de l'entretien, je me décompose, pas seulement à cause des faits eux-mêmes, je savais déjà de quoi certains humains sont capables, mais je constate que l'effet de terreur qu'il a sur moi lui procure une jubilation, voire une jouissance abjecte, qui me glace d'effroi. Au sortir de cette confrontation, j'ai quitté la prison avec la sensation physique d'avoir parlé avec le diable en personne."
Daniel Zagury parle de cette rencontre comme "d'une bascule", lui qui est souvent confronté aux "génies du mal". Cet éminent expert psychiatre a croisé le parcours d'une douzaine de criminels en série, parmi lesquels Guy Georges, Patrice Alègre et Michel Fourniret. La justice fait appel à lui pour comprendre ce qui pousse certains hommes à commettre de tels actes, mieux percevoir leur fonctionnement mental et in fine savoir si au moment des faits leur discernement était aboli ou altéré.
"Une bonne expertise n'est pas un bon polar. Elle implique une rigueur dans la démarche et l'abandon d'un certain nombre de préjugés", avance celui que ses enfants ont surnommé "le psychiatre de l'horreur". "Le diable se cache dans les détails d'une biographie, d'un fonctionnement mental, d'un mode opératoire", aime-t-il dire.
Il parlera de ces circonstances "penser l'impensable". et de cette histoire du type qu'on emmène le lundi à l'échafaud et qui dit à son bourreau: la semaine commence mal..." Relever le défi d'être capable, dans les pires moments, de surmonter sa terreur et de continuer à réfléchir le passionne.
La clé de sa méthode réside peut-être dans ces lignes: "Devant les faits divers atroces, nous sommes tous habités par la même question: pourquoi avoir fait cela? Quelle est la cause coupable qui donnerait un sens à ces actes déments? Mais la question du pourquoi relève de la métaphysique. La question la plus importante, c'est la question du comment. Si l'on y répond complètement, on amorce la réponse au pourquoi." et c'est en véritable homme de science qu'il cherchera, sans s'acharner, à savoir pourquoi!
Regarder le mal en face
L'analyse est une opportunité pour mettre des mots sur les faits. Patrice Alègre donnera l'impression de vouloir "comprendre des conduites qui lui échappent" et d'"obtenir la clé de son propre mystère". C'est vrai aussi de Guy Georges. "Avec eux, nous sommes dans des comportements psychosomatiques où une partie du sujet s'exprime dans les passages à l'acte, loin de la perversité inouïe de Michel Fourniret", explique le psychiatre, qui ne croit pas à une théorie générale du crime, mais à des lignes de force similaires.
"Ce qui les caractérise, c'est le manque. Chez les plus grands tueurs en série, on retrouve toujours un passé lourdement chargé, des sévices, des viols, des abandons... Ils se sont précocement organisés sur un modèle psychosomatique pour éviter des désordres plus grands encore." Lesquels? "La folie, par exemple. Fourniret n'est pas devenu fou, mais pervers. Il aurait pu devenir délirant, ça aurait été mieux pour la société, mais il a pris le virage de se construire une carapace."
Reste chez ces grandes figures criminelles un rapport perturbé à la mère. "Pour tous les tueurs en série que j'ai examinés, je me suis demandé s'il ne s'agissait pas d'un matricide déplacé", écrit le psychiatre. "Le viol et le crime en série ne sont pas une manifestation de haine maternelle, mais la démonstration de la tension qui peut s'installer entre la haine inconsciente et l'idéalisation consciente. Tout cela se déplace sur d'autres femmes, qui vont payer. La mère, elle, reste sublimée. Un idéal nécessaire à la survie du sujet."
Daniel Zagury n'a pas l'intention d'arrêter d'examiner les tanières de ces "ratés de l'existence". "Je ne crois pas qu'on puisse être psychiatre si on n'aime pas entrer en relation avec l'autre, y compris un assassin, un pervers ou le plus grand des fous", insiste-t-il. "L'enjeu, c'est de regarder le mal en face et de se dégager de toute fascination, pour mieux le penser et donc mieux le combattre."
Enfin quels sont ces nouveaux visages de la criminalité ces terroristes ces sur-musulmans comme les appelle Ben Slama qui considèrent les autres infidèles comme des ratés. Eux s'en sortent en devenant des héros dans un idéal groupal pour sauver le monde. Ce monde qui s'est laissé humilier!
Le psychiatre a t il une place dans ces mécanismes?
Nous, psychiatres, nous ne démontons pas de boulons, nous ne réparons pas des circuits électriques et le travail clinique est d'abord une démonstration. Nous nous devons de comprendre et de faire comprendre quelles sont les processus responsables de cette deshumanisation, les expliquer sans pour autant les excuser ou les déshumaniser.
On retrouve cette indifférence que Freud appelle forme spéciale de la haine la dé-chosification.
Ce devenir monstre c'est le clivage, ces hommes adaptes qui commettent des actes horribles, actes contemporains d'orgies narcissiques, d'ivresses relationnelles.
« Un homme au-dessus des conditions humaines un sur musulman » Fathi ben Slama ajoute «un ex rebus qui tombe dans un idéal groupal; ils n auront aucune culpabilité des actes abominables a commettre ou commis mais une honte d'être appréhendés»
C'est par là que commence la culture de la haine qui fait que des génocidaires "hommes ordinaire" agissent au nom d'un idéal dans une visée d'épurations. La haine est préparatoire des génocides mais elle nécessite une méthode. Les victimes sont chosifiées. Il y a un clivage qui se met en place; ils sont clivés et le mal partagé devient un bien collectif avec l'absence de critique, de discernement, une absence de penser.
Il y a ceux qui pensent et qui organisent et ceux qui agissent sans penser.
Il faudrait qu'ils éprouvent des sentiments pour qu'ils remettent en question leur croyance; on ne retrouve pas dans leur discours de sentiment de culpabilité. En effet pour se sentir coupable il faudrait qu'ils revivent en pensée ce qu'ils ont fait. Ces exécuteurs semblent s'inscrire dans une banalité du quotidien; une banalité de familiarité, une banalité de la répétition, une glorification du sacrifice (en forgeant on devient forgeron en tuant on devient un tueur)
Avons-nous, nous psychiatre, quelque chose à dire ? Oui, nous avons quelque chose à dire sur ce processus. Il y a dans ces terroristes quelques schizophrènes quelques psychopathes quelques pervers et quelques individus limites.
A chaque fois le journaliste dira «c'était un homme ordinaire, il faisait traverser les vieilles dames»...«Il est juste devenu un peu plus respectueux»
En fait, il n y a pas de profil type. Il y a une suite de conditions psychiques, chacune est nécessaire mais non suffisante. C'est une longue chaîne et non la rencontre d'une prédisposition et d'une occasion.
Voyou, plus fragile, dont la vie d'avant est une impasse, un défaut de sens, un défaut d'identité se transformera en Chée Guevara!
On rompt la racine, on rompt avec l'avant, on rencontre un sens, un idéal collectif, un même mot, une même formule, une même absence de pensée. C'est le liquet terroriste. Il construit un eurêka sous le coach d'un guide qui le soutiendra à devenir le pire cocktail de haine. Il s'opère un Clivage à partir de l'art de la dissimulation.
Comment un homme qui va mourir mange avec ces otages de la dinde! Ils sont, en fait, transformés en monstres, leur cruauté est la preuve de leur déshumanisation. Leur suicide est un sacrifice à une cause supérieure voire suprême! Ils ont hâte de ne plus être vivants. Pour avoir peur de mourir, il faut se sentir vivant mais, eux, ils ont hâte de détruire cette ancienne vie! Quand on lit leur écrit «j'avais une «vie de merde»». Ils changent même de Nom. Il s'agit d'un deuil de soi!. Ce suicide sera l'apothéose. Leur mort transforme leur vie en apothéose. En tuant le maximum de monde, l'horreur qu'ils provoquent les raffermit.
Dans la majorité des cas, ce ne sont pas des malades mentaux mais des personnes ordinaires rejetés de la société chez qui on a cultivé la haine vindicative. Ces gens, on peut leur trouver, des failles mais ce n'est pas toute la réalité! Ce ne sont pas des pervers, ni des psychopathes. On a parlé d'alexythymie; cette absence de penser. C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal. Le refus de l'explication systématique de l'acte par la maladie n'est pas notre but. Pour que le mal soit banal il faut que le psychisme le permette. Et là je voudrais revenir sur la défaillance paternelle. Dans notre société actuelle, le père est souvent démissionnaire quelque soit la classe sociale.
En Effet dans les classes sociales défavorisées c'est le plus souvent la femme qui trime et le père est dans les cafés! Même dans les classes nantis il est présent dans les grandes décisions mais absent dans le quotidien.
Ces jeunes garçons ont l'impression de subir une humiliation quotidienne! Ils ne veulent pas de cette vie! Leur vulnérabilité est alors happée par cet idéal groupal qui leur promet monts et merveilles dans l'au delà. Une déshumanisation avec la perte de la fonction du réel s'opère.
Ce qui compte ce n'est pas la structure, mais c'est l'enchainement de processus psychiques. Sous la pression de situations diverses, sans que l'individu dé-subjectivé puisse en débattre avec lui même, il s'active dans l'agitation; et d'étape en étape, un homme ordinaire va commettre un acte monstrueux.
Il ne s agit pas tant de l'irruption d'inhumain dans l'humain mais de mécanisme banal, pris isolément, mais dont l'enchainement processuelle aboutit à un acte qualifié à tord d'inhumain.
Pour nous, psychiatres, humaniser les "coupables" ou les diaboliser n'est pas l'essentiel de notre travail qui consiste à fournir un éclairage afin de contribuer à donner les moyens aux juges terrestres de les juger comme des hommes parmi les hommes


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