Relations tuniso-américaines : priorité à la sécurité, à l'économie et à la recherche    La Tunisie condamne fermement l'agression continue de l'occupation israélienne et appelle à la justice internationale    Le ministère de l'Education modifie le calendrier des examens du 3e trimestre : les détails    Tunisie-UE : La Cheffe du gouvernement et le vice-président de la BEI réaffirment leur engagement à renforcer le partenariat    Un tiktokeur connu arrêté pour menaces terroristes de faire exploser une usine à Ben Arous    Handball – Finale du championnat : l'Espérance de Tunis sacrée championne pour la 37e fois!    Lancement prochain d'un portail qui regroupe les services administratifs    Tunisie : Assassinat d'une avocate à La Manouba : Trois mandats de dépôt à l'encontre de trois suspects dont son ex mari et son fils    Tunisie : Démantèlement d'un réseau de trafic de cocaïne    FAO : Les pays de l'Afrique du Nord appelés à renforcer la surveillance des criquets pèlerins    Donald Trump réactive sa croisade contre les médias : « ennemis du peuple »    Libération conditionnelle de 714 détenus    Au printemps 2025 : le Japon honore des Tunisiens en reconnaissance de nos compétences    Foot – Coupe de Tunisie : L'ES Sahel dernier qualifié pour les quarts de finale    Mars 2025 : Un des mois les plus chauds depuis 1950    « Un monument…et des enfants »: Les jeunes à la découverte du patrimoine tunisien les 3 et 4 mai    Bâtisseurs : un hommage filmé aux pionniers de l'Etat tunisien    Le film Promis Le Ciel d'Erige Sehiri : film d'ouverture d'Un Certain Regard au Festival de Cannes 2025    Le prix Béchir Khraief du roman attribué à Maher Abderrahmane    L'économie américaine a reculé de 0,3% au premier trimestre    Une première depuis trois ans : les barrages tunisiens franchissent la barre des 900 millions de mètres cubes (Vidéo)    Match FC Barcelona vs Inter Milan : où regarder la demi-finale aller de la Ligue des Champions, le 30 avril 2025 ?    African Lion 2025 : la Tunisie, « fournisseur régional de sécurité » pour l'Amérique et ses alliés    Demain 1er mai, l'accès aux musées, aux sites et aux monuments sera gratuit    Civilisation carthaginoise : Une récente étude dément la domination de l'ascendance phénicienne    Lutte – Championnats d'Afrique (1re journée) : 9 médailles pour la Tunisie    UIB : un modèle d'engagement sociétal intégré et structurant    Nouvelle baisse des cours du pétrole    France : le Sénat rejette une minute de silence pour la victime de l'attaque au couteau dans une mosquée    Festival du Film Francophone à Tunis, Sfax et Sousse : une édition 2025 accès sur la diversité et l'engagement    Météo en Tunisie : temps nagueux , température en légère hausse    Trois ans de prison pour un juge suspendu depuis 2023    Hatem Kotrane - Fête du travail : «Le mai le joli mai...»    AGO de l'UBCI: révélation du plan stratégique à horizon 2029 ''Emergence 2029'' et distribution d'un dividende de 1,250 dinar brut par action    Quand la chasse devient virale    Dernières évolutions de l'affaire du "recrutement pour les foyers de tension"    Décès de metteur en scène Anouar Chaafi    Agression d'un surveillant général à Sousse : l'UGTT dénonce et appelle à la protection du personnel éducatif    Wadie Jary : la décision de renvoi devant la chambre criminelle annulée en cassation    Guerre en Ukraine : environ 600 soldats nord-coréens tués aux côtés des forces russes, selon Séoul    France – une jeune femme agressée et son voile arraché : la classe politique dénonce un acte islamophobe    Suède : Trois morts dans une fusillade, un suspect en fuite    Pékin prépare une "liste blanche" de produits américains à exempter    Les déboires de la BH Bank vont-ils continuer en 2025 ?    Arsenal accueille le Paris Saint-Germain... Heure et chaînes de diffusion    beIN MEDIA GROUP prolonge l'accord de droits de diffusion en MENA et en Asie pour diffuser les compétitions de clubs de l'UEFA jusqu'en 2027    Walid Manaa redonne vie à Mercury Marine Tunisie avec une vision 100% tunisienne    E-Football 2025 : Safwen Hajri champion de Tunisie et ira au Mondial saoudien (vidéo)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Par-delà le bien et le mal
Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 09 - 2013

On lui reproche son arrogance, sa froideur et son ignorance des choses. Elle explique qu'«essayer de comprendre n'est pas pardonner».
Sorti en France en avril 2013 et classé dans la catégorie des films indépendants, Hannah Arendt, réalisé par l'Allemande Margarethe Von Trotta, avec dans les principaux rôles Barbara Sukowa, Axel Milberg, Janet McTeer, nous livre un témoignage intéressant, un fragment poignant de la vie et de la philosophie de Hannah Arendt, philosophe juive d'origine allemande, et professeur de théorie politique.
Ses œuvres phare sur Les origines du totalitarisme, La crise de la culture et la condition de l'homme moderne, sont enseignées et étudiées dans le monde entier. Son livre Eichmann à Jérusalem qui constitue une synthèse du procès de ce criminel de guerre nazi, et où elle a exposé sa thèse sur «la banalité du mal», a été publié suite au procès que le magazine américain The New Yorker lui a demandé de couvrir. Le film qui brosse la personnalité courageuse et déterminée de Hannah a révélé le cheminement de la pensée de la philosophe grâce auquel on a pu discerner le passage d'une idée à une théorie. La reconstitution de l'époque plonge le spectateur dans un cadre et un décor parlants. En effet, on voit l'époque des séminaires de la philosophe, ses relations avec ses étudiants, on saisit aussi l'époque du procès du bourreau nazi qui se déroulait en 1961 à Jérusalem et se donnait comme un spectacle imposant que le monde entier regardait et suivait avec intérêt.
Les oiseaux s'exilent pour se perpétuer
Dans le film, l'écartement et l'isolation sont mis en images et en scène avec trois déchiffrements différents et profonds. D'abord, la philosophe, qui a quitté l'Allemagne pour s'installer en France puis se réfugier en Amérique, a vécu l'exil, l'exclusion et l'écartement. En Amérique, qu'elle qualifiait de «paradis», on voit que l'exil de Hannah l'a beaucoup aidée à fonder une pensée essentielle pour l'analyse ; cet exil, loin d'être réprobateur, a surtout soutenu une distance et un recul bénéfiques par rapport aux faits et aux événements vécus par la juive, mais aussi et surtout à acquérir un esprit critique et une analyse objective forte qui l'excluent de toute victimisation. «La pensée naît d'événements de l'expérience vécue et elle doit leur demeurer liée comme aux seuls guides propres à l'orienter», notait-elle. Ainsi, dans la solitude de cette étudiante préférée de Heidegger, qui fut aussi son amant jusqu'à la mort du précurseur de la philosophie postmoderne, on accompagne Hannah dans l'accouchement de ses idées. L'écart est subséquemment perçu à travers l'exil de la femme dans son monde philosophique, un monde qui, loin de la dénaturaliser, la rend forte, courageuse et digne d'une pensée humainement riche. Cela étant, cet exil permet la «cuisson» alchimique de l'idée qui se développe en pensée ; quand la pensée et l'idée sont en mouvement, le corps est là, presque inerte, il est toujours allongé sur un canapé, ou assis sur une chaise, les yeux à peine fermés.
La réclusion et la claustration sont perçues également à travers cette remise en scène de la cage de vitre d'Eichmann; par le biais de la bande originale du procès, on a vécu réellement ce fragment historique. La monstruosité de ce personnage l'encellule dans une geôle très significative : il incarne le mal absolu.
Généalogie et apologie du mal
Adolph Eichmann faisait partie d'une escouade de la terreur hitlérienne. Ce criminel du 3e Reich incarne la terreur : il s'est chargé de la déportation des juifs d'Europe vers les camps de concentration, et de leur extermination systématique et bureaucratique. Accusé de crime de guerre et de crime contre l'humanité, ce bourreau, sans scrupules, entièrement dévoué aux SS, pense que la population juive doit périr et n'a pas le droit d'exister. Ce programme de destruction est à l'origine d'un nazisme terrifiant et absurde et qui continue actuellement d'exister sous d'autres formes.
La généalogie du mal est donc assujettie à des personnes instrumentalisées, incapables de réfléchir, de penser, d'imaginer et de sentir l'autre. D'où leur apologie du mal qui va jusqu'à éprouver du plaisir à détruire l'autre. Ainsi, «c'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal», soutenait Hannah Arendt. En effet, le fondement de sa pensée sur la théorie de la «banalité du mal» met en relief que cette machine infernale crée et légifère des fonctionnaires-instruments et parvient à détruire la volonté des êtres. Le mal devient alors «banal». Quand Hannah a vu Eichmann, elle n'a pas vu en lui le monstre qui incarne le mal, mais plutôt un pantin, un «clown», «un fonctionnaire banal» qui n'a fait qu'«exécuter les ordres» et qui a arrangé personnellement, même après l'ordre qu'on a donné d'arrêter les exterminations, une dernière «marche de la mort» vers Auschwitz.
L'approche de Hannah a été jugée scandaleuse par son entourage. Son traité philosophique et sa lecture du procès ont été controversés, et on le voit dans le film à travers les lettres qu'elle reçoit tous les jours. On lui reproche son arrogance, sa froideur et son ignorance des choses. Cependant, Hannah explique dans le film qu'«essayer de comprendre n'est pas pardonner».
La comédienne a réussi son personnage : le regard, le silence, la déambulation, la sensibilité, la fermeté, le sourire qui se dégageaient de cette grande dame montrent une philosophe qui nous a offert un traité philosophique au service de la réalité historique et de notre réalité actuelle. En s'isolant, à la fin du film, quand elle a été accusée de nazisme, le spectateur a bien deviné que cet acte qui est loin d'être un acte de lâcheté, est perçu comme un acte de préparation au face-à-face. En effet, —en s'éloignant des accusations, des lettres condamnatrices et hostiles et des jugements des autres surtout par rapport à ce qu'elle a dit à propos des conseils juifs les «Judenräts» qui ont collaboré avec les autorités nazies, à son retour à l'université, on voit une femme déterminée, très sûre d'elle-même, et soutenant dans une conférence sa thèse avec fierté et dignité.
En somme, avec la pensée percutante de Hannah, le film est d'une actualité poignante : l'apologie du mal, qui gagne du terrain dans le monde, est dénoncée «philosophiquement» par Hannah, dans sa conférence comme dans ses articles, elle invite, à lire, à relire l'Histoire de l'humanité pour que d'autres criminels, comme Eichmann, ne naissent pas. Les exécutants et les compositeurs du mal qui, au nom d'une loi, d'une idéologie et d'une religion, vont jusqu'à exterminer l'autre, car on leur a juste demandé d'appliquer les lois, car on leur a demandé de tuer l'Autre différent de nous, car on leur a inculqué qu'un acte pareil est signe d'honneur et de vaillance et non d'extrémisme ou de fanatisme... Ces syndromes existent malheureusement et persistent encore, d'ailleurs, notre actualité regorge d'exemples : en Syrie, en Palestine, en Egypte, en Tunisie, en Libye... Et dire que «c'est un malheur du temps que les fous guident les aveugles» (William Shakespeare)!


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.