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A Strasbourg, grand carrefour de l'Europe, la présence de la Tunisie est à renforcer
Publié dans Leaders le 30 - 12 - 2015


Correspondance particulière
En cette fin de mois de décembre 2015, la ville de Strasbourg, parée de ses meilleurs atours, affiche un dynamisme à toute épreuve. Elue pour la deuxième fois capitale européenne des marchés de Noël, elle tient à honorer son rang en multipliant les innovations dans le cadre de cette manifestation qu'elle organise depuis 1574. Cette année, le nombre des visiteurs a approché le million et demi malgré le fait que la manifestation ait été écourtée d'une semaine en raison des mesures consécutives aux derniers attentats qui ont frappé la France. La prospérité séculaire de la ville a trouvé, dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale de nouveaux ressorts dont le nombre et la qualité ne cessent de prendre de l'ampleur.
Une ville aux ressources innombrables
L'antique Argentoratum accumule les titres de distinction : chef-lieu du département du Bas-Rhin, elle l'est aussi pour toute la région Alsace. A partir du 1er janvier 2016, elle sera le chef-lieu de la région du Grand Est qui regroupera les anciennes régions de l'Alsace, de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne. En tant que siège de nombreuses institutions européennes, elle s'est élevée, depuis plusieurs décennies, au rang de métropole à l'échelle du continent. Servie par une position géographique remarquable qui la place au cœur de l'Europe occidentale, elle compte, avec New York, Genève, Montréal et Lyon, parmi les très rares villes au monde qui soient sièges d'organismes internationaux sans être capitales de pays.
Cette distinction n'est pas due au hasard. Considérée avec les communes limitrophes, Strasbourg fait partie des toutes premières aires urbaines de la France. Elle est un pôle économique majeur du Nord-Est de l'Hexagone. Le dynamisme de ses campagnes est manifeste ; ses activités industrielles se distinguent par leur grande diversité et son secteur tertiaire s'appuie prioritairement sur la recherche scientifique et les activités financières et touristiques.
L'Université de Strasbourg, dont le premier noyau remonte au milieu du XVIè siècle, a été ''refondée'' par les Allemands au lendemain de la défaite française de 1870. Les trois ensembles universitaires qui y ont été créés, en 1970, ont fusionné en 2009 en une seule structure qui, avec ses 46.000 étudiants et 4600 enseignants-chercheurs compte parmi les toutes premières universités de France et de l'Europe. S'y côtoient des disciplines innombrables, des lettres classiques à l'ingéniorat en passant par les études médicales et pharmaceutiques. Parmi ses nombreux pôles d'excellence, figurent les études littéraires, les sciences historiques, la chimie et la biotechnologie. Ses deux Facultés étatiques de théologie (catholique et protestante) sont des exemples uniques en France ; leur approche scientifique des religions jouit d'une grande notoriété internationale. Des relations fortes sont nouées par l'Université de Strasbourg avec des universités allemandes et suisses situées de l'autre côté du Rhin.
Au niveau de la documentation scientifique, deux établissements sont de véritables fleurons : la Bibliothèque nationale et universitaire (BNU- Strasbourg) et la Maison Interuniversitaire des Sciences Humaines - Alsace (MISHA). La première, qui est actuellement la deuxième bibliothèque de France, après la Bibliothèque nationale de France, est une création allemande qui date de 1871 ; la seconde a ouvert ses portes en 2007. La qualité de leurs fonds documentaires et des services qu'elles offrent aux lecteurs les placent parmi les premiers établissements de leur catégorie.
Une qualité de vie remarquable
La prospérité économique n'a pas amené Strasbourg à sacrifier la qualité de vie. Tout au contraire, l'environnement y est soigné de plus d'une manière : développement remarquable des moyens de transports publics, notamment à travers six lignes de tramway ; aménagement de plusieurs centaines de kilomètres de pistes et de bandes cyclables (premier réseau de France et l'un des tout premiers d'Europe) ; aménagement de nombreux jardins et parcs publics. La navigation fluviale, les réseaux routier et autoroutier ainsi que la ligne de TGV qui la relie à Paris, depuis 2007 confèrent à la ville une accessibilité à la fois aisée et rapide. L'aéroport international d'Entzheim, qui est situé à une dizaine de kilomètres de Strasbourg, a bien résisté à la concurrence du TGV. Depuis peu, une ligne de chemin de fer le relie à la Gare centrale, en moins de dix minutes.
Nul besoin de séjourner longtemps à Strasbourg pour se rendre compte que la culture et le patrimoine y font l'objet de toutes les sollicitudes. Un réseau de médiathèques offre aux habitants une documentation et des apprentissages très variés soutenus par les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Le fleuron de ce réseau est la médiathèque André Malraux inaugurée, il y a sept ans, dans une zone occupée jusque-là par des friches industrielles. Dans ce joyau architectural, les innovations les plus hardies ont respecté et se sont inspirées même d'un vieux bâtiment industriel intégré dans la nouvelle bâtisse. Les services y vont jusqu'aux prestations spéciales pour les malvoyants et les malentendants ainsi que le prêt à domicile pour les personnes à mobilité réduite ; les conférences et les expositions y sont programmées tout le long de l'année. Dans la proximité immédiate de cet établissement, se situent la Cité de la musique et de la danse et un cinéma multiplexe qui, avec ses 22 salles de projection, compte parmi les plus grands de France et d'Europe. Du milieu de la matinée jusqu'au milieu de la nuit, de nombreux cinéphiles de tout âge se relaient pour regarder des films aux sujets très variés.
Toute la vieille ville de Strasbourg est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, depuis 1988. Si l'impressionnante Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg et le charmant quartier ''Petite France'' en constituent les deux grands joyaux, on ne compte pas les bâtiments publics, les rues, les places et les maisons particulières remarquables surtout par leurs colombages. La ville nouvelle (Neustadt), créée par les Allemands entre 1880 et 1917, étale des bâtiments construits dans des styles architecturaux qui alternent le néo-renaissance, le néo-gothique et le néo-classique. Plusieurs musées présentent aux visiteurs l'histoire de la ville et de sa région de la nuit des temps jusqu'à l'époque contemporaine, d'une manière pédagogique étayée par les nouvelles techniques de la muséologie et de la documentation. Le patrimoine immatériel n'est pas en reste. Ainsi, par exemple, la gastronomie alsacienne est à l'honneur dans d'innombrables restaurants allant des établissements les plus prestigieux aux ''winstubs'' qui servent, dans des cadres chaleureux et intimes, des mets locaux très typiques. Il y a moins d'un an, une partie du siège de l'Ancienne Douane abrite un point de vente de produits agricoles locaux ''en circuit court''.
Les atouts peu mobilisés de la Tunisie
Les Tunisiens qui résident à Strasbourg ne sont pas très nombreux. Mais dans la dizaine de départements qui constituent la compétence territoriale du consulat de Tunisie à Strasbourg, le nombre des Tunisiens serait de quelques dizaines de milliers. Actuellement, Tunisair dessert la capitale de l'Alsace par deux vols hebdomadaires.
Plusieurs organismes universitaires tunisiens sont en relation avec l'Université de Strasbourg. Ainsi, l'Université de Tunis est liée à l'Université alsacienne par une convention qui a été établie depuis une vingtaine d'années et renouvelée, depuis, à maintes reprises. L'un des volets majeurs de la coopération entre les deux institutions a consisté à former de jeunes latinistes dont plusieurs sont revenus, depuis quelques années, en Tunisie pour enseigner le latin et, pour certains, le grec dans plus d'un établissement universitaire. Il est à signaler que l'université de Strasbourg compte parmi ses enseignants-chercheurs quelques-uns parmi les meilleurs connaisseurs de la richissime littérature latine d'Afrique c'est-à-dire du Maghreb ancien dont lequel la Tunisie antique occupait une place de premier plan. Il s'agit là, en fait, de la reprise d'une tradition bien ancienne. En 1873, Gustav Willmanns, un jeune universitaire allemand de l'Université de Strasbourg, a été envoyé par l'Académie des Sciences de Berlin, en mission dans la Régence de Tunis, afin d'y collecter les inscriptions latines qui devaient figurer dans le tome VIII du Corpus Inscriptionum Latinarum (Le Corpus des Inscriptions latines). Ce recueil épigraphique majeur dont le premier volume a été publié, à titre posthume, en 1881, est resté, depuis, incontournable pour tous les historiens qui étudient l'époque romaine de l'histoire du Maghreb.
Les paradoxes tunisiens qui sont à résoudre rapidement
Le site WEB du consulat de Tunisie à Strasbourg est squelettique. Celui qui feuillette le dernier numéro du magazine mensuel de l'aéroport international de Strasbourg-Entzheim relève que Tunisair est l'une des rares compagnies nationales qui desservent l'aéroport, le gros des transporteurs aériens étant constitué de compagnies low cost.. Mais aucune des publicités dont foisonne le magazine ne concerne la Tunisie. L'agence Tunisair de Strasbourg a été supprimée depuis peu.
Dans le chef-lieu de l'Alsace, le cinéma commercial n'est pas le seul à occuper les écrans. Une salle de cinéma, l'Odyssée , située au cœur de la vielle ville, est spécialisée dans les films à auteur, les cycles à thèmes, les rétrospectives et les projections suivies de débats. Des films de très nombreux pays y sont projetés ; le 7è Art d'Algérie et du Maroc y est représenté mais pas celui de la Tunisie.
Entre l'université de Strasbourg et celle de Tunis, la coopération se maintient en divers domaines (échanges d'enseignants, codirection de thèses, participation à divers jurys) mais elle n'englobe plus les bourses tunisiennes de longue durée, accordées aux doctorants inscrits en thèses de latin. Les bénéficiaires des bourses tunisiennes dites d'alternance sont bien rares.
Ces exemples de la faible présence tunisienne dans un grand carrefour de l'économie, de la diplomatie, de la science et de la culture française et européenne témoignent d'atouts importants qui sont peu utilisés. Outre la réactivation des accords universitaires, les autorités chargées du tourisme et du patrimoine peuvent envisager des actions promotionnelles pour le tourisme tunisien. Les nombreux films produits, en Tunisie, au cours de l'année 2015 et les productions cinématographiques anciennes sont à promouvoir. Notre Quartet nobélisé récemment gagnerait, sûrement, à défendre la cause de son pays dans une ville qui est le siège, entre autres institutions européennes, du Conseil de l'Europe, de la Cour européenne des Droits de l'Homme et de l'Institut des droits de l'Homme, et qui héberge une quarantaine de consulats. Le consulat de Tunisie y trouverait une occasion de rendre au pays un bon service. De nombreux lieux d'exposition et de projection strasbourgeois peuvent accueillir de telles manifestations : les espaces de l'aéroport, la médiathèque André Malraux, différentes salles de la BNU… Le prochain marché de Noël pourrait constituer un lieu et un moment privilégiés pour la promotion de la destination Tunisie. Ces derniers jours, le Luxembourg s'est assuré de la rentabilité d'une telle démarche en étant l'invité d'honneur du marché de Noël de 2015. Nombreux étaient les Strasbourgeois et les touristes qui ont visité ses stands montés sur la Place Gutenberg.
La coopération avec Strasbourg et l'ensemble du Grand Est français peut être très profitable à plus d'une région tunisienne. A titre d'exemple, un jumelage entre la métropole franco-européenne et la ville de Sfax serait des plus bénéfiques. La grande ville tunisienne sera, en 2016, capitale culturelle du monde arabe. Elle nourrit des espoirs légitimes de faire de cet évènement l'occasion de révéler ses richesses, de résoudre certains problèmes et ouvrir de nouveaux horizons. Dans des domaines aussi importants que ceux de la protection de l'environnement, de la réhabilitation des friches industrielles, de la mise en valeur du patrimoine et du développement de la culture numérique, de nombreuses opportunités peuvent être saisies dans le cadre d'une coopération élargie avec Strasbourg.
Mais tout cela restera tributaire d'une nouvelle approche du développement de la part de la partie tunisienne. Cette approche passera nécessairement par une autonomie dans la gestion des affaires locales et régionales et par des disponibilités financières agrandies. Surgissent, ici, les blocages du modèle de développement tunisien actuel : comment une grande cité comme Sfax pourra-t-elle gérer sa vie culturelle, ses transports publics, si les bibliothèques publiques et les monuments historiques sont du strict ressort du ministère de la Culture et si les bus ou, demain, le tramway ne peuvent être conçus que sous la tutelle directe du ministère du Transport ? Ces considérations ne nous ramènent-elle pas, à une nouvelle gouvernance territoriale, finalité espérée pour le pays depuis la Révolution de 2011 ? La longue histoire de la Tunisie, qui participe de l'histoire universelle, nous enseigne que la richesse de l'Etat a toujours dépendu largement de la prospérité des villes et des régions et que le contraire n'a jamais été vrai.
Houcine Jaïdi


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