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La commémoration du geste héroïque de la valeureuse Khaoula
Publié dans Leaders le 06 - 03 - 2017

L'étudiante Khaoula Rchidi a bravé, au cours de la matinée du 7 mars 2012, sur le toit de l'ancien poste de la police universitaire de La Faculté de la Manouba, le salafiste profanateur de la bannière nationale pour l'empêcher de hisser le drapeau de l'internationale islamiste sur le mur d'enceinte de la FLAHM, prenant par là même des risques pour sa santé, voire sa vie. Bien que sauvagement bousculée, elle est parvenue à lui tenir tête. Elle posait, grâce à ce geste noble héroïque, l'un des derniers jalons dans le combat épique mené depuis octobre 2011 par la communauté de la FLAHM pour la défense des libertés académiques, du modèle sociétal et du projet moderniste tunisiens menacés par Ansar Chariaa et son gourou Abou Iyadh, exfiltré hors du pays par ses amis au pouvoir et aujourd'hui en cavale en Libye ou tué dans ce pays voisin selon des versions contradictoires.
Décidé à imposer à la faculté et au pays le modèle islamiste des Talibans basé sur l'asservissement des lois aux dogmes religieux salafistes et à transformer la Faculté de la Manouba en Manoubistan et la Tunisie en Tunistan, il s'est heurté à une résistance stoïque menée par tous les acteurs de la scène universitaire. J'ai relaté les péripéties de cette lutte fabuleuse dans Chroniques du Manoubistan, ce journal de combat contre le fanatisme et l'obscurantisme qui est l'expression de la détermination de la communauté universitaire à s'opposer aux briseurs du rêve démocratique. Enseignants, étudiants, fonctionnaires et ouvriers se sont mobilisés durant l'année universitaire 2011-2012 et se sont battus avec beaucoup d'ardeur et de passion pour la défense de leurs idéaux. Les plus déterminés et, à leur tête, le Doyen Habib Kazdaghli ont subi jusque dans leur chair les répercussions de leur bravoure. Mais c'est le geste noble et héroïque de Khaoula Rchidi que la mémoire collective a surtout retenu et que la faculté des lettres de la Manouba commémore tous les ans à l'occasion de ce qu'il a été convenu d'appeler «la journée du drapeau».
Son conseil scientifique, a décidé de célébrer cette année, en grande pompe, le cinquième anniversaire de la journée historique du 7 mars 2012 pendant une cérémonie solennelle au cours de laquelle le drapeau national sera hissé, en présence de Khaoula Rchidi, par un groupe d'étudiants représentatif des clubs culturels de l'institution et des courants syndicaux estudiantins, sur les airs de l'hymne national entonné par la troupe musicale de l'armée nationale. Une plaque commémorative sera également inaugurée à l'endroit où s'est déroulé le duel entre le l'héroïne et le salafiste profanateur
La merveilleuse action de Khaouali Rchidi, en réaction à l'acte profanateur, largement médiatisée en Tunisie et dans le monde a fait, en son temps, l'effet d'un tsunami faisant prendre conscience aux sceptiques des menaces qui guettaient, au-delà de l'Université, les acquis du pays dans son ensemble. Si elle a ému au point de devenir un repère pour les universitaires, c'est parce que la scène est emblématique de la tragédie en plusieurs actes vécue par la FLAHM, qu'on peut rapidement résumer comme un combat inégal entre David et Goliath, tout comme le duel entre Khaoula et le salafiste. Il y avait d'un côté des universitaires n'ayant pour armes que leur courage, leurs valeurs, leurs convictions et leurs corps dont ils se servaient comme un bouclier, et de l'autre un groupuscule aux ordres d'Ansar Chariaa disposant de grands moyens, dont le chef avait fait partie du groupe armé de Soliman «baptisée «Armée Assad Ibn Fourat» qui avait été aux prises en janvier 2007 avec les forces de l'ordre. Le groupuscule se faisait renforcer par des hordes de salafistes des quartiers proches de la faculté, armés de pierres et de chaînes. Le groupuscule avait occupé la faculté pour mener une «ghazoua» destinée venir à bout des mécréants et Ennadha avait soutenu sa lutte destinée à permettre aux étudiantes salafistes le port du niqab à l'Université.
Le duel entre le salafiste et Khaouala avait été photographié et la photo, qui a fait le tour des sites électroniques et des réseaux sociaux a inspiré l'artiste peintre Amina Bettaieb dont le tableau immortalise un combat singulier entre deux adversaires de force inégale, la belle et la brute (David et Goliath) dont l'enjeu vital, à travers l'opposition symbolique du drapeau tunisien et du drapeau de l'internationale islamiste, n'est rien d'autre que le devenir de notre patrie. Ce duel, où le vainqueur est celui qui parviendra à hisser son emblème, figure la confrontation entre deux mondes diamétralement opposées, la Tunisie des Lumières et la Tunisie des ténèbres, la Tunisie des démocrates et celle des théocrates. Il symbolise le conflit entre une Tunisie perçue comme un appendice de la « oumma » et une Tunisie fière de son identité plurielle et ouverte aux autres cultures et civilisations. L'artiste, qui met en valeur la résistance de l'héroïne et cet instant épique, où la belle aux couleurs chatoyantes et chaudes, animée d'un courage extraordinaire affronte sans aucune hésitation et avec une détermination exemplaire l'ogre salafiste pour défendre l'emblème de la patrie, ne laisse aucun doute sur l'issue de ce duel. «L'être solaire» l'emportera sur «celui qui incarne les forces de la nuit» pour reprendre la belle formule du professeur Moncef Khémiri, et si le salafiste est présenté comme un ogre, il ne faut l'interpréter ni comme valorisation - bien au contraire - ni comme la reconnaissance de son hégémonie, mais comme le constat d'une ambition hégémonique et des périls qui guettent la patrie du fait de cette volonté de domination et de puissance.
Il est bien évident que le duel immortalisé par la photo et le tableau d'Amina Bettaieb est emblématique de l'opposition entre deux projets de société antinomiques. Il est évident qu'il ne s'agit pas, comme le perçoivent les partis religieux d'une discorde entre mécréants et croyants, ni d'un choc des civilisations entre des Tunisiens attachés à leur identité arabo-musulmane et d'autres Tunisiens aliénés et fortement occidentalisés mais d'un conflit séculaire dont la bataille du niqab n'est qu'une réplique grotesque et qui oppose les Anciens et les Modernes, les détracteurs du projet moderniste tunisien initié au XIX ème siècle et ceux qui souhaitent l'approfondir. C'est un combat impitoyable entre démocrates et théocrates, entre droit-de-l'hommistes et violeurs de ces droits, entre ceux qui traitent les femmes comme des objets voilées non identifiés et ceux qui refusent toute discrimination à leur encontre, De ce point de vue, comme le drapeau tunisien et le drapeau de l'internationale islamiste qui sont, dans leur opposition symbolique, les emblèmes de ce conflit, le voile intégral et l'absence de voile, codes vestimentaires opposés comportant une très forte charge symbolique sont les habits emblématiques de ce conflit. La profanation du drapeau national et le geste héroïque(ou plutôt la geste héroïque) de Khaoula Rchidi, notre Marianne nationale, figure allégorique de notre république civile et démocratique, bravant le salafiste profanateur et l'obligeant à battre en retraite, sont des actes emblématiques de ce conflit et de notre résistance à la négation de notre tunisianité. La sculpture baptisée «Michket El Anouar», emblème de la Faculté de la Manouba et symbole des valeurs de rationalité et de liberté que l'Université se doit de diffuser et que les salafistes ont profané et voilé de leur drapeau noir aux plus forts moments de la crise du niqab pour symboliser le sombre destin qu'ils promettent aux Lumières, est devenue, par la magie de la résistance, l'emblème de cette Tunisie des Lumières, toujours debout qui poursuit son combat contre l'obscurantisme sans rompre ni même plier.
La plaque commémorative de l'épisode du drapeau national, qui sera inaugurée le mardi 7 mars prochain à l'occasion du 5ème anniversaire de l'événement immortalise le combat de la faculté, de l'université et de la société pour les Lumières et hisse Khaoula Rchidi au rang de ces icônes qui appartiennent au patrimoine du pays parce qu'elles ont marqué de leur sceau un épisode crucial de son histoire, telles Habib Menchari qui s'était opposé en janvier 1929 au port du voile, défiant une société traditionaliste et conservatrice attachée au port de voile comme à un très fort marqueur de son identité. Quatre-vingt-trois ans plus tard, Khaoula Rchidi, défie dans un corps à corps insolite, à l'occasion d'un duel surréaliste, un défenseur du niqab, plus ultra que les défenseurs du voile des années 30 et partisan d'une vision figée, sclérosée et erronée de l'identité. Au pays des Valeureuses, pour reprendre le titre du dernier ouvrage de Sophie Bessis, ces descendantes d'Elissa-Didon, de Saïda Manoubia, de la Kahena et d'Aziza Othmana sont faites, comme ces femmes mythiques, d'un minerai de haute teneur.


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