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Rakia Moalla-Fetini - Plus d'éclairage sur l'appréciation du dinar: la note d'analyse de la Banque centrale de Tunisie
Publié dans Leaders le 09 - 09 - 2019

Le quatre de ce mois, j'avais publié sur les colonnes de Leaders un article dans lequel j'avais défendu l'opinion que l'appréciation du dinar pendant les 7 derniers mois était une politique irresponsable(1). Par pur hasard, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) avait publié le même jour une note pour éclairer l'opinion publique sur les causes derrière cette appréciation qu'elle qualifie de « mouvement de correction à la hausse» (l'italique est la mienne(2))(3).
Il est important qu'on s'arrête sur cette note pour la décoder et pour évaluer les arguments qu'elle présente. Mais avant cela je résume l'essentiel de l'argument que j'avais présenté: On ne laisse pas le dinar s'apprécier quand on a un déficit commercial de près de six milliards de dollars et une dette externe équivalente à tout ce qu'on est capable de produire pendant toute une année — une dette qui, de plus, a vu son cout marginal en devises fortes grimper à 7 % en Octobre dernier(4). A l'échelle d'un individu, la myopie d'une telle politique, serait similaire à celle d'un fabriquant de tapis qui, sans la moindre indication que ses tapis sont devenus à la mode, décide soudain d'augmenter leurs prix. Ses ventes baissent, il produit moins, et se retrouve avec du temps libre sur les bras. Lui qui vivait au-dessus de ses moyens et était déjà largement endetté se conforte dans l'idée qu'il peut encore compter sur l'indulgence de ses créanciers et décide d'utiliser ses heures libres pour aller faire du shopping pour profiter de la baisse des prix chez ses voisins(5).
Pour revenir à la note de la BCT, celle-ci explique que les deux principales causes derrière l'appréciation du dinar sont le surplus de liquidité sur le marché de change et l'effet positif que celui-ci aurait eu sur les anticipations des agents économiques. Face à ce surplus, la note nous informe que la BCT ne s'est pas tout à faitcroisée les bras. Elle est intervenue pour acheter 712 millions de dollars mais elle s'en est tenue là — laissant le dinar s'apprécier—parce qu'elle veut, dorénavant,
i. laisser au marchéle soin de déterminer le taux de change et
ii. cibler sa politique du taux d'intérêt sur «l'inflation comme objectif ultime».
Pour expliquer pourquoi cette stratégie monétaire (surtout si elle est exercée de façon dogmatique) n'est pas appropriée pour le cas tunisien (pas plus qu'elle ne l'est pour la plupart des pays émergents dont les équilibres macroéconomiques ne sont pas fermement ancrés), il faut qu'on comprenne de quoi est fait lemarchéde change. Une fois qu'on comprendça, il sera facile de voir pourquoi ce marché, s'il est laisséà lui-même, peut se stabiliser pour un certain temps, donnant l'apparence d'être dans un équilibre stable. Quelque temps après, ce qui paraissait comme un équilibre pérenne se révèle avoir été des sables mouvants sous les pieds du reste de l'économie.
Les forces qui agissent sur le marché de change sont principalement de deux natures: des forces qui reflètent l'offre et la demande de biens et services domestiques et étrangers et des forces qui reflètent l'offre et la demande sur les actifs libellés en monnaie locale et en monnaies étrangères. Ces deux types de forces — qui répondent à des motivations qui ne sont pas toujours nécessairement les mêmes et peuvent ne pas être reliées — donnent lieu tantôt à 1) des flux de monnaies et de capitaux étroitementliésà la sphère de la production et de l'emploi, mais d'autres fois à 2) des flux financiers complètement dissociés d'elle(6). C'est le cas des mouvements de capitaux qui ne reflètent qu'un simple échange d'actifs financiers — qui, par définition, représentent une richesse accumulée dans le passé et non pas une production et des revenus courants; par exemple, les revenus de privatisation, ou d'achats de propriétés.
Le premier type de flux tends à être assez stable et durable, bien que parfois il peut être influencé par des effets d'euphorie qui font miroiter des gains mirifiques, conduisant à prendre des risques mal calculés. Le deuxième type est soit irrégulier (comme les revenus de privatisation), soit d'ordre purement spéculatif et peutlui aussi disparaitre du jour au lendemain.Il y a également un troisième type de flux tellement opaques qu'ils sont impossiblesàcataloguer et à mesurer. Ils forment un énorme trou noir qu'on appelle pudiquement erreurs et omissions dans les balances de payements de beaucoup de pays. En fait, leur ampleur est à la mesure de notre ignorance sur la nature, la provenance, la motivation et la durabilité de ces flux(7).
Si telle est la nature de ce marché et si c'est à lui qu'on laisse le soin de déterminer le taux de change, qu'est ce qui pourrait garantirque ce taux se fixe à un niveau qui assure la stabilité financière et stimule la croissance économique et l'emploi ? En fait, rien n'empêche ce marché, s'il est laissé à lui-même,de trouver son équilibreà un niveau tel que la balance du compte courant enregistre undéficit très large.L'exemple Tunisien pendant les 3 ou 4 dernièresannéesest édifiant. Or, un déficit de la balance du compte courant qui dépasse les 4 à 5% du PIB n'est ni (i) prudent ni (ii) propice à la production locale et à l'emploi:
i. Un déficit de plus de 4 à 5 % du PIB, qui aujourd'hui est couvert par l'endettement et autres apports externes, risque de ne plus pouvoir l'être s'il y a un revirement du sentiment du marché. Plutôt que de voir des flux de capitaux positifs affluer vers le pays on commence à les voir fuir vers des horizons moins risqués, provoquant crise financière et contraction économique.
ii. Le plus souvent un déficit de la balance du compte courant reflète un déficit encore plus important de la balance commerciale(8). Ce dernier, qui est la différence entre les importations et les exportations, indique que la partie des dépenses domestiques qui soutient la production et l'emploi dans le reste du monde (les importations) est supérieure à la partie des dépensesdu reste du monde qui soutient la production et l'emploi dans le pays (les exportions). Si le pays souffre d'un problème de chômage grave et endémique, il n'est guère raisonnable de se plaire à continuer à soutenir l'emploi dans le reste du monde plutôt que de le soutenir chez soi.
C'est pour cela que le taux de change dans presque tous les pays du monde et surtout les paysémergents est rarement laisséau bon vouloir du marché. Tous les pays gardent un œil vigilant pour prévenir toute appréciation qui nuirait à la compétitivité de leur économie. Même la Banque Nationale Suisse a été obligée, en Septembre 2011, d'annoncer qu'elle ne permettrait pas au franc suisse de s'apprécier au-delà de 1,2 euro(9). Seule la BCT semble s'imaginer qu'elle peut adopter une attitude de douce insouciance (benignneglect), comme se plaisent les Américains à appeler leur attitude vis-à-vis du taux de change de leur dollar.
Loin du dogmatisme de la stratégie monétaire du ciblage de l'inflation (inflation targeting), une gestion compétente du taux de change du dinar en 2019 aurait dû avoir le souci primordial de préserver les gains de compétitivité déjà réalisés, et de les renforcer afin de ramener le solde du compte courant à un niveau soutenable, contribuant ainsi à encourager la croissance et le plein emploi, et à maintenir la stabilité financière.
Le sort du fabriquant de tapis, mentionné plus haut, n'est pas difficile à prédire, par plus que ne le serait le sort de notre pays si la gestion des affaires de l'Etat et de la Nation continue a été confiée aux apprentis sorciers qui se sont succédés à la tête de l'Etat depuis 2011.
Rakia Moalla-Fetini
Ancienne chef de mission au FMI
Lire aussi
(1) https://www.leaders.com.tn/article/27873-rakia-moalla-fetini-laisser-le-dinar-s-apprecier-est-une-politique-irresponsable
(2) Parler de correction laisse entendre que la BCT estime que le dinar était sous-évalué et que son appréciation ne fait que le ramener vers sa juste valeur, ce qui ne manque pas d'étonner.
(3) https://www.leaders.com.tn/article/27877-evolution-du-taux-de-change-du-dinar-l-analyse-technique-de-la-banque-centrale-de-tunisie
(4) Ce qu'on appelle du nom bizarre de la dernière sortie sur le marché international en Octobre 2018 s'est soldée par un taux d'intérêt de 6.75 % en euro, au moment où un gouvernement comme celui de l'Allemagne emprunte de l'argent à des taux d'intérêt négatifs.
(5) L'appréciation réelle d'une monnaie est sine qua non d'un renchérissement des biens domestiques par rapport aux biens étrangers.
(6) C'est le cas des mouvements de capitaux qui ne reflètent qu'un simple échange d'actifs financiers qui, par définition, représentent une richesse accumulée dans le passé et non pas une production et des revenus courants. Par exemple, les revenus de privatisation, ou d'achats de maison par des étrangers.
(7) En 2018, le FMI estime ces erreurs et omissions à un flux négatif net de 1,3 milliards de dollars, un montant supérieur à celui du flux positif net des prêts de moyen- et long-termes.
(8) C'est le cas des pays où les transferts effectués par les travailleurs émigrésreprésententune source importante d'apport de devises. En Tunisie ce déficit est estimé à 15 % du PIB en 2018.
(9) Elle est revenue sur cette politique trois ans plus tard une fois que le spectre d'une crise financière dans la zone euro était passé.


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