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Hédi Chaker : cet homme devait mourir
Publié dans Leaders le 10 - 09 - 2010

Que savons-nous de nos martyrs? Juste quelques bribes que les jeunes générations n'arrivent plus à décoder. Que dire alors si elles doivent s'inspirer de leurs parcours et se nourrir de leurs valeurs. Hédi Chaker, lâchement assassiné dans la nuit du 12 au 13 septembre 1953 à Nabeul où il était assigné en résidence surveillée est de ceux qui n'ont pas bénéficié de l'éclairage historique ne serait-ce que minimum, pourtant bien mérité. Les historiens n'ont pas accompli leur devoir. Nous ne les y avons pas interpellés, ni pour ce cas, ni pour tous les autres.
Fils d'une famille de commerçants aisés et d'imams respectés venue de Turquie, via Alexandrie, Hédi Chaker, né en 1908 à Sfax, ira faire ses études en Commerce à Tunis, pour revenir seconder son père et assurer la relève. Au contact des Jeunes Tunisiens, et révolté par l'accentuation du colonialisme, il succombera à l'engagement politique et ralliera les premiers élans nationalistes destouriens dont il deviendra l'un des leaders les plus sages et les plus considérés. Calme, serein, stratège plutôt que tribun, discret et non exubérant, affable et généreux, il marquera sa génération et incarnera, au-delà de sa ville Sfax et le Sud, dans toute la Tunisie, les valeurs du militantisme réfléchi et efficient.
Le leader politique exilé en France se convertit en maçon, puis, petit cultivateur
Prisons, bagnes et exils en Tunisie, en France et au Sud algérien se succèderont pour lui. Il y apprendra au cours de la même quinzaine, en juin 1940, la mort de sa mère et de son épouse qui lui laissaient, la première, 10 jeunes frères et sœurs, et la seconde, 4 enfants en bas âge, tous à sa charge. Enfermé au Fort Saint-Nicolas, près de Marseille, en mai 1940, en pleine deuxième guerre mondiale, il n'en sortira, en novembre 1940, sous l'occupation que pour aller travailler à Trets, dans les Bouches du Rhône, comme ouvrier sur un chantier de bâtiment. Avec les maigres francs récoltés et partagés avec sa famille, il épargnera de quoi louer un lopin de terre pour le cultiver de la sueur de son front, deux ans et demi durant, et en tirer de quoi nourrir les siens, le temps de la fin de la guerre et de pouvoir revenir chez lui.
Jour de retour à Sfax, le 9 avril 1943, en pleine bataille entre les forces de l'Axe qui se retirent et celles des Alliés qui arrivent, avec la 8ème armée britannique commandée par Montgomery rétablissant les Français, jour de sa nouvelle arrestation, puis sa déportation dans le Sahara algérien. La suite ne sera pour lui qu'une série de sacrifices. Jusqu'à son assassinat. Nombre de fois plébiscité par les dirigeants du Néo-Destour pour conduire le Bureau Politique, arbitrer des conflits internes, concilier bourguibistes et youssefistes, il avait conquis l'admiration et forcé le respect de tous jusqu'à devenir avec son ami et voisin Farhat Hached, des figures emblématiques du mouvement national… et des cibles toutes désignées pour la Main Rouge, l'organisation terroriste de l'extrême droite coloniale. Hached y succombera le 5 décembre 1952. Moins d'un an après, Chaker se fera sauvagement lyncher, le 13 septembre 1953. Jamais l'ivresse terroriste n'avait été aussi cruelle. Jamais les Tunisiens n'en ont été aussi révoltés.
Dans «Cet Homme doit mourir», roman historique, l'auteur Taoufik Abdelmoula restitue merveilleusement cet été 53, avec l'effervescence militante dans la ville de Sfax et la condamnation à mort destourienne d'un traître parti à Paris présenter illégitimement une allégeance tunisienne. Les représailles terroristes n'ont pas tardé à s'exercer sur le symbole qu'incarnait Hédi Chaker. Hallucinantes. Leaders a reconstitué les faits.
La nuit de toutes les lâchetés
Dans la nuit du 12 au 13 septembre, deux tractions avant Citroën quittent Qsar Errih, une petite localité située à 45 Km au nord de Sfax. Destination : Nabeul, distante de 200 Km. A leur bord, des membres de la famille Belgaroui connue pour ses accointances avec les autorités coloniales. L'air déterminé, ils s'apprêtent, apparemment, à exécuter une mission. Au niveau de Bouthadi, ils sont rejoints par deux voitures de la gendarmerie qui les escorteront pendant tout le trajet, le couvre-feu étant en vigueur la nuit depuis janvier 1952. Arrivé à une heure tardive à Nabeul, le cortège traverse les rues désertes de la ville avant de s'arrêter devant un petit immeuble où habitait depuis son assignation à résidence, une figure marquante du Mouvement national, Hédi Chaker.
Il occupait l'étage supérieur en compagnie de sa femme, Néfissa et deux de ses enfants. Il venait de prendre congé d'un groupe de militants, comme ceux qu'il avait l'habitude de recevoir depuis son arrivée à Nabeul et s'apprêtait à se coucher quand sa fille entend des bruits suspects au rez de chaussée et s'en ouvre à son père. Il n'y prête pas attention. Mais les bruits gagnent en intensité. Si Hédi ouvre la fenêtre qui donne sur la rue d'où provenaient ces bruits et aperçoit dans la pénombre, des silhouettes: "qui êtes-vous ?" demande t-il. Une voix lui répond: "Nous représentons les autorités et demandons à vous voir". Surpris, le grand militant refuse, mais promet de contacter les autorités le lendemain." Il n'a pas terminé sa phrase que les balles commencent à crépiter. Il est 2h 35 mn.
Edifié sur les intentions de ses visiteurs, Si Hédi contacte la gendarmerie, puis la police. On le rassure: "Nous arrivons immédiatement". En fait, ils étaient de mêche avec les assaillants. Alors qu'il téléphonait, ces derniers forcent la porte d'entrée avec des explosifs aidés en cela par des éléments de la gendarmerie, comme l'avouera plus tard devant la haute Cour, un membre de la bande. Aussitôt , trois assaillants montent au premier étage, s'emparent sans ménagement de Si hédi avant de le jeter dans l'une des voitures vers une destination inconnue sous les yeux de sa femme et ses enfants.
Quelque temps après, la police arrive soit 20 mn après le coup de téléphone de Si Hédi, le temps pour les assaillants d'accomplir leur forfait. Comble de sadisme, ces derniers paradent dans la banlieue de la ville avant de se diriger vers un endroit isolé sur la route reliant Nabeul à Tunis où leur victime sera tuée par balle. Deux membres de la famille Belgaroui et deux gendarmes ont pris part directement au meurtre. Son corps sera découvert au petit matin, criblé de balles avec un écriteau portant l'inscription suivante : "tout meurtre ou acte de sabotage commis par le parti destourien dans quelque localité que ce soit, sera suivi par l'exécution de trois membres de la cellule destourienne de cette localité. Rien, ni personne ne peut empêcher cette vengeance".
Moins d'un an après le grand syndicaliste, Ferhat Hached, une grande figure du Mouvement national tombe sous les balles des colonialistes et de leurs agents stipendiés. Ses assassins, à l'exception des complices français qui avaient quitté le territoire national avant l'indépendance, appartenaient au clan Belgaroui et seront arrêtés trois ans plus tard et traduits devant la Haute Cour de justice. Deux d'entre eux, Abdelkader et Mohamed Chédli seront condamnés à mort par pendaison , les autres inculpés, au nombre de 19, écoperont des peines allant des travaux forcés à perpétuité à deux ans de prison.
Une vie vouée à la cause nationale
Hédi Chaker avait 45 ans. Ayant pris part au congrès de Ksar Hélal, le 2 mars 1934 où il est élu membre du Majliss Milli (l'équivalent du Comité Central), il sera le fondateur de la première cellule néo destourienne de la ville de Sfax. Il en sera le patron incontesté et incontestable. pendant 19 ans. Depuis, et jusqu'à son assassinat le 13 septembre 1953, il fera partie du premier cercle des compagnons du Zaïm et sera de tous les combats contre l'occupant partageant avec lui les mêmes épreuves, à Borj le Boeuf, en 1935, à fort Saint Nicolas, près de Marseille, en 1938 suite aux évènements du 9 avril où il apprendra le décès de son épouse, à Clairefontaine, en Algérie, Tabarka, Rémada, Tataouine en 1952 avant d'être assigné à résidence à Nabeul.
Dans une lettre à son fils, Mhammed, le 9 septembre 1953, soit 4 jours avant son assassinat, il écrira ces mots prémonitoires : "notre famille est vouée aux sacrifices et les domaines où l'esprit de sacrifice est requis sont nombreux. Notre devoir nous impose de faire preuve d'abnégation et de patience animés par une foi totale et une volonté inébranlable jusqu'à la victoire finale". Hédi Chaker est tout entier dans cette phrase écrite alors que le pays traversait une épreuve difficile. Car sa vie est une suite de sacrifices sur l'autel de la liberté de son pays. Au détriment de sa vie de famille, sa santé, ses affaires. Jusqu'au sacrifice suprême.
Hédi Chaker, c'était le militantisme fait homme. Bourguiba avait bien connu l'homme et apprécié à sa juste valeur son désintéressement et son engagement au service de la patrie. A l'occasion du 1er anniversaire de son assassinat en septembre 1954, il n'a pas manqué de saluer la mémoire "du militant sans peur et sans reproche qui n'a pas hésité à s'engager dans une entreprise où il sera appelé à côtoyer constamment la mort, où les épreuves ne feront que conforter ses convictions ".


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