De toutes les mesures prises au lendemain du 25 juillet, le placement Béchir Akremi, en résidence surveillée pour une période de 40 jours est sans doute la plus significative. Tout puissant et redoutable procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis 1 et également chef des pôles judiciaires de lutte contre le terrorisme et financier, après avoir été juge d'instruction (cabinet 13), il exerçait toute son emprise sur le parquet. Suspendu de ses fonctions le 12 juillet dernier par le Conseil judiciaire, Béchir Akremi été fortement impliqué par le rapport de l'Inspection générale du ministère de la Justice dans le traitement des affaires de l'assassinat de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, mais, aussi de nombreux autres dossiers de terrorisme. Les éléments révélés par l'Inspection générale apportent des éléments de preuve de grande importance quant à l'existence d'une organisation secrète, appartenant au mouvement Ennahdha et opérant en appareil sécuritaire parallèle. Outre la suspension de Akremi, le Conseil a décidé de transmettre le rapport de l'Inspection générale au parquet. L'instruction va commencer. Rebondissements et surprises sont à attendre. Les faits qui sont reprochés à Béchir Akremi sont largement étayés dans des interrogatoires, auditions et témoignages. Le collectif de défenses des martyrs Chokri Belaïd ont entrepris un long travail de collecte, de traitement et de confrontation de centaines de procès-verbaux et autres documents puisés dans les dossiers d'affaires autres que celle des deux martyrs. Tout leur combat s'attache depuis des années à faire éclater la vérité sur ces assassinats, mais aussi d'autres affaires de terrorisme ainsi que l'organisation secrète d'Ennahdha. Affranchir la justice, débloquer la démocratie La suspension de Béchir Akremi, l'ouverture d'une instruction à son encontre et son assignation en résidence surveillée marque un tournant essentiel pour affranchir la justice. Une justice qui par la pratique de certains magistrats a bloqué la démocratie. La grande bataille menée est en effet de la libérer de tout joug, donnant ainsi un signal fort d'indépendance et d'équité. Dans son numéro d'Août 2021, Leaders consacre un dossier complet à ces affaires explosives, agrémenté notamment par une interview de Me Imen Gzara, l'avocate qui a fait vaciller le juge. Les fondements juridiques L'assignation à résidence est prévue par le Décret n° 78-50 du 26 janvier 1978, réglementant l'état d'urgence. En son article 5, il est stipulé : « Le Ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée, de toute personne, résidant dans une des zones prévues à l'article 2 dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics desdites zones. » A peine nommé à la tête du ministère de l'Intérieur, jeudi après-midi, Ridha Gharssallaoui a pris cette mesure à l'encontre de Béchir Akremi. Lire le Décret n° 78-50 du 26 janvier 1978, réglementant l'état d'urgence