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Ammar Mahjoubi: La magnificence
Publié dans Leaders le 23 - 07 - 2024

Depuis les anciens temps sont variés et constamment rénovés à travers l'histoire, les exemples multiples des dons à la communauté, des largesses en faveur de la société ; évergétisme que les Grecs et les Romains à leur époque avaient érigé à la hauteur d'un système. Parmi les exemples qui l'ont, en quelque sorte, ressuscité, P. Veyne cite le régime des «cargos», pratiqué de nos jours au Mexique et dans les Andes, et il s'interroge sur «ce qui poussait les évergètes à donner ? Etait-ce une valeur, une vertu, voire un travers très humain, la vanité ou la magnificence.» (Le pain et le cirque, Seuil, p 31). Certes, le sens moral, la philanthropie et aussi l'orgueil et l'ostentation ont toujours existé, le poids et la pression d'une opinion publique impitoyable également, «mais pourquoi ont-ils eu quelquefois des évergésies pour objet ?».
Aristote, dans une réponse célèbre à cette question, soutient que l'évergétisme serait la manifestation d'une vertu éthique, d'une qualité du caractère. «Dans toute son étude sur la magnificence, Aristote a constamment en vue les liturgies et le système des évergésies, qui existait à l'état naissant dans les décennies où le philosophe enseignait». Ainsi, les Grecs étaient expliqués par une valeur à la fois grecque et humaine, une disposition en même temps anthropologique, universelle, et un trait de caractère conforme au génie national hellénique. Mais le philosophe ne s'arrête pas au sens du mot magnificence et aborde vite les valeurs; si les Grecs attachent un prix considérable à la valeur de magnificence, c'est qu'en se manifestant à toutes espèces d'individus et de groupes, elle fait partie de leur caractère national. Réponse équivoque, si bien qu'on se demande si la magnificence est une variété de libéralité, qui se rapporte quasi exclusivement aux dons à la collectivité, et que le «magnifique» est constamment un type social, un riche notable.
Large est le geste du «magnifique», aussi bien pour ses dépenses privées, comme celles qu'on fait pour un mariage ou des funérailles, «que pour ce qui intéresse la cité tout entière ?» Si elles sont à caractère collectif, ces dépenses «seront surtout celles qui concernent les dieux, comme les sacrifices». Le «magnifique» dépense donc dans l'intérêt de tous, et ses dons, ses largesses civiques ou religieuses n'entrent pas dans le système d'échanges de bons offices, de cadeaux, qui caractérisent la vertu plus modeste de libéralité. Consommer ou donner largement, c'est presque la même chose. C'est du même ordre, car dans les deux cas, il faut être riche et le prestige qu'on en tire est le même. Dans une société inégalitaire, la catégorie sociale des nantis a du prestige et ne le conserve que si elle dépense ou si elle donne. Le don ostentatoire d'articles dispendieux, de même que leur acquisition ou leur destruction serviraient – selon la théorie célèbre de Veblen - à prouver que le mécène, comme le consommateur, disposent de ressources suffisantes, d'une richesse capable de supporter une telle dépense. «Mettre en relief sa consommation d'articles de prix est une méthode d'honorabilité pour l'homme de loisir» (Veblen, Théorie de la classe de loisir, p.54).Il est en effet admis que l'ostentation répond souvent à un calcul des notables, soit que le luxe serve à différencier cette catégorie sociale, à l'isoler et à la distinguer du groupe, soit que le prestige qu'il procure permette d'impressionner les classes opprimées. Les biens de luxe font donc souvent exception à la loi qui veut que la demande soit une fonction plus ou moins décroissante du prix, constatent les économistes. La cherté, en effet, semble ainsi attirer les acheteurs, et cet «effet Veblen» est considéré comme une exception à la rationalité économique. Hors de portée des pauvres, certaines marchandises sont acquises par les riches pour le seul renom ostentatoire, celui de pouvoir se permettre de grosses dépenses pour l'acquisition d'une montre de luxe, la possession d'une Ferrari ou de quelque autre objet en voie de disparition ? Faut-il donc penser que le luxe se ramène toujours à cet «effet Veblen» ? Il faudrait alors s'efforcer d'analyser et d'approfondir cette question, et il faut aussi peut être chercher d'autres raisons, telles que celles, diverses et mutantes, que le spectateur réclame ou apprécie… «La consommation ostentatoire ne peut se maintenir comme institutions que parce qu'elle répond à un besoin, non seulement chez l'ostentateur, mais chez le spectateur. Les spectateurs attendent, imposent …le gaspillage. La façade de luxe annonce le roi, le riche, l'aristocrate, mais le spectateur vers lequel elle est tournée a aussi son intérêt dans l'affaire». (R. Ruyer, la nutrition psychique et l'économie, dans «Cahiers de l'institut de science économique appliquée, n.55, 1957»). Mais ce que Veblen qualifie d'ostentation pourrait aussi bien s'appeler narcissisme, car il s'agit de l'ostentateur, qui est le premier à éprouver le prestige, le lustre de la richesse !
Toutefois, ce qu'il faut retenir de façon primordiale, c'est que l'ostentation, selon Veblen, confond deux idées : d'une part, la richesse procure des satisfactions matérielles et confère une supériorité à son possesseur; et cette supériorité, cette primauté, d'autre part, est tenue à un certain apparat, à un luxe, qui fait partie de cet apparat et est sensible à autrui. Satisfactions platoniques où Veblen ne discerne et ne retient que la vanité alors que la richesse, la vie des riches est une excellence, et le passage est aisé de cette excellence à l'ostentation. Comme l'avait écrit Saint Thomas : «La grandeur d'âme tient à deux choses, au prestige comme à sa matière, et à faire œuvre grande comme à sa fin…il s'en suit que ceux qui sont à la fois vertueux et riches ont plus de prestige que ceux qui sont seulement vertueux». On doit donc «faire entrer, parmi les activités bonnes, les biens extérieurs, car il est impossible d'accomplir des actions bonnes quand on est dépourvu des ressources nécessaires». (Ethique à Nicomaque, I, 9 (1099 A30). Hume ajoute, de son côté, que «rien ne nous porte davantage à donner notre estime à une personne que sa puissance et ses richesses, ou notre mépris que sa pauvreté et sa médiocrité» (Traité de la nature humaine, Aubier-Montaigne, vol2, p.461).
Le riche est admirable et est admiré; mais quand, par un travers courant, sa vanité, sa jactance le ridiculisent, ce travers vire à la perversion ; cette tare ne se manifeste que lorsqu'on oublie que le prestige n'est que la conséquence de l'excellence. Dans ce cas, le riche ne se conduit de façon admirable que pour être complimenté, ou même pour être porté aux nues. Mais l'ostentation peut aussi n'être qu'un excès, lorsque l'homme supérieur déploie un apparat disproportionné qui dépasse nettement sa supériorité. Ajoutons cependant de toute façon chez le riche, tout luxe n'est pas apparat, car toute supériorité qui ne se fait pas voir, qui ne s'exhibe pas, devient suspecte et on la soupçonne même d'être usurpée ; l'apparat, alors, par le biais du luxe, ne fait que rehausser la richesse, tout en rehaussant, en embellissant aussi les autres supériorités. Richesse ou même opulence poussée à l'excès, qui ne sont d'ailleurs qu'indices, que signes annonciateurs de supériorité politique, sociale ou religieuse. Le luxe, de toute façon, n'est pas le seul moyen de l'apparat, car le cérémonial et ses différentes manifestations assurent le même office.


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