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Spinoza, Dieu et la nature à l'épreuve du Big Bang: vers une métaphysique cosmique
Publié dans Leaders le 02 - 07 - 2025


Introduction
Baruch Spinoza, philosophe hollandais du XVIIe siècle, figure majeure du rationalisme moderne, est un penseur aussi admiré que redouté. Né en 1632 à Amsterdam au sein d'une communauté juive sépharade, il fut excommunié à l'âge de 24 ans pour ses idées jugées hérétiques. Le reproche central ? Sa conception de Dieu, à la fois radicale et dérangeante : un Dieu sans visage, sans volonté, sans transcendance — une idée qui fit de lui, selon certains, un athée dangereux. Mais Spinoza se disait, lui, profondément croyant, seulement « d'une autre manière ».
Derrière cette polémique se cache une révolution métaphysique. En déclarant que Dieu est la Nature (Deus sive Natura), Spinoza bouleverse les fondements de la théologie classique. Il ne nie pas Dieu — il le transforme. Cette transformation ouvre la voie à une spiritualité sans religion, à une éthique fondée sur la raison, et à une compréhension du divin comme totalité immanente.
I. Le Dieu de Spinoza: une substance unique, éternelle et nécessaire
1. L'unité absolue de la substance
Dans L'Ethique, Spinoza commence par poser une thèse centrale: il n'y a qu'une seule substance dans l'univers, et cette substance est Dieu. Ce Dieu n'est pas extérieur au monde: il est le monde. Tout ce qui existe est en Dieu, tout est une modalité de cette substance infinie.
«Ce qui est, est en Dieu, et rien ne peut être ni être conçu sans Dieu.» (Ethique, I, prop. 15)
Spinoza rompt ici avec la théologie judéo-chrétienne, selon laquelle Dieu est un créateur distinct de sa création. Chez Spinoza, Dieu n'est pas un artisan qui modèle le monde, mais une puissance infinie qui s'exprime à travers tout ce qui est.
2. Dieu est cause de soi (causa sui)
Dieu n'a pas de cause extérieure. Il est causa sui, cause de soi-même, ce qui signifie qu'il existe par nécessité de sa propre nature.
«Par Dieu, j'entends un être absolument infini, c'est-à-dire une substance consistant en une infinité d'attributs, chacun exprimant une essence éternelle et infinie.» (Ethique, I, déf. 6)
Ce Dieu ne décide pas, ne veut pas, ne parle pas, ne juge pas. Il n'intervient pas dans le cours du monde, parce qu'il est le cours du monde.
II. Un Dieu sans volonté: la fin de la Providence
1. Rejet des attributs anthropomorphiques
Le Dieu de Spinoza ne veut pas le bien, n'aime pas l'homme, n'écoute pas les prières. Il est radicalement amoral.
«La nature n'a pas de but. Tous les buts, toutes les finalités sont des projections de l'esprit humain.» (Ethique, appendice du Livre I)
Pour Spinoza, c'est l'origine de la superstition. Les hommes, confrontés à la peur, imaginent un Dieu à leur image.
2. Le scandale philosophique: athée ou mystique ?
Aux yeux des autorités religieuses, Spinoza nie Dieu. Il fut excommunié, puis traité d'athée. Mais Spinoza parle sans cesse de Dieu, avec une ferveur presque mystique.
«L'amour intellectuel de Dieu est la béatitude même.» (Ethique, V, prop. 32)
III. Spinoza et ses lecteurs: athéisme, panthéisme ou sagesse immanente ?
1. Les contemporains de Spinoza
Pierre Bayle reconnaît la cohérence logique de Spinoza, mais le déclare dangereusement athée. Il critique l'usage du mot "Dieu" pour nommer une simple nature.
2. Leibniz: admiration discrète, rejet fondamental
Leibniz connaissait le système spinoziste et avait rencontré Spinoza. Il admire la logique de son œuvre mais rejette sa conception de Dieu :
«Ce qu'il appelle Dieu n'est que la Nature même. Ce n'est point un Dieu personnel, créateur du monde, mais une nécessité éternelle et aveugle.»
Leibniz défend un Dieu personnel, libre, moralement bon. Il accuse Spinoza de vouloir "couvrir son athéisme du manteau de Dieu". Pour lui, Spinoza supprime la prière, la providence et l'amour divin, et remplace la foi par une connaissance froide et sans chaleur.
3. Hegel, Nietzsche, Deleuze
Hegel affirme: «Il faut être spinoziste ou ne pas être philosophe du tout.» Mais il critique l'absence de subjectivité dans le système.
Nietzsche admire Spinoza mais le juge encore trop rationnel. Il écrit: «J'ai un précurseur, et quel précurseur!»
Deleuze voit en Spinoza un philosophe de la joie, de la puissance vitale, un penseur de l'immanence radicale.
IV. Dieu sans visage: une religion sans croyance
1. Spinoza contre la superstition
Dans le Traité théologico-politique, Spinoza critique l'usage politique de la religion, les miracles, et l'interprétation littérale des Ecritures. Les prophètes ne sont pas des messagers divins, mais des hommes inspirés moralement.
«L'objet de la révélation n'est pas la vérité, mais l'obéissance.»
2. L'amour intellectuel de Dieu
La véritable piété spinoziste consiste à comprendre Dieu rationnellement. Cette compréhension est source de joie.
V. Dieu aujourd'hui : la modernité spinoziste
1. Le Dieu d'Einstein
« Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l'harmonie de ce qui existe, non en un Dieu qui se préoccupe du destin des hommes. »
Einstein voyait dans l'univers une organisation rationnelle proche du Deus sive Natura.
2. Une spiritualité laïque?
Spinoza séduit aujourd'hui par sa proposition d'une éthique fondée sur la connaissance et la joie, sans superstition ni dogme.
Conclusion
Spinoza n'a pas nié Dieu : il l'a redéfini. Il a retiré à Dieu son anthropomorphisme pour en faire l'ordre nécessaire du réel. Ni athée, ni religieux, il ouvre une voie de pensée où comprendre, c'est déjà aimer, et où vivre selon la raison, c'est atteindre la véritable béatitude.
Dans une perspective contemporaine, on peut tenter de rapprocher la métaphysique de Spinoza des données cosmologiques modernes, notamment celles issues de la théorie du Big Bang. Si l'on admet que l'univers tout entier — y compris la nature, la matière, le temps et l'espace — procède d'un état initial d'énergie extrêmement condensée, alors on pourrait dire que cette "substance originelle" rejoint l'idée spinoziste d'une substance unique et éternelle.
Dans ce cadre, Dieu serait cette matière primordiale, cette potentialité absolue qui, sans dessein ni volonté, se déploie nécessairement sous forme d'univers. L'acte créateur ne serait pas le fait d'un être conscient, mais l'épanouissement d'une puissance immanente. Dieu, dans cette hypothèse, ne gouverne pas le monde : il est le monde devenu nature, devenu expansion.
Une telle interprétation pourrait servir de pont entre croyants et athées : les uns y verraient la trace d'un principe fondateur, les autres une simple cause cosmique dénuée de volonté. Spinoza lui-même, avec sa définition de Dieu comme substance infinie, pourrait s'y retrouver. Car ce Dieu devenu Nature — sans transcendance ni providence — réconcilie le réel observable avec une forme de sacralité rationnelle.
Et si l'on pousse cette proposition jusqu'au bout, elle rejoint paradoxalement l'intuition de Nietzsche lorsque celui-ci proclame : « Dieu est mort ». Non pas qu'il ait été tué, mais parce qu'il s'est évanoui en se dispersant dans le réel, à travers une Nature qui n'a plus besoin d'un maître. Le Dieu éclaté du Big Bang, devenu expansion anonyme de la matière, n'est plus un sujet pensant ni une volonté agissante : il est devenu monde, sans retour possible. C'est peut-être là la véritable mort de Dieu: non un meurtre, mais une métamorphose sans appel. Une mort douce, et peut-être la plus rationnelle qui soit des données cosmologiques modernes, notamment celles issues de la théorie du Big Bang.
Zouhaïr Ben Amor
Bibliographie (ouvrages cités)
• Spinoza, L'Ethique, trad. Bernard Pautrat, Ed. du Seuil, 2005.
• Spinoza, Traité théologico-politique, trad. Charles Appuhn, Flammarion, 1965.
• Bayle, Pierre, Dictionnaire historique et critique, article "Spinoza", 1697.
• Leibniz, G.W., Nouveaux essais sur l'entendement humain, GF-Flammarion, 1994.
• Hegel, G.W.F., Leçons sur l'histoire de la philosophie, Vrin, 1974.
• Nietzsche, Friedrich, Ecce Homo, Gallimard, 1972.
• Nietzsche, Friedrich, Le Gai Savoir, trad. Henri Albert, Gallimard, 1971.
• Deleuze, Gilles, Spinoza : philosophie pratique, Minuit, 1981.
• Einstein, Albert, Comment je vois le monde, Flammarion, 1956.
• Hawking, Stephen, Une brève histoire du temps, Flammarion, 1989 (réf. implicite au Big Bang).
• Luminet, Jean-Pierre, Le destin de l'univers, Fayard, 2006 (sur la cosmologie moderne et l'origine de la matière).


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