Ma relation avec Chawki Gaddes remonte aux premières années de ma carrière d'enseignant à la faculté de Droit et des Sciences économiques de Tunis où je l'avais connu comme étudiant. Ensuite, avec la création de la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, il y a été affecté à titre permanent, devenant ainsi l'un de mes collègues. Par son tempérament généreux et son affabilité, il savait cultiver la bonne humeur, réussissant toujours à rendre plus agréables les moments vécus avec lui à la faculté, et le plaisir d'y travailler, encore plus fort. Ce qui lui a valu d'être apprécié par ses collègues: rigueur et compétence étaient, en effet, les caractéristiques principales de sa manière de s'acquitter de ses obligations. La faculté, sa faculté ! lui reste reconnaissante pour les services qu'il lui a rendus; elle lui est notamment redevable de l'informatisation intégrale de la gestion des différents services de la faculté, travail harassant auquel il a consacré beaucoup de sa santé et de son temps libre, sans contrepartie ! Depuis qu'il était étudiant, il m'a été donné de déceler en lui les réflexes annonciateurs d'un futur et brillant juriste. Ce qui, au fil des années, ne tarda pas à se confirmer au travers de ses travaux de recherche et de ses autres activités académiques. Me revient à l'esprit aussi le plaisir que nous avons éprouvé ensemble, suite à l'acceptation en 2015, par le chef du gouvernement, de la proposition que je lui ai soumise en ma qualité de ministre de la Justice, de nommer Chawki à la tête de l'Instance nationale de protection des données personnelles (Inpdp).Ce fut alors le début de l'œuvre considérable qu'il a accomplie, avec ténacité et conviction, sur le chemin- parsemé d'embûches ! – de la protection des données et de la vie privée. En la matière, en effet, et à toutes les occasions où il est intervenu, sa parole ainsi que ses propositions écrites tendaient toujours à bousculer les usages surannés et les résistances d'arrière-garde. Leur impact, immédiat ou à terme, s'est fait sentir à des degrés variables, en raison surtout des entraves diverses que les observateurs avertis et objectifs savent identifier. Ce qui n'a pas permis, dans certains cas, aux principes et aux idées prônés par Chawki de prospérer comme il le souhaitait. On retrouve ici son tempérament perfectionniste qui le pousse toujours à chercher la complétude dans la réalisation des objectifs qu'il veut atteindre. On a pu le constater, par exemple, dans le champ de la biométrie où il a mené, avec sa pugnacité habituelle – même après avoir quitté l'Inpdp – ce que je peux considérer comme étant l'un de ses derniers combats pour la liberté, et ce, toujours par le biais de la protection des données personnelles. Il reste que, nonobstant les obstacles rencontrés,- par ailleurs inévitables dans un environnement insuffisamment réceptif à la culture de la protection des données personnelles – Chawki aura été un véritable battant qui, armé d'une connaissance fine des expériences comparées, a réussi à faire de l'Inpdp une structure facilitant la diffusion de cette culture au sein des structures publiques et privées et dont la visibilité dans l'espace public se développe progressivement. On fera observer, à cet égard, que grâce à la persévérance de Chawki et sa force de persuasion, l'Inpdp a été un vecteur essentiel dans l'adhésion de la Tunisie à la convention 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel et de son protocole additionnel n°181 concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données (loi organique d'approbation de cette adhésion, n°2017-42 du 30 mai 2017). Ce qui a permis à la Tunisie d'être parmi les premiers pays non européens qui se sont inscrits dans la dynamique universelle de protection des données personnelles. Rien d'étonnant alors à ce que Chawki ait été choisi en 2019 comme président de l'Association francophone des autorités de protection des données personnelles, et à ce que le Conseil de l'Europe et la commission nationale Informatique et libertés de la France, apprenant tous son décès, aient tenu à saluer sa mémoire en signe de reconnaissance des efforts qu'il a déployés dans ce domaine tant au niveau national qu'international. Car le mérite de Chawki dans ce domaine est incontestable. Le rappel de ces faits n'est que justice à lui rendue. Et j'ai tenu à m'y arrêter quelque peu afin de saluer, à mon tour, son dévouement dans l'action qu'il a menée pour la protection de la sphère privée dans la vie de chaque citoyen. Réitérant mes affectueuses pensées et toute mon empathie à Salwa, Fatma, Youssef et à toute la famille, je te dirai, cher Chawki, que dans mon esprit, ton souvenir vivra…vivra longtemps ; les murs de la faculté qui nous a réunis continueront à se faire l'écho de ta voix dans ses salles de cours, surtout celle dédiée à l'informatique, sa bibliothèque, ses bureaux, et à faire résonner tes rires affectueux, souvent précédés de tes beaux sourires. Repose en paix, cher ami. Mohamed Salah Ben Aïssa Ancien doyen de la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis Lire aussi Décès de Chawki Gaddes : Un juriste au cœur de la transition dès l'aube de 2011 et un pionnier de la protection des données personnelles Yadh Ben Achour - Chawki Gaddes: le juriste, entre l'art et la science Neila Chaabane: Hommage à Chawki Gaddes Slim Laghmani : A Chawki Salsabil Klibi - Chawki Gaddes: le cœur sur la main, pour les amis, pour la patrie Farhat Horchani - Chawki Gaddes: Il dégageait une énergie positive extraordinaire, tellement rare maintenant Nadia Kaffel: Hommage de la faculté de Médecine de Tunis à feu Professeur Chawki Gaddes Hana Ben Abda: Chawki Gaddes, une sagesse rare et une intelligence du cœur Lamia Zargouni: Chawki Gaddes, vous avez grandement défendu la protection des données personnelles