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Il y a 53 ans, Sakiet Sidi Youssef
Publié dans Leaders le 08 - 02 - 2011

C'était un 8 février… il y a 53 ans. Un jour de marché à Sakiet Sidi Youssef, et depuis jour de deuil pour la Tunisie. Ce village à la frontière algérienne a été le théâtre d'un des épisodes les plus douloureux de l'histoire de la jeune république tunisienne. Bombardé sans discernement, le sang des combattants algériens s'est mêlé à celui des écoliers tunisiens. L'affaire eut un retentissement mondial et aboutira à la chûte de la IVème République française et à l'arrivée au pouvoir du Général de Gaulle. Bourguiba en profitera pour obtenir l'évacuation des troupes françaises stationnées en Tunisie à l'exception de Bizerte. Les deux peuples voisins se retrouvent chaque année pour commémorer leurs martyrs et célébrer leur fraternité. Ce jour là a fait date.
Mais quel était le mobile de ceux qui ont bombardé ? Comment ces soldats pourraient expliquer ce qui à nos yeux, Tunisiens ou Algériens, un acte atroce ? Y-a-il seulement une explication faute de raison ?
Le Colonel Bernard Ruff était alors sous-chef de patrouille en détachement à Télergma avec son escadron. Ce jour-là, il n'a effectué que des missions d'appui dans les Aurès alors que deux patrouilles (de 4 Mistral) de son escadron sont intervenues à Sakiet Sidi Youssef. Droit dans ses bottes, il assume ses positions de militaire et accepte de livrer à Leaders, sans tabou, son témoignage privilégié sur cet événement vu d'en face. De ses 80 ans passés, il garde une énergie remarquable, une mémoire riche et des idées claires, même si elles sont difficiles à partager.
Une remise dans le contexte
Avant de narrer, il a tenu à planter le décor. Celui de la situation de l'époque et surtout celui de la fratrie militaire. Selon lui, la guerre que menait l'armée française en Algérie n'avait pas pour but d'asseoir le colonialisme mais de pacifier le pays afin d'organiser un scrutin d'autodétermination selon les propositions, dès 1958, de « Paix des braves », formulées par le Général de Gaulle. Sa mission en tant que militaire était donc de faire régner la stabilité. L'Armée de Libération Nationale (ALN) algérienne était considérée comme rebelle et celle de la France comme régulière. Ceci légitimait à ses yeux son engagement à défendre les intérêts de son pays. En tant que soldat, l'inverse serait désertion. Et, plus tard, en tant que commandant d'une unité dans l'Algérois, le Colonel Ruff pensera qu'il est responsable de ses hommes ou qu'il en est « comptable », une expression qu'il emprunte volontiers à Saint-Exupéry, lui qui est devenu- et est encore- expert-comptable dans le civil. Un chef, « comptable de ses hommes » donc qui ne se peut se permettre de regagner sa base alors que ses hommes sont sous le feu. Autrement dit, dans l'armée, quand un homme est attaqué c'est tout son régiment qui riposte.
Le champ de bataille
La base étant établie, le récit peut décoller. Selon le Colonel Ruff, à cette période là, le conflit était dans sa phase appelée dans l'art de la guerre « l'encagement du champ de bataille ». L'armée française se devait avant d'entamer les grandes manœuvres de transformer le territoire algérien en une « cage » afin de couper les routes de ravitaillement de l'A.L.N.
Le sud du pays étant désertique et à reliefs peu accidentés était plutôt simple à contrôler. Mais au nord les frontières, l'Est et l'Ouest donnaient plus de fil à retordre aux militaires français. Des missions de surveillance aérienne étaient alors ordonnées en permanence afin de détecter les mouvements des combattants algériens qui agissaient en Algérie et s'appuyaient sur des bases arrières en Tunisie (ou au Maroc à l'Ouest). Or ces avions se faisaient fréquemment tirer dessus depuis le territoire tunisien et de Sakiet Sidi Youssef en particulier.
Le droit de suite
La persistance de ces attaques est devenue source d'inquiétude pour le commandement militaire de la région dont Jouhaud commandant de la 5ème Région Aérienne, Loth Commandant de la zone Est-Constantinois et Salan Commandant supérieur interarmées. Une suite d'intermédiations passant par le ministre-résident Lacoste, basé à Alger, et le Chef d'Etat major général des forces armées le Général Ely, font que Chaban-Delmas, ministre de la défense du gouvernement Gaillard, obtient le 29 janvier 1958 en comité interministériel l'approbation d'un « droit de suite ».
Le 1er février, le Général Salan demande par écrit au Général Ely l'option, sauf ordre contraire du Général, de répliquer dans les 3 heures suivant une attaque. Ce que le Général Ely lui accorde.
La préparation de la riposte
Le lendemain une note « très secrète » est alors signée par les Généraux Salan et Jouhaud ayant pour objet l'« intervention aérienne à la frontière franco-tunisienne » et mentionnant ce qui suit « La riposte aux tirs de DCA adverse est effectuée à l'initiative de l'armée de l'Air, soit par attaque immédiate par les avions pris à partie, soit par l'intervention du PC-Air dans les trois heures qui suivent, soit par demande de tirs adressée à l'armée de Terre, à condition expresse d'identification sans ambiguïté de cette DCA, excluant tout straffing systématique et aveugle sur un point ou une zone suspecte »
Dans la journée du 7, le ministre Lacoste déclare depuis Constantine que la France est engagée « dans une batille de frontières, c'est-à-dire dans une bataille contre l'irruption en Algérie d'éléments armés venant de l'extérieur », ajoutant que « les moyens matériels et humains ne feront pas défaut »
Le soir même, le Colonel Duval, commandant du GATAC 1 (Groupement Aérien TACtique) de Constantine donne l'ordre d'armer les avions et se tenir prêt pour répondre aux tirs de la DCA de Sakiet Sidi Youssef si ceux-ci se reproduisent.
Le 8 février
Le lendemain matin, le 8 février, l'avion du commandant de bord Perchenet, un MD-315 du GOM-86 (Groupe d'Outre-Mer) est atteint par la DCA de Sakiet Si Youssef. Et se voit contraint d'atterrir à Tebessa sur un moteur. Ce Dassault servait sans doute d'appât afin de provoquer la réaction de la DCA de Sakiet.
C'est alors qu'une réaction automatique selon la nouvelle procédure est enclenchée. 11 bombardiers B-26 et 6 Corsair armés de bombes ainsi que 8 Mistral armés de bombes et roquettes partent en riposte sur Sakiet. Les Corsair avaient des bombes de 1 000lbs à court retard larguées en basse altitude. Les Mistral étaient armés en bombes de 500 lbs, larguées en très fort piqué, donc plus précises. Ce sont les B-26 qui bombardaient en vol horizontal en moyenne altitude qui auraient manqué de précision. Le Colonel Ruff insiste alors pour prétendre que l'école était considérée comme un poste DCA et qu'on ne pensait pas que des écoliers pouvaient encore s'y trouver. Quant à une attaque de cette ampleur un jour de marché, la rapidité de la réaction armée n'a pas laissé place à une action de renseignements préalable. Il concède, alors la « bavure » qui a fait des morts étrangers à la guerre.
Une petite histoire dans la Grande, notre témoin nous raconte que ce matin-là, l'escadron de Chasse II/7 partait relever un escadron de la 8ème escadre de Chasse à Telergma-les-Bains. Le Capitaine Humbert, commandant d'escadron et chef de cette patrouille, devant l'escadron en formation serrée, fit un passage à basse altitude sur la bonne ville de Bizerte endormie : les Tunisiens ont cru qu'on les avait nargués en allant bombarder Sakiet, d'où les ennuis ultérieurs (base assiégée des mois et coupée du monde).Il tient alors à indiquer par respect à l'Histoire qu'aucun avion basé en Tunisie n'a participé à cette opération.
La suite de l'Histoire
Notre rencontre avec le Colonel Bernard Ruff nous a livré « l'autre version », perçue par un militaire représentatif de l'opinion des soldats de l'armée française de l'époque. A vrai dire, un argumentaire qui n'a même pas le mérite de la nouveauté. Mais cet incident fait partie des événements constitutifs de l'histoire de notre pays. Et le devoir de mémoire qu'il impose devrait nous inciter à plus regarder vers l'avenir que déplorer le passé. La commémoration de Sakiet Si Youssef se doit d'être source d'actions fécondes au profit de la république. Une bien honorable manière de se remémorer nos morts.


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