Une grande polémique sur les conditions d'inéligibilité des ex-responsables RCDistes a été soulevée suite aux propos tenus par M. Béji Caïd Essebsi lors de l'ouverture, samedi dernier, de la conférence des gouverneurs. Le gouvernement provisoire n'est, semble-t-il, pas prêt à entériner le projet de Décret-loi sur les élections dans sa version actuelle, telle que présentée par l'Instance supérieure pour la préservation des objectifs de la Révolution. Le premier ministre a déjà ouvertement exprimé des réserves quant aux articles concernant la parité parfaite dans les listes de candidats et, notamment, l'exclusion des RCDistes ayant assumé des responsabilités durant les 23 dernières années. Lors de la conférence des gouverneurs, M. Béji Caïd Essebsi a demandé d'approfondir les discussions sur cette question. Dans ce cadre, il a entamé depuis la fin de la semaine dernière une série de consultations avec les partis et les personnalités politiques. «Le Quotidien» a approché ces sensibilités politiques pour sonder leurs points de vue sur cette question. Les réserves des uns Parmi les partis consultés, le Parti démocratique progressiste (PDP) et le Parti du travail tunisien (PTT) ont été les seuls à émettre des réserves sur le mode adopté pour l'exclusion des ex-responsables RCD de la course aux élections. Issam Chebbi, membre du bureau politique du PDP, a rappelé que «l'inéligibilité ne devrait normalement être prononcée que sur la base d'une décision de justice à l'encontre des personnes impliquées dans des malversations et des passe-droits», soutenant que «le RCD est déjà rejeté au sein de la population et il ne s'agit nullement d'une chasse aux sorcières contre les ex-RCDistes». Quant à Abdeljelil Bédoui, dirigeant fondateur du PTT, il a affirmé, lui aussi, que «la décision d'exclusion est du ressort de la justice en rapport avec des affaires de passe-droits. On châtie ceux qui ont dérapé». Il a toutefois nuancé sa position en soulignant que «la lenteur avec laquelle les dossiers sont en train d'être traités, aussi bien devant les tribunaux que dans les commissions, est aussi pour quelque chose dans cette prise de décision hâtive. Le peuple ne saurait attendre indéfiniment». La certitude des autres Un autre son de cloche prévaut chez les autres partis. Abderrazek Hammami, Secrétaire général du Parti du travail national démocratique (PTND) a déclaré que «cette exclusion est une décision équitable eu égard aux crimes perpétrés par ces responsables durant deux décennies et ce n'est pas chèrement payé». Khalil Ezzaouia, Secrétaire général-adjoint du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) a soutenu «l'inéluctabilité d'une telle décision à l'encontre de ces personnes pour rompre avec l'ère de l'impunité, car un processus révolutionnaire implique systématiquement des châtiments contre les responsables du régime déchu et du parti dissous qui était la cheville ouvrière des dépassements». Noureddine Bhiri, membre de la direction d'Ennahda, a expliqué que «son parti ne saurait qu'adhérer à cette attitude prônée par l'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la Révolution, en respect des règles du travail collectif». M. Bhiri a souhaité que «le gouvernement provisoire entérine cette décision pour accorder davantage de crédibilité à l'opération électorale du 24 juillet prochain». Jounaïdi Abdeljawed, membre du Secrétariat national d'Ettajdid, a proposé que «davantage de précisions soit énoncé concernant les postes excluant leurs titulaires, ex-RCDistes d'éligibilité pour éviter les problèmes au niveau de la haute commission indépendante des élections». M. Abdeljawed a été catégorique pour «inclure les responsables locaux et régionaux qui ont contribué directement aux anciennes élections». Il est donc clair que le RCD dissous traîne encore un lourd passif. Le processus de transition n'a pas encore attisé la colère de la population et de sa classe politique. Aurait-on pu, par ailleurs, s'attendre à une autre position alors que les affaires de corruption et de passe-droits traînent toujours le pas ?