Un juge fédéral de Seattle a ordonné la suspension au niveau national du décret de Donald Trump qui interdit temporairement l'entrée sur le territoire américain des ressortissants de sept pays à majorité musulmane. Cette décision représente la contestation la plus forte à ce jour du décret du président américain, qui l'a justifié lors de sa signature le 27 janvier par la nécessité d'assurer la sécurité des Etats-Unis. Elle a aussitôt semé une certaine confusion au sein de l'administration Trump. Qualifiant le décret de "légal et approprié", la Maison blanche a en effet annoncé que le département de la Justice allait faire appel -- suspensif -- "le plus tôt possible". Mais le ministère, qui avait déjà dit vouloir examiner l'arrêt écrit du juge, attendu pendant le week-end, avant de "décider des mesures à prendre", a confirmé peu après qu'il ne ferait pas appel ce vendredi. "Personne, pas même le président, n'est au-dessus de la loi", a réagi Jay Inslee, le gouverneur démocrate de l'Etat de Washington, qui avait déposé le recours auquel s'était associé le Minnesota. "Cette décision suspend le décret présidentiel sur le champ", a insisté le ministre de la Justice (attorney general) de l'Etat de Washington, Bob Ferguson, nommé à ce poste par l'ancien président républicain George W. Bush. Il a ajouté s'attendre à ce que les autorités fédérales respectent cette décision de justice. Le département d'Etat a dit en avoir été informé et en étudier les conséquences avec le département de la Sécurité intérieure. Sans attendre, le service des douanes et de la protection des frontières a donné pour instruction aux compagnies aériennes d'autoriser l'embarquement des ressortissants des pays concernés par le décret de Donald Trump dès lors que ceux-ci disposent d'un visa américain valide, a déclaré à Reuters le responsable de l'une d'elles. Les compagnies ont reçu leurs nouvelles instructions pendant une conférence téléphonique vers 21h00 (02h00 GMT), a-t-il précisé. "Magnifique journée pour l'état de droit" Outre la "mesure provisoire de protection" accordée à ces immigrants, le magistrat de Seattle a jugé les plaignants fondés à engager des poursuites judiciaires contre les autorités fédérales. "C'est une magnifique journée pour l'état de droit dans ce pays", a commenté l'avocat de l'Etat de Washington, Noah Purcell. La compagnie aérienne Qatar Airways a annoncé hier matin qu'elle embarquerait tous les passagers disposant de passeports, visas et cartes vertes valide, a-t-on appris d'une porte parole. Alors que le juge de Seattle rendait sa décision, des recours similaires étaient examinés dans quatre autres Etats, les plaignants arguant notamment du fait que le décret de Donald Trump viole la Constitution en créant une discrimination religieuse. Dans le Massachusetts, un juge fédéral de Boston a pris une décision inverse de celle de son collègue de Seattle en refusant de prolonger la mesure provisoire de protection qui a permis à certaines personnes visées par le décret d'entrer cette semaine aux Etats-Unis. Saisi par l'American Civil Liberties Union (ACLU), le juge Nathaniel Gorton a jugé peu pertinents les arguments avancés par l'avocat de l'association représentant les plaignants. Le magistrat a notamment noté qu'à aucun moment le décret signé par Donald Trump ne faisait mention de "pays musulmans" et qu'il ne pouvait pas considérer les déclarations d'un candidat avant ou après son élection comme appartenant à un texte réglementaire alors qu'elles n'y figurent pas. Le décret Trump vise explicitement sept pays, la Syrie, l'Irak, l'Iran, le Yémen, la Libye, la Somalie et le Soudan, tous à majorité musulmane. Mais cette particularité religieuse n'est pas spécifiquement mentionnée dans le décret. Flou sur le nombre de visas révoqués Au cours de l'audience, le juge Gorton a demandé à l'avocat du département de la Justice, Joshua Press, de préciser comment avait été constituée la liste des pays dont les ressortissants sont interdits d'entrée sur le territoire américain pour une période de 90 jours. Joshua Press a indiqué que cette liste avait été établie à partir d'une loi votée en 2015 et amendée l'an passé, exigeant que les citoyens de ces sept pays soient titulaires d'un visa pour entrer aux Etats-Unis. Ces restrictions avaient été imposées "par l'inquiétude provoquée par l'arrivée de réfugiés, principalement en provenance de Syrie, et par les attentats terroristes qui se produisaient en Europe", a expliqué l'avocat. Le décret Trump a eu pour conséquence la révocation de plus de 100.000 visas qui avaient été octroyés à des ressortissants de ces sept pays, a précisé l'avocat du département de la Justice devant la juge Leonie Brinkema, siégeant à Alexandria en Virginie, selon la presse locale. Mais à Washington, le département d'Etat a fourni un chiffre moindre. "Moins de 60.000 visas individuels ont été temporairement révoquées conformément au décret", a dit William Cocks, porte-parole pour les affaires consulaires. La juge Brinkema a réclamé au gouvernement fédéral qu'il fournisse d'ici jeudi prochain la liste de "toutes les personnes qui ont été interdites d'entrée ou expulsées des Etats-Unis". La liberté religieuse est garantie aux Etats-Unis par la clause "d'établissement" contenue dans le premier amendement de la Constitution.