Comme chaque 6 février de chaque année, nous nous retrouvons endeuillés à commémorer le lâche assassinat qui a emporté cette voix libre et lucide qui illuminait la scène politique tunisienne. Chokri Belaïd a été forcé de tirer sa révérence en laissant derrière lui deux petites filles et tout un peuple tourmenté, à jamais, par cette violence qui a fait dévier le pays vers une nouvelle voie de violence et de sang. Béji Caïd Essebsi et son mouvement, Nidaa Tounes, s'étaient engagés, lors de la campagne électorale, de déployer tous les efforts nécessaires afin de lever le voile sur toute la vérité concernant ce dossier. Faute de vérité, les concernés ont décidé, cette année, de compenser en s'inscrivant à cette commémoration en lui donnant une touche officielle qui, avouons-le, a apporté une note solennelle. En présence du président du gouvernement, Youssef Chahed, l'hymne national a envahi les lieux accompagné par les fanfares de l'Armée nationale. Rendant hommage au martyr, Youssef Chahed l'a décrit comme le symbole de la révolution tout en notant qu'il restera à jamais vivant dans les cœurs de tous les Tunisiens. Plusieurs autres officiels étaient présents à El Menzah 6 là où a été assassiné Chokri Belaïd, et un malaise s'est fortement fait ressentir lorsque les militants du Front populaire ont repris les slogans scandés le 6 février 2013 ; «Ghannouchi (le chef d'Ennahdha) meurtrier, tueur de nos enfants». Des slogans hostiles contre celui qui est désormais leur allié et principal architecte de cette nouvelle cohabitation politique. Après ce rassemblement d'El Menzah 6, un autre a eu lieu du côté de l'avenue Mohamed V, au cœur de Tunis, et plus précisément à la place des droits de l'Homme qui vient d'être rebaptisée, officiellement, place de Chokri Belaïd. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, s'est présenté à la cérémonie pour rendre hommage au martyr qu'il considère comme le réel leader de la révolution tunisienne. Il a assuré que Chokri Belaïd est le martyr de tout le pays et non pas celui d'un seul courant politique ou d'un seul parti. Béji Caïd Essebsi a appelé tout le monde à ne plus jeter d'accusations à tort et à travers sur cet assassinat sans avoir, au préalable, des preuves matérielles évidentes. De son côté, la veuve du martyr et présidente de la Fondation Chokri Belaïd contre la violence, Basma Khalfaoui, a déclaré que le ministère public s'est joint au parti civil ce qui représente un signe positif dans le déroulement de l'affaire. Me Khalfaoui a par ailleurs appelé les trois présidences (présidence de la République, celle du gouvernement et celle de l'Assemblée des représentants du peuple) à s'impliquer afin que toute la vérité soit révélée le plutôt possible. L'assassinat de Chokri Belaïd a marqué un tournant dans l'Histoire du pays. Le 8 février 2013, plus d'un million et demi de Tunisiens s'étaient regroupés à Tunis pour accompagner le martyr à sa dernière demeure et, surtout, pour crier leur refus à toute violence. Le 25 juillet de la même année, l'assassinat de Mohamed Brahmi a empiré la situation ce qui a conduit à la destruction de tout l'équilibre politique et à l'effondrement du deuxième gouvernement de la Troïka présidé, à l'époque, par Ali Laârayedh.