Les choses se précisent en matière de réforme des régimes de sécurité sociale. Le gouvernement vient, dans ce cadre, de revoir sa copie en intégrant un nouveau volet dans le projet de réforme qu'il a élaboré: le recours à la TVA sociale pour résorber le déficit structurel de la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) et de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNRPS). Selon des sources proches du dossier au ministère des Affaires sociales, le mécanisme de TVA sociale consiste à basculer une partie du financement de la sécurité sociale des entreprises vers les ménages, via une baisse des cotisations patronales et une hausse simultanée de la taxe sur la valeur ajoutée. Il s'agit, en d'autres termes, d'augmenter le taux de la TVA de quelques points supplémentaires pour que les recettes additionnelles générées par cette hausse puissent financer les dépenses de sécurité sociale. Pour ses promoteurs, le financement des régimes de retraite par une partie de la TVA permettrait une participation mesurée de toutes les catégories socio-professionnelles, y compris les retraités. Il a aussi des effets bénéfiques sur la stimulation de l'emploi et l'amélioration de la compétitivité des entreprises et des produits tunisiens. La TVA sociale permet en effet un allégement significatif des charges payées par les entreprises et par conséquent à une réduction du coût du travail. Dans un tel contexte, l'allègement du coût du travail incite les entreprises à investir et à embaucher davantage. Le système est, d'autre part, en mesure de soutenir la compétitivité des entreprises puisque la TVA sociale pénalise les produits importés à l'avantage des produits fabriqués dans le pays. Et étant donné que les prix à l'exportation ne sont pas soumis à la TVA, la baisse des cotisations patronales réduit les coûts pour les exportateurs. Les importateurs, eux, subissent une hausse des prix de vente des produits importés car l'augmentation de la TVA s'applique aussi à leurs produits. Cet effet pourrait être bénéfique pour les produits locaux qui subissent deux effets inverses : la hausse de la TVA et la baisse des cotisations sociales. Conséquence: les prix des produits locaux baissent relativement en comparaison avec ceux des produits importés. Aux yeux de ses détracteurs, la TVA sociale entraînera surtout une augmentation des prix qui pénalisera les consommateurs, en particulier les plus modestes. Mais l'augmentation de la TVA est faite une fois pour toute et intégrée dès la première année dans le niveau général des prix ce qui rend temporaire l'effet inflationniste générée par la TVA sociale. Dans ce cadre, les augmentations salariales, qui sont généralement indexées sur l'inflation, pourraient, par ailleurs, atténuer l'effet inflationniste du mécanisme à moyen et long termes. Relèvement de l'âge du départ à la retraite Sur un autre plan, le projet de réforme élaboré par le gouvernement prévoit l'instauration de nouvelles taxes sur plusieurs produits et services non essentiels pour diversifier les sources de financement des caisses sociales. Selon des sources proches du ministère des Affaires sociales, les produits et services qui seraient ainsi surtaxés sont, entre autres le tabac, les boissons alcoolisées, les jeux par SMS et les paris sportifs. L'idée qui émane de l'UGTT s'inspire de l'expérience française, où plus de 50 taxes sur des produits non essentiels ou superflus sont reversées aux caisses sociales. A titre d'exemple, seuls 20% des recettes de la vente des cigarettes en France vont dans les poches des buralistes et des fabricants de tabac. Le reste, soit 80% environ, va à l'Etat. Il est reversé à des organismes de protection sociale, dont les caisses de sécurité sociale et la Caisse d'assurance-maladie. Autre axe principal de la réforme: le relèvement de deux ans ou de cinq ans de l'âge légal du départ à la retraite pour les fonctionnaires qui le souhaitent. Pour rappel, le déficit total des caisses sociales a atteint 1181 millions de dinars (MD) en 2016 contre 664 MD en 2015. Et la situation est tellement grave que l'Etat était obligé d'injecter 300 MD dans la CNRPS et 500 MD dans la CNSS durant l'année écoulée pour permettre aux deux caisses de continuer à honorer leurs engagements. Le trou, de plus en plus béant de la «Sécu», trouve essentiellement son origine dans les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues le pays au cours des dernières décennies : vieillissement de la population, hausse de l'espérance de vie, propagation des emplois précaires, saturation du marché de l'emploi, multiplication des plans sociaux et des départs à la retraite anticipée. Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, ce ratio est passé de 7 actifs pour 1 retraité en 1991 à 2,4 actifs pour 1 retraité actuellement. Et la moyenne actuelle pour les deux caisses est de 3,8 actifs pour 1 retraité.