L'Union générale tunisienne du travail (UGTT) vient de réitérer son appel à une réforme profonde des régimes de sécurité sociale suite à la publication par le ministère des Affaires sociales de données attestant du creusement du déficit dont souffre les deux principales caisses de sécurité sociale. «Nous appelons encore une fois le gouvernement à renoncer aux solutions de rafistolage qu'il tente de mettre en œuvre pour sauver les caisses sociales. Il est grand temps que les partenaires sociaux s'accordent sur une réforme globale et profonde des régimes de sécurité sociale», a déclaré le secrétaire général adjoint de l'UGTT chargé de la couverture sociale, Abdelkarim Jerad. Le ministère des Affaires sociales avait fait état mardi d'un déficit abyssal de la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) et de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). La CNRPS a enregistré un déficit de 431 millions de dollars en 2015 alors que celui de la CNSS s'est établi à 310 millions de dinars, ce qui porte le déficit global de deux caisses à plus de 900 millions de dinars, selon les données dévoilées par le ministère. Le gouvernement a élaboré un projet de réforme qui s'articule autour de deux axes: l'augmentation de l'âge du départ à la retraite à 62 ans et à 65 ans dans une étape ultérieure dans le but de prendre en compte les projections des indicateurs sociodémographiques à long terme (hausse constante de l'espérance de vie, vieillissement de la population, baisse de la fécondité etc) ainsi que la révision à la hausse des cotisations ainsi que l'augmentation des cotisations des salariés et des employeurs. Ce projet de réforme n'a pas cependant recueilli l'assentiment de la centrale syndicale. «Ces deux mesures relèvent d'une recette usitée et toute prête qui est régulièrement recommandée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale aux pays qui connaissent une détérioration des équilibres financiers de leurs régimes de sécurité sociale. Dans le cas de notre pays, ces solutions de rafistolage ne sont pas en mesure d'empêcher l'effondrement des caisses sociales sur le moyen et le long terme», a souligné M. Jerad. Le responsable syndical rappelle dans ce cadre que l'UGTT avait déjà présenté des propositions de nature à faire sortir les deux caisses du gouffre et à garantir leur viabilité sur le moyen et le long terme. Selon lui, ces réformes s'articulent autour de la diversification des sources de financement des régimes de sécurité sociale à travers l'instauration de nouvelles taxes sur certains produits non-essentiels comme le tabac et les boissons alcoolisées, le recours limité et contrôlé au marché financier, la contribution de l'Etat. L'organisation syndicale recommande, d'autre part, de créer une nouvelle caisse à part qui sera chargée de l'indemnisation des salariés ayant perdu leurs emplois, de lutter contre la diffusion à large échelle du travail au noir dans le secteur privé et de durcir des procédures de recouvrement des créances des caisses sociales auprès des entreprises. Le trou de plus en plus béant de la «Sécu » trouve essentiellement son origine dans les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues la Tunisie au cours des dernières décennies: vieillissement de la population, baisse de la fécondité, précarité de l'emploi, amélioration de l'espérance de vie, taux de chômage élevé, multiplication des plans sociaux... etc. Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Ce ratio est passé de 10 actifs pour un retraité dans les années 80 du siècle dernier à 2,4 actifs pour un retraité actuellement.