Le dialogue de sourds se poursuit entre le gouvernement et l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) au sujet de la réforme des régimes de sécurité sociale. La centrale syndicale a annoncé, hier, l'organisation d'une série de rassemblements régionaux de protestation contre le relèvement obligatoire de l'âge du départ à la retraite. Les deux premiers rassemblements auront lieu simultanément le dimanche 15 mai à Sfax et à Kairouan. Le projet de réforme des régimes de sécurité sociale dévoilé récemment par le ministre des Affaires sociales, Mahmoud Ben Romdhane, et qui prévoit notamment le relèvement obligatoire de deux ans de l'âge du départ à la retraite et une augmentation de trois années supplémentaires pour les fonctionnaires qui le souhaitent, est vivement critiqué par l'UGTT. «Ce projet porte un grand préjudice aux droits acquis des salariés, des retraités et des jeunes demandeurs d'emplois», a commenté le secrétaire général adjoint de la centrale syndicale chargé de la couverture sociale, Abdelkarim Jerad, indiquant que toute augmentation obligatoire de deux ans se traduira par la surpression de quelque 15.000 emplois à pourvoir chaque année dans la Fonction publique. Le responsable syndical a, également, estimé que le mode de financement des régimes de sécurité sociale ne peut en aucun cas continuer à se baser exclusivement sur les cotisations de l'employé et de l'employeur et devrait être plus que jamais diversifié. Il a notamment suggéré, dans ce cadre, le relèvement du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l'instauration de taxes supplémentaires sur certains produits non-essentiels ou nocifs comme les boissons alcoolisées et le tabac ainsi que l'amélioration de la gouvernance des caisses sociales et le recouvrement des créances auprès des entreprises publiques et privées. L'organisation syndicale a, d'autre part, recommandé de créer une nouvelle caisse à part qui sera chargée de l'indemnisation des salariés ayant perdu leurs emplois et de lutter énergiquement contre la diffusion à large échelle du travail au noir dans le secteur privé. Il est à rappeler que l'UGTT avait qualifié, début avril, le projet de réforme des régimes de sécurité sociale proposé par le gouvernement de «déclaration de guerre» et menacé de «recourir à la rue pour bloquer son adoption. Face aux pressions syndicales, le gouvernement a déjà fait machine arrière en ce qui concerne la réduction des pensions de retraite qui ont été jugées «généreuses» par l'actuel ministre des Affaires sociales. Le déficit des caisses sociales, qui ne cesse de se creuser au fil des années, s'explique essentiellement par les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues la Tunisie au cours des dernières décennies : vieillissement de la population, baisse de la fécondité, précarité de l'emploi, amélioration de l'espérance de vie, taux de chômage élevé, multiplication des plans sociaux et des licenciements pour des raisons économiques, hausse de la défaillance des entreprises... etc. Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Ce ratio est passé de 10 actifs pour un retraité dans les années 80 du siècle dernier à 2,4 actifs pour un retraité actuellement.