Le gouvernement continue à affiner son projet de réforme des régimes de sécurité sociale, dont le déficit ne cesse de croître d'une année à l'autre. Selon des sources proches du ministère des Affaires sociales, plusieurs nouvelles pistes de réforme sont actuellement à l'étude. Il s'agit entre, autres, de la révision du mode de calcul de la pension de retraite. La nouvelle méthode proposée repose sur le calcul de la pension sur la base de toute la période de cotisation et non sur les dix dernières années de cotisation comme c'est le cas actuellement au niveau de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS). D'autre part, la réflexion a été engagée sur l'opportunité de la suppression des régimes spéciaux de sécurité sociale tels que le régime des travailleurs agricoles non salariés, régime des travailleurs temporaires et leur intégration dans un régime unique à construire. D'autre part, le projet de la réforme prévoit l'alourdissement des sanctions contre les employeurs qui ne déclarent pas leurs salariés, l'amélioration des procédures de recouvrement des arriérés de cotisations auprès des entreprises et l'apurement des arriérés de l'Etat envers les caisses. L'intérêt se porte aussi sur le recours à une augmentation «limitée» des cotisations et une hausse «raisonnable» de l'âge de départ à la retraite qui prend en compte les projections des indicateurs sociodémographiques à long terme, notamment l'augmentation constante de l'espérance de vie et le vieillissement de la population tunisienne. Le projet de réforme élaboré par le gouvernement prévoit, dans ce cadre, l'augmentation de l'âge légal du départ à la retraite à 62 ans dans un premier temps, puis à 65 ans dans une étape ultérieure. En augmentant le nombre des années de cotisation et en diminuant celui de la jouissance de la pension de retraite, l'augmentation de l'âge du départ à la retraite va permettre d'améliorer les ratios financiers des caisses de sécurité sociales, même s'il aura des retombées néfastes sur l'accès des jeunes au marché de l'emploi. Deux autres options semblent avoir été définitivement rejetées par le ministère des Affaires sociales, qui est la cheville ouvrière de la réforme des régimes de sécurité sociale. Il s'agit de la réduction des prestations servies par les caisses sociales et de l'introduction progressive du système capitalisation à côté du système de la répartition (les cotisations des actifs financent les pensions des retraités, NDLR). Le rejet du système de la capitalisation, en vigueur dans le monde anglo-saxon, est motivé par le souci d'éviter les fluctuations qu'induiraient les aléas conjoncturels et les fluctuations des marchés financiers. Déficit de 1000 millions de dinars en 2016 ! La révision du mode du calcul de la pension de retraite et la hausse des cotisations des employés et des employeurs risquent, cependant, de ne pas plaire à l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et à l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA). La centrale ouvrière défendrait le pouvoir d'achat des salariés déjà mis à mal par les hausses des prix de produits de base, tandis que la centrale patronale s'opposerait à une hausse du coût de la production des entreprises dans un contexte de baisse de la productivité et de développement du marché parallèle. Il est à rappeler que le déficit des trois caisses sociales (CNSS, CNRPS, CNAM) a atteint un montant record de 281,6 millions de dinars en 2013. Selon les prévisions du ministère des Affaires sociales, il devrait culminer à 400 millions de dinars en 2014 et à 700 millions de dinars en 2015. Pire encore, ce déficit pourrait s'élever à 1000 millions de dinars en 2016, si aucune réforme n'est mise en œuvre rapidement. En 2013, le déficit de la CNRPS a atteint un niveau record de -212,8 millions de dinars, contre -124,9 millions de dinars en 2012 et -20,2 millions de dinars en 2009. De son côté, la CNSS a enregistré un déficit de -85,8 millions de dinars en 2013, contre un trou moins béant de -81,8 millions de dinars en 2012 et un excédent de 5,9 millions de dinars en 2009. La Caisse Nationale d'Assurance-Maladie (CNAM) a, quant à elle, remonté la pente en 2013, en enregistrant un excédent de 17 millions de dinars après un déficit de -35,3 millions de dinars en 2012. En 2009, cette caisse était excédentaire de 16,8 millions de dinars. La principale cause de ce trou de plus en plus béant de la «sécu» réside dans les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues la Tunisie au cours des dernières décennies : vieillissement de la population, travail au noir, amélioration de l'espérance de vie, taux de chômage élevé, plans sociaux... etc. Le ratio actifs/retraités (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, le ratio actifs/retraités au niveau de la CNRPS a atteint 2,87 actifs pour un seul retraité en 2012, contre 3,11 en 2008 et 5,3 en 1990. Au niveau de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), la situation est légèrement meilleure, avec un ratio actifs/retraités qui s'est établi à 4,29 en 2012, contre 4,47 en 2008 et 5,65 en 1995.