«L'assuré social, qui n'assume aucune responsabilité dans la détérioration des équilibres financiers des caisses, risque d'être le grand perdant si l'on applique le projet de réforme présenté par le gouvernement», souligne Abdelkarim Jrad, secrétaire général adjoint de l'UGTT chargé de la couverture social La réunion de la commission de la protection sociale tenue hier a été marquée par des divergences profondes entre les partenaires sociaux au sujet de la réforme des régimes de sécurité sociale. Les représentants de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) ont ainsi exprimé des réserves sur le projet élaboré par le gouvernement pour sauver les caisses sociales souffrant d'un déficit structurel. Ces réserves tiennent au fait que tous les axes du projet du gouvernement auront un impact négatif sur l'assuré social. «Le diagnostic approfondi de la situation de la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) et de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNRPS) montre que l'assuré social n'assume aucune responsabilité dans la détérioration des équilibres financiers de ces deux caisses. Or, l'ensemble des mesures visant à renflouer ces deux caisses auront un impact négatif sur l'assuré social», a expliqué Abdelkarim Jrad, secrétaire général adjoint de l'UGTT chargé de la couverture sociale, de la santé et de la sécurité au travail. «L'augmentation de l'âge de départ à la retraite aura un impact négatif sur la santé et le bien-être de l'assuré social, tandis que la hausse des cotisations prélevées sur les salaires et la réduction des pensions de retraite auront des effets néfastes sur le budget des ménages en ces temps de flambées inflationnistes », a-t-il ajouté, indiquant que l'assurés social seraainsi le grand perdant de la réforme. Le responsable syndical qui a participé à la réunion de la commission de la protection sociale qui regroupe aussi des représentants du Gouvernement et de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du commerce et de l'Artisanat a, d'autre part, précisé que le projet qui leur a été officiellement présenté par l'exécutif ne prévoit pas le recours à la TVA sociale, un mécanisme prévoyant l'augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de quelques points supplémentaires pour que les recettes additionnelles générées par cette hausse puissent financer les dépenses de sécurité sociale. «Le recours à la TVA sociale a été en revanche soulevée par un conseiller du Chef du gouvernement lors de la dernière réunion de la commission chargée de réfléchir sur les pistes de la réforme des régimes de sécurité sociale créée dans le cadre du Pacte de Carthage », a-t-il détaillé. M. Jrad a indiqué, dans ce chapitre, que l'UGTT demeure attachée à une réforme des régimes de retraite qui repose sur le partage des sacrifices entre les assurés sociaux, les patrons et les pouvoirs publics. Le projet présenté par le gouvernement prévoit le relèvement obligatoire de deux ans l'âge légal de départ à la retraite et de 3 années supplémentaires pour les salariés qui le souhaitent. Il préconise aussi l'augmentation des cotisations des employés et des employeurs et la réduction des pensions de retraite jugées «trop généreuses». Pour rappel, le déficit total des caisses sociales a atteint 1181 millions de dinars en 2016 contre 664 millions en 2015. Et la situation est tellement grave que l'Etat était obligé d'injecter 300 millions de dinars dans la CNRPS et 500 millions dans la CNSS durant l'année écoulée pour permettre aux deux caisses de continuer à honorer leurs engagements. Le déficit des caisses sociales trouve essentiellement son origine dans les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues la Tunisie au cours des dernières décennies : vieillissement de la population, hausse de l'espérance de vie, propagation des emplois précaires, saturation du marché de l'emploi, multiplication des plans sociaux et des départs à la retraite anticipée. Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, ce ratio est passé de 7 actifs pour 1 retraité en 1991 à 2,4 actifs pour 1 retraité actuellement. Et la moyenne actuelle pour les deux caisses est de 3,8 actifs pour 1 retraité.